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La fuite du Roi, vue d’Arras

mardi 3 mars 2015

La fuite du Roi, vue d’Arras


« Entre le 21 juin et la fin juillet, les secrétaires de l’Assemblée nationale reçurent plus de 650 lettres de divers corps de tout le pays, de tous les départements, de presque toutes les villes, d’un nombre surprenant de villages.

Le but ostensible de cette imposante correspondance était de réaffirmer son soutien à l’Assemblée dans ce qui était indiscutablement la plus grande crise politique depuis le début de la Révolution. Mais, face à cette crise, un grand nombre de lettres poignantes montrent un profond changement d’attitude à l’égard du roi…

Prise dans son ensemble, cette correspondance constitue un échantillon de l’opinion provinciale du moment, alors que la population s’efforçait de trouver une solution au problème du roi et à sa place dans la nation dans les semaines qui suivirent Varennes  » [1]

Les Amis de la Constitution de la ville d’Arras envoient une adresse à l’Assemblée nationale le 22 juillet 1791.
Celle-ci est caractéristique de la rupture entre l’opinion et le roi. Il a menti et fuit pour se réfugier à l’étranger. Il n’est plus le père du peuple de France.

À Arras comme dans l’ensemble des communes de la France, l’opinion par le biais de son élite révolutionnaire se retourne contre le roi.

L’Assemblée nationale remplace le roi. À la nouvelle de l’évasion du roi les Amis de la Constitution d’Arras écrivent : « nos courages bien loin d’êtres abattus en reprirent une nouvelle énergie : c’est en vous que nous plaçâmes tout notre espoir…  » [2]

L’assemblée réagit vivement à cette crise majeure, tandis que l’opinion se radicalise par le biais de ses clubs et débats  : « Nous répétâmes tous le serment solennel de vive libre ou mourir  » [3]. Les Amis de la Constitution ne sont pas déçus de l’attitude de l’Assemblée : celle-ci « déploya dans cette circonstance orageuse, une énergie qui justifia notre confiance… » [4]

Avec la fuite du roi l’opinion publique prend conscience de ses nouveaux droits et la Constitution devient la nouvelle référence. La Monarchie de droit divin s’écroule donc avec la personnalité du roi. Le Club d’Arras est l’animateur de l’opinion nouvelle naissante.

Il reconnaît pleinement les mesures prises par l’Assemblée, organe du pouvoir en l’absence d’exécutif. Sans les mesures de l’Assemblée, constate le club d’Arras, aux « horreurs d’une guerre civile se seraient réunies celles d’une guerre étrangère. Les noirs complots qu’on trame contre nous auraient éclaté, et tous les tyrans de l’Europe se seraient infailliblement ligués pour abattre l’édifice de notre liberté… Messieurs, en animant les Français de votre esprit, vous avez su les rendre invincible… » [5] . L’assemblée garantit l’union autour de la loi et de la Constitution qui se placent au-dessus de tous, y compris du roi, dont le sort reste à déterminer. « Messieurs, nous sommes les Amis de la Constitution : en prenant ce titre nous avons contracté l’engagement sacré de la soutenir et de la défendre ; jurons donc d’obéir à tous les Décrets de l’Assemblée Nationale, et d’en maintenir l’exécution jusqu’à la mort  » [6].

Les semaines qui suivent la fuite de Varennes mettent en place une psychologie que nous retrouverons accentuée dans les années suivantes. Le climat politique de la France poursuit sa transformation. Une nouvelle France prend naissance où l’opinion de tous compte. Le citoyen devient le centre du nouvel espace public. Le club des Amis de la Constitution d’Arras participe pleinement aux changements et à l’éducation politique du peuple dans cette France ou l’événement de Varennes marque une étape majeure dans la rupture entre le peuple et son roi.

L’opinion se retourne bien contre le roi, au cours de la période comprise entre la fin juin et la mi-juillet. Le Club d’Arras montre par cette adresse à l’Assemblée nationale du 22 juillet 1791 que la province s’intègre à son rythme aux mouvements de la capitale. La France se tourne vers l’avenir, la monarchie ne se dégage pas du passé.

{{}}Cette évasion de Louis XVI met en lumières les contradictions du régime en place. Chacun comprenait qu’un roi ramené de force à Paris sous les insultes et gardé jour et nuit ne pourrait donner sa foi à la Révolution. Varennes assassine la royauté. La fuite présente aux yeux de tous, la séparation du Roi et de la Nation [7] . Comme nous le montre, l’adresse des jacobins d’Arras du 22 juillet 1791, l’élite révolutionnaire de la ville n’est pas dupe. Le roi n’est plus au centre de la Nation. La Constitution devient pour l’instant le pilier essentiel des révolutionnaires et la fuite de Varennes participe par le relais des clubs à l’apprentissage politique. Lettres et pétitions circulent entre les clubs et sont adressées en masse à l’Assemblée. Les Amis de la Constitution d’Arras participent au mouvement général en restant fidèles à la Constitution. En ce mois de juillet 1791, le sens de la révolution, le sort de Louis XVI et l’avenir des mesures sociales sont des questions essentielles posées en même temps. Les Jacobins d’Arras choisissent de rester fidèles à toutes les décisions de l’Assemblée Nationale et aux lois, face aux scissions que montrent les révolutionnaires de la capitale.

 

Bernard Vandeplas Docteur en histoire contemporaine

[1Timothy Tackett : « Le roi s’enfuit : Varennes et l’origine de la Terreur. », Éd. La Découverte/poche, Paris, 2007, Citation, p. 219.

[2Archives Privées : « Lettre des Amis de la Constitution, à l’Assemblée nationale, Arras, le 22 juillet 1791 ».

[3Idem.

[4Idem.

[5Idem

[6Idem.

[7Mona Ozouf, « Varennes, la mort de la royauté (21 juin 1791) », éd. Folio histoire, Paris, 591 p. 2011.