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Discours de Robespierre contre l’Athéisme.

présenté le 1er frimaire an II (21 novembre 1793) aux Jacobins

vendredi 3 avril 2015

C’est un texte curieux et intéressant, qui permet de comprendre l’attitude de Robespierre et « l’organisation du Culte de l’Être Suprême ».
Ce discours est présenté dans un contexte « antireligieux ».
Son choix est à dû à la perspicacité de M. Bernard Vandeplas vice-président de l’ARBR

Culte de la Raison et de l’Être Suprême 1794

« On dira peut-être que je suis un esprit étroit, un homme à préjugés ; que sais-je, un fanatique.

J’ai déjà dit que je ne parlais, ni comme un individu, ni comme un philosophe systématique, mais comme un représentant du peuple. L’athéisme est aristocratique ; l’idée d’un Grand Être, qui veille sur l’innocence opprimée, et qui punit le crime triomphant, est toute populaire. (vifs applaudissements). Le peuple, les malheureux m’applaudissent ; si je trouvais des censeurs, ce serait parmi les riches et parmi les coupables. J’ai été, dès le collège, un assez mauvais catholique ; je n’ai jamais été ni un ami froid, ni un défenseur infidèle de l’humanité… Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer…

Lorsque le cœur ulcéré de tous les crimes dont nous étions les témoins et les victimes, lorsque versant des larmes amères et impuissantes sur la misère du peuple éternellement trahi, éternellement opprimé, je cherchais à m’élever au-dessus de la tourbe impure des conspirateurs dont j’étais environné, en invoquant contre eux la vengeance céleste, au défaut de la foudre populaire.

Ce sentiment est gravé dans tous les cœurs sensibles et purs ; il anima dans tous les temps les plus magnanimes défenseurs de la liberté. Aussi longtemps qu’il existera des tyrans, il sera une consolation douce au cœur des opprimés, et si jamais la tyrannie pouvait renaître parmi nous, quelle est l’âme énergique et vertueuse qui n’appellerait point en secret, de son triomphe sacrilège à cette éternelle justice, qui semble avoir écrit dans tous les cœurs l’arrêt de mort de tous les tyrans. Il me semble du moins que le dernier martyr de la liberté exhalerait son âme avec un sentiment plus doux, en se reposant sur cette idée consolatrice.
Ce sentiment est celui de l’Europe et de l’univers ; c’est celui du Peuple Français. Ce peuple n’est attaché ni aux prêtres, ni à la superstition, ni aux cérémonies religieuses ; il ne l’est qu’au culte en lui-même, c’est-à-dire à l’idée d’une puissance incompréhensible, l’effroi du crime et le soutien de la vertu, à qui il se plaît à rendre des hommages qui sont autant d’anathèmes contre l’injustice et contre le crime triomphant.

Si le philosophe peut attacher sa moralité à d’autres bases, gardons-nous néanmoins de blesser cet instinct sacré, et ce sentiment universel des peuples. Quel est le génie qui puisse en un instant remplacer, par ses inventions, cette grande idée protectrice de l’ordre social, et de toutes les vertus privées ? »

D’après le Moniteur universel, n° 66 du 6 frimaire an II, p. 266. Extrait d’un discours prononcé au Club des Jacobins le 1er frimaire an II.

Bernard Vandeplas, Docteur en Histoire contemporaine.
Fête de l’Être Suprême, 1794.
Musée Carnavalet, Paris

Voir aussi : La conception religieuse de Robespierre.