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Robespierre l’homme privé (Robespierre in Private)

Extrait de la biographie de Robespierre par H. Leuwers

vendredi 19 février 2021

Nombreux sont les curieuses et les curieux qui s’interrogent sur la vie privée et amoureuse de Maximilien Robespierre. Ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus, mais bon !... On a bien le droit de s’intéresser à la bagatelle, mais de manière sérieuse.
Alors j’ai cherché et pour en parler sans faire dans la psychologie de bazar je suis allé voir ce qu’en dit Hervé Leuwers. Avec lui au moins c’est du solide.
Alors lisez donc ce qu’il en dit et si cela vous plaît lisez le livre en entier :

En français

ROBESPIERRE L’HOMME PRIVÉ

Extrait de : Hervé Leuwers : Robespierre biographie, Fayard 2014

Charlotte Robespierre, [sa sœur, dans ses mémoires,] tout en évoquant les blessures provoquées par la perte de personnes aimées, confirme sa gaieté naturelle : il « savait plaisanter et riait quelquefois jusqu’aux larmes ».

Moulage du buste de Robespierre par Deseine (Conciergerie)
Photo : Mme Dr Gilchrist

En 1787, Robespierre vit avec sa sœur Charlotte ; bientôt, Augustin les rejoint. Ils habitent dans une maison de la rue des Rapporteurs, à deux pas du palais du conseil d’Artois. Ils y mènent une vie paisible, rangée, avec l’aide d’une bonne qui les assiste au quotidien. On connaît l’une de ces domestiques, qui a travaillé six mois chez eux. Elle s’appelle Catherine Calmet. En avril 1788, elle a vingt-deux ans, a quitté depuis peu leur service et vient d’être arrêtée à Lille, « pour la discipline militaire »… Afin de la sortir de ce mauvais pas, Robespierre atteste que sa conduite lui a paru « irréprochable » et fait « des vœux pour sa liberté », qui ne lui paraît pas devoir « éprouver le moindre obstacle ». Toujours, il demeure avocat.

Charlotte Robespierre raconte que, chaque matin, son frère « se levait à six ou sept heures, et travaillait jusqu’à huit. Son perruquier alors venait le coiffer. Il prenait ensuite un léger repas, qui consistait en laitage, et se remettait au travail jusqu’à dix heures, où il s’habillait et se rendait au palais. Après l’audience, il venait dîner ; il mangeait peu et ne buvait que de l’eau rougie [...], la seule chose dont il ne pouvait se passer, c’était une tasse de café. Après le dîner, il sortait pour faire une promenade d’une heure ou pour faire une visite. Il rentrait ensuite, il se renfermait de nouveau dans son cabinet jusqu’à sept ou huit heures ; il passait le reste de la soirée, soit avec des amis soit au sein de sa famille ».

Le jeune célibataire est loin de vivre en reclus. Il sait d’ailleurs « se faire galant »... Il l’est dans sa correspondance, où il plaisante plus d’une fois avec les amies de sa sœur. Il l’est dans sa vie d’avocat, où la gloire recherchée n’est pas uniquement celle de ses pairs : « Comme la nature a voulu que des deux parties qui composent le genre humain les femmes fussent incontestablement la plus intéressante aux yeux des hommes, écrit-il dans une réponse à Louise de Kéralio, il s’ensuit que c’est leur suffrage que cherche particulièrement celui qui aspire à la gloire » (1787).

Il l’est également dans sa vie sociale, où il dit sa sensibilité au sexe opposé : « Les femmes rendent plus que supportable une conversation où l’on ne dit rien, une assemblée où l’on ne fait rien. Elles enchaînent les ris et la gaieté autour d’une table de jeu. La beauté, lorsqu’elle est muette, lors même qu’elle ne pense pas, intéresse encore. » Alors, serait-il « célibataire malgré lui », pour reprendre l’heureuse formule de l’historien Léon-Noël Berthe ? Aux dires de sa sœur Charlotte (mais comment vérifier ?), il penserait au mariage. « Mlle Deshorties, assure-t-elle, l’aima et en fut aimée [1]

Le père de cette jeune personne avait épousé en secondes noces une de nos tantes ; il avait d’un premier lit deux fils et trois filles. Lorsque mon frère fut élu député aux États généraux, il courtisait Mlle Deshorties depuis deux ou trois ans. Plusieurs fois il avait été question de mariage, et très probablement Maximilien l’aurait épousée, si le suffrage de ses concitoyens ne l’avait enlevé aux douceurs de la vie privée pour le lancer dans la carrière politique. » La jeune femme se marie cependant à un autre, et Robespierre en aurait été « très péniblement affecté ! ».

Avant de suivre l’avocat aux audiences du conseil d’Artois, approchons une dernière fois l’homme privé.

