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Interview exclusive de Maximilien Robespierre par C. Lescureux

Réalisée au Bistrot de l’Étoile Rouge,

dimanche 14 juillet 2019

Christian Lescureux [1] est allé rejoindre Maximilien « au Paradis des Révolutionnaires, les vrais ». C’est de là que « l’Incorruptible » observe, curieux, avec son frère Augustin, sa sœur Charlotte, la petite Duplay, ses amis Saint-Just, Couthon, Babeuf, Marat, Saint-Fargeau, Desmoulins et tous celles et tous ceux qui inventèrent la France il y a deux cent trente ans, le monde d’aujourd’hui comme il va.
À l’occasion du 14 juillet, il nous en a rapporté cet interview [2].

« Les Académiciens se disent « Immortels ».
Presque tous pourtant disparaissent à jamais dans les ténèbres de l’oubli. Seuls les véritables grands hommes demeurent pour toujours vivants parmi nous.
Maximilien Robespierre est de ceux-là, tellement présent qu’il suscite encore les passions. »

Nous publions ci-dessous cette interview

« Sans la justice, la liberté n’est qu’un vain mot",

Christian Lescureux :
À Arras, vous rédigez le Cahier de Doléances de la plus pauvre des corporations : les savetiers. A l’Assemblée, au club des Jacobins, vous vous ferez toujours le porte-parole du petit peuple. Et pourtant vous refusez le titre de « défenseur du Peuple ». Votre immense popularité montre pourtant que l’on vous considérait comme tel.

Maximilien Robespierre :
Je ne suis point le défenseur du peuple ; jamais je n’ai prétendu à ce titre fastueux ; je suis du peuple, je n’ai jamais été que cela, je ne veux être que cela ; je méprise quiconque à la prétention d’être quelque chose de plus...
Il n’y a rien d’aussi juste ni d’aussi bon que le peuple toutes les fois qu’il n’est point irrité par les excès de l’oppression.
Le vrai moyen de témoigner son respect pour le peuple...C’est de le prémunir contre ses propres défauts. « Le peuple, disait Rousseau, veut toujours le bien mais il ne le voit pas toujours. »

Christian Lescureux
Déjà en avril 1789, lors de l’élection des députés du Tiers-État, vous vous êtes opposé aux prétentions des Bourgeois les plus riches de la ville d’Arras. Député à la Constituante puis à la Convention vous avez combattu, avec la même détermination, les possesseurs de grandes fortunes que les privilégiés de l ’ Ancien Régime. Pourquoi ?

Maximilien Robespierre :
Est-ce pour retomber sur le joug de l’aristocratie des riches, la plus insupportable de toutes, que le peuple a brisé le joug de l’aristocratie féodale ?... Les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer... Ils sont les fléaux du peuple. Les lois étant faites pour protéger les plus faibles n’est-il pas injuste que ce sont les hommes les plus riches qui aient le plus d’influence sur les lois ?
Les grandes richesses corrompent ceux qui les possèdent et ceux qui les envient.

Christian Lescureux :
À la Constituante vous avez plaidé contre la peine de mort avec des arguments d’une rare modernité. Pourquoi alors avoir réclamé la mort du roi Louis XVI ?

Maximilien Robespierre :
J’abhorre la peine de mort... Elle est un crime, un « assassinat solennel ». J’en ai demandé l’abolition. Vous l’avez refusée et vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer. Je prononce à regret cette fatale vérité... mais Louis doit mourir.

Christian Lescureux :
Pourquoi avoir mobilisé tout un peuple et conduit les armées révolutionnaires à la victoire alors que vous étiez, presque seul, opposé à la guerre ?

Maximilien Robespierre :
La guerre est bonne pour les ambitieux... Les agioteurs... Les ministres dont elle couvre les opérations d’un voile épais. Bonne pour le pouvoir exécutif dont elle augmente l’autorité... Pendant la guerre, le peuple oublie ses droits...
Mais puisque la guerre est commencée, il ne nous reste plus qu’à la faire tourner au profit de la Révolution... Et mettez-vous en garde contre la gloire même de vos généraux.

