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Robespierre admirateur de Sparte

vendredi 8 septembre 2017

« Sparte brille comme un éclair dans les ténèbres immenses » déclarait Robespierre le 18 floréal an II.

C’est cette référence à Sparte utilisée par Robespierre que Maxime Rosso de l’Université Paul Cézanne (Aix-Marseille) a étudiée dans un brillant article issu de sa thèse. Cet article, paru récemment dans les AHRF, est intitulé : « Les Réminiscences Spartiates dans les discours de Robespierre de 1789 à Thermidor ».

C’est dans les œuvres de Plutarque et surtout de Rousseau, son maître à penser, que Robespierre découvre et admire le système spartiate issu de la législation de Lycurgue : « Sparte, une cité idéalement organisée, où les citoyens complètement désintéressés, sont conduits par la seule vertu. »

Robespierre trouve en effet, dans l’histoire de la cité lacédémonienne, des réponses à ses propres aspirations : la soumission à la loi, la dévotion à la patrie et la régénération du citoyen grâce à l’éducation.

De façon très audacieuse, nous dit Maxime Rosso, Robespierre fait de Sparte le seul véritable modèle de démocratie et le dernier refuge de la vertu publique qui se manifeste par le civisme et le patriotisme. Bien sûr, il n’approuve pas la division en castes en vigueur dans cette cité où les hilotes étaient privés des droits civiques les plus élémentaires. Il se sert même de cette comparaison antique pour attaquer l’idée de cens électoral. Les Français les plus pauvres deviendraient ainsi les hilotes chargés de nourrir une nouvelle aristocratie formée de bourgeois.

Ce que Robespierre retient essentiellement dans le système spartiate, c’est la cohésion de la société et du corps politique.

Comme à Sparte, Robespierre célèbre l’amour de la patrie. Cet amour peut aller jusqu’à mépriser la mort pour la défendre comme le jeune Joseph Barra, tué par les Chouans en 1793 pour avoir refusé de renier la République.

Comme à Sparte aussi, Robespierre va instituer les Fêtes Civiques célébrant la liberté, la patrie et le respect des lois. Ces fêtes reflètent celles données dans la cité grecque en requérant la participation du peuple tout entier : les hommes jeunes, braves défenseurs de la patrie, les vénérables vieillards, les enfants et les femmes ’inspiratrices et gardiennes des vertus républicaines’. ’Qu’avez-vous à envier aux femmes de Sparte ? déclare Robespierre le 18 floréal an II, Comme elles, vous avez donné le jour à des héros ; comme elles, vous les avez dévoués, avec un abandon sublime, à la patrie’.

Enfin, pour réformer les mœurs des Français et insuffler aux nouvelles générations l’esprit de la révolution, Robespierre sait que l’éducation a une importance considérable. Il présente lui-même à l’ Assemblée le plan d’éducation nationale de son ami Michel Lepeletier de Saint Fargeau, son auteur ayant été assassiné. Là encore, ce plan apparaît comme une imitation de l’éducation spartiate. Cette éducation qui formera des citoyens disciplinés sera obligatoire, égalitaire et étatique, la patrie seule ayant le droit d’élever ses enfants. Ceux-ci seront habitués à une vie frugale, à l’effort physique et au travail manuel. C’est une éducation fortement empreinte de morale pour former la sociabilité, donc un système qui vise plus à orienter les comportements qu’à apporter un savoir.

Comme à Sparte encore, Robespierre associe vertu et frugalité. La richesse est souvent attachée à la corruption. Elle perturbe les vraies valeurs. Elle est souvent plus un obstacle qu’un atout dans la poursuite du bien public. La frugalité, au contraire, permet de conserver ce lien avec le bien public et donc, selon Robespierre, d’accéder au vrai bonheur.

La vertu ne peut pas non plus s’écarter de l’égalité, idée chère à Rousseau. Une égalité qui se traduit, pour tout républicain, par sa participation à la vie civique et politique.

Robespierre réclame donc l’égalité politique mais pas la communauté de biens que certains ont cru reconnaître dans les institutions lacédémoniennes. Il ne remet pas en cause le droit de propriété qu’il considère d’ailleurs comme un fondement essentiel de la nouvelle société. Il ne souhaite que réduire l’écart entre riches et pauvres, éviter à la fois l’indigence et l’opulence.

Robespierre, bien sûr, ne fait pas référence à Sparte dans toutes ses interventions. Il ne s’agit pas de « jeter la République Française dans le moule de Sparte. » Mais, sans en faire un modèle absolu, son appréciation de la cité de Lycurgue est largement positive.

Ainsi, conclut Maxime Rosso, c’est avec Robespierre, à l’époque pré-thermidorienne, que Sparte a fait son retour le plus éclatant avec quelques esquisses de réalisation.

Après la chute de Robespierre, le modèle spartiate cessera d’alimenter la pensée politique.

Jean-Claude MARTINAGE
Incorruptible N°65 Octobre 2008