Christian Lescureux :
Répugnant à la violence et abattu par ceux dont vous condamniez les excès on vous accuse pourtant d’avoir été impitoyable. Car la Terreur...

Maximilien Robespierre :
La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible... On conduit le peuple par la raison et les ennemis du peuple par la terreur.
Punir les oppresseurs du peuple, c’est clémence ; leur pardonner, c’est barbarie...
Malheur à celui qui oserait diriger vers le peuple la terreur qui ne doit approcher que ses ennemis.

Christian Lescureux :
Alors que dans les années terribles de 1793-94 vous avez sauvé la République et la Patrie assiégée, les républiques successives ont refusé de vous rendre justice. N’est-ce pas surtout à cause de vos idées jugées trop « avancées » comme celle de vouloir « limiter le droit de propriété » ?

Maximilien Robespierre :
Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui. Il ne peut préjudicier ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables.
Nul n’a le droit d’entasser des monceaux de blé à côté de son voisin qui meurt de faim. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes.

Christian Lescureux :
Voilà en effet des principes « dangereux » pour ceux qui, à la tête de fortunes immenses, spéculent dans limites, répandent le chômage et acculent à la famine des peuples entiers. Pensez-vous que les souffrances d’un peuple justifient qu’il se révolte ?

Maximilien Robespierre :
Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires ; ils ne rendent point de sentences ; ils lancent la foudre...
C’est quand on foule aux pieds la bonne foi et la pudeur que le peuple doit s’insurger...
La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme et du citoyen.
Quand le gouvernement opprime le peuple, l’insurrection du peuple entier et de chaque portion du peuple est le plus saint des devoirs... Le peuple est méprisé dès qu’il ne se fait plus craindre ; il est vaincu dès qu’il pardonne à ses ennemis avant de les avoir entièrement domptés.

Christian Lescureux :
Vous avez mesuré très tôt la portée universelle de la Révolution Française. Puis dans les derniers mois de votre combat, vous avez pressenti les malheurs qu’allait connaître le peuple « durant un siècle ». Le XIXe fut en effet impitoyable pour le monde ouvrier. Aujourd’hui 14 juillet 1993 lequel de vos messages aimeriez vous rappeler ?

Maximilien Robespierre :
« Le monde a changé. Il doit changer encore ».

Entretien réalisé par Christian LESCUREUX au Bar de l’Étoile Rouge, carrefour de l’égalité et des droits de l’Homme, Place du 14 juillet, Paradis des Révolutionnaires, en présence des 25 compagnons assassinés le 9 thermidor an II et de ceux très nombreux qui le furent dans les mois qui suivirent.

Nota bene

Il nous faut remercier notre ami Bruno Decriem, membre de l’ARBR, d’avoir sorti de ses archives personnelles cette interview factice et « posthume » réalisée par Christian LESCUREUX, pour « L’Hebdomadaire » n°34 , 16 juillet 1993 [3], le journal qui remplaça un temps le journal communiste « Liberté »issu de la Résistance.

Nous nous sommes juste permis d’arranger un peu la présentation du texte, en hommage à notre ami Christian qui nous a quittés il y a maintenant un peu plus d’un an et qui sans aucun doute a rejoint le « Paradis des révolutionnaires », les vrais, manière de penser un peu, beaucoup à notre ami en ce 14 juillet du deux cent trentième anniversaire de la prise de la Bastille.

Petite biographie de l’interviewé :

MAXIMILIEN ROBESPIERRE

Né à Arras le 6 mai 1758.
Orphelin très jeune. Brillantes études à Paris grâce à une bourse.
Avocat et juge à Arras dès 1781. fervent admirateur de Jean-Jacques Rousseau.
Député du Tiers État d’Artois en 1789, devient vite le Révolutionnaire le plus populaire par ses luttes intransigeantes « pour que la Révolution profite à tous ».
Ami des Sans-Culottes il rayonne sur toute la France grâce au club des Jacobins.
Il combat les excès, et notamment les persécutions religieuses qui minent la Révolution.
Appelé au Comité de Salut Public en juillet 1793 pour sauver la Patrie en danger, il trouvera dans le peuple l’énergie suprême qui vaincra les ennemis intérieurs et extérieurs.
La République sauvée, la riche Bourgeoisie, avide de conquêtes, complotera la mise à mort de l’Incorruptible et la fin des conquêtes sociales de la Révolution.
Il sera exécuté, sans jugement, avec ses compagnons, le 28 juillet 1794, à l’âge de 36 ans. Robespierre, poursuivi par la haine et la calomnie deux siècles durant, n’en est pas moins, en France et dans le monde entier, la figure emblématique de la Révolution Française.

Petite biographie de l’interviewer  [4] :

CHRISTIAN LESCUREUX

Lors d’un conférence pour l’ARBR

Né le 10 janvier 1926 à Saint-Laurent Blangy (Pas-de-Calais) ; instituteur dans le Pas-de-Calais ; militant syndicaliste ; militant communiste, conseiller municipal de Maroeuil, adjoint au maire de Saint-Laurent-Blangy.
Fils d’un comptable, et d’une fille de cultivateurs aisés, il réussit au concours d’élève-maître en 1943 et effectua sa scolarité au collège d’Arras. Titulaire du baccalauréat « Philosophie » en 1945, après avoir suivi une année de formation professionnelle à l’École normale d’instituteurs d’Arras qui venait d’être ouverte, il devint instituteur intérimaire en région minière à Rouvroy et à Loison-sous-Lens de 1946 à 1952.
Inscrit comme étudiant à la faculté des lettres de Lille en 1950-1951, titularisé en 1952, il exerça à Marœuil, comme instituteur puis comme directeur de 1969 jusqu’à sa retraite en 1983.
Membre du Syndicat national des instituteurs et de la FEN-CGT à partir d’octobre 1952, suppléant du conseil syndical de la section départementale du SNI en 1956, C. Lescureux fit partie du conseil syndical l’année suivante, élu sur la liste « unitaire » à partir de 1969, faisant partie de la direction départementale du courant « cégétiste » puis « Unité et Action » des sections départementales du SNI et de la Fédération de l’Éducation nationale jusqu’en 1992. Retraité, il adhérait au SNUIPP.
Christian Lescureux, sympathisant communiste depuis 1950, adhéra au Parti communiste français à Arras en octobre 1952. Il militait aussi depuis 1956 au Mouvement de la Paix.
Correspondant du quotidien communiste Liberté de 1953 à sa disparition en 1992, il assura la même responsabilité pour L’Hebdomadaire et Liberté 62 de 1994 à 2003.
Il se maria en avril 1960 à Marœuil avec une employée de maison, fille d’ouvriers, militante communiste. Le couple eut cinq fils.
En 1987, dans la perspective du bicentenaire de la Révolution, il créa, avec des élus communistes et personnalités diverses, une association départementale des Amis de Robespierre qui se développa par la suite sur le plan national. Il en fut le secrétaire jusqu’en 2010.
Membre élu de la Société des études robespierristes depuis 1999, militant d’ATTAC depuis sa création, il collaborait, pour le département, au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mouvement social français (Maitron).
Il s’est éteint dans la plus grande discrétion le 5 mars 2018, laissant orphelins ses nombreux amis de l’ARBR.

Pour accéder à l’original cliquez sur la vignette :

Document original
Original de l’article de « l’Hebdomadaire »

[1Christian Lescureux, instituteur, militant politique et syndical, historien, fondateur de l’ARBR, 1926-2018

[2Toutes les réponses de Robespierre sont d’authentiques extraits de ses écrits et discours.

[3En 1993, le quotidien régional du parti communiste « Liberté » dut déposer son bilan et disparut.
L’équipe de rédaction entreprit alors des démarches pour en conserver le titre et en faire un hebdomadaire régional existant encore aujourd’hui. Dans l’attente, elle créa un hebdomadaire éphémère intitulé « l’Hebdomadaire » qui fut heureusement vite remplacé par « Liberté-Hebdo ». Le texte que nous publions est la réplique authentique de celui paru dans ce numéro.

[4Extraite du Maîtron