Dubois de Fosseux, constatant son absence à une séance de l’Académie, lui écrit le 26 octobre 1786 : « J’ai su que vous faisiez le même jour des gambades dans notre canton. » Le surlendemain, dans une lettre inédite, Robespierre lui répond, pince-sans-rire : « J’ai beau être appelé à l’honneur de présider une compagnie savante, au premier beau jour j’oublie ma dignité et je cours gambader avec les fermières de votre voisinage. Mais puisque la renommée qui publie le mal plus promptement que le bien vous a instruit dès le jour même de ce fatal secret, renfermez-le du moins au-dedans de vous-même [...]. Permettez que mon règne passager s’écoule sans que j’aie été forcé de rougir aux yeux de mes confrères, qu’en ce jour solennel où je dois paraître en public à la tête de cette compagnie, il me soit permis de soutenir ce rôle avec dignité et qu’au milieu de la gravité des fonctions qu’on me verra remplir personne ne puisse dire : il a été danser à la ducasse [2] de Late. [3] » Comme le démontre le ton fréquemment enjoué de sa correspondance avec Dubois de Fosseux en 1786 et 1787, il ne faut pas prendre ce texte au premier degré... Que Robespierre ait ou non régulièrement fréquenté les fêtes de village, il sait plaisanter ; le jeune homme du voyage à Carvin [4] n’est pas bien loin.

In English

ROBESPIERRE IN PRIVATE

Extract from : Hervé Leuwers : Robespierre – biography, Fayard 2014

Charlotte Robespierre [his sister, in her memoirs], while evoking the wounds caused by the loss of loved ones, confirms his natural cheerfulness : he « knew how to joke and sometimes used to laugh until the tears streamed down ».

Moulage du buste de Robespierre par Deseine (Conciergerie)
Photo : Mme Dr Gilchrist

In 1787 Robespierre was living with his sister Charlotte ; soon Augustin joined them. They lived in a house in the Rue des Rapporteurs, just a short distance from the Palace of the Council of Artois. They led a peaceful, well-ordered life there, with the help of a maid who assisted them on a daily basis. We know one of these maids, who worked for six months in their house. Her name is Catherine Calmet. In April 1788, she was twenty-two years old, had recently left their service and had just been arrested in Lille « for military discipline »... In order to get her out of trouble, Robespierre testified that her conduct had appeared to him « irreproachable » and swore « oaths for her freedom », which he did not feel should « meet with the slightest obstacle ». He remained ever the lawyer.

Charlotte Robespierre recounts that every morning her brother "got up at six or seven o’clock and worked until eight. His wigmaker would come to dress his hair. He would then take a light meal, something milky, and would go back to work until ten o’clock, when he would dress and go to the Palace [of the Council]. After the hearing, he would come to dinner ; he ate little and drank only water reddened a little with wine [...], the one thing he could not do without was a cup of coffee. After dinner, he would go out for a walk for about an hour, or call on someone. Then he would come home, shut himself up in his office again until seven or eight o’clock ; he would spend the rest of the evening either with friends or family.”

The young bachelor is far from being a recluse. In fact, he knows how to « play the gallant »... He does this in his correspondence, where he flirts more than once with his sister’s friends. He did so in his life as a lawyer, where the glory he sought was not only that of his peers : « As nature intended that of the two parts that make up the human race, women should undoubtedly be the most interesting in the eyes of men, » he wrote in a reply to Louise de Kéralio, « it follows that it is their vote [of approval] that he who aspires to glory particularly seeks » (1787).

He also did so in his social life, where he expressed his sensitivity to the opposite sex : « Women make more than bearable a conversation in which one says nothing, an assembly in which one does nothing. They make a chain of laughs and cheerfulness around a gaming table. Beauty, when it is silent, even when it is thoughtless, interests still. »So, would he be « single in spite of himself », to use the happy formula of the historian Léon-Noël Berthe ? According to his sister Charlotte (but how can we verify this ?), he would be thinking of marriage. "Mlle Deshorties”, she assures us, “loved him and was loved by him.” [5]

“This young lady’s father had married one of our aunts as his second wife ; he had two sons and three daughters from his first. When my brother was elected deputy at the Estates General, he had been courting Mlle Deshorties for two or three years. Several times there had been talk of marriage, and most probably Maximilien would have married her, if the vote of his fellow citizens had not taken him from the comforts of private life to launch him in his political career." However, the young woman married someone else, and Robespierre would be “very painfully affected !” by this.

Before following the lawyer to hearings of the Council of Artois, let us take a final look at the private man.

Dubois de Fosseux, noting his absence at a session of the Academy [of Arras], wrote to him on 26 October 1786 : "I knew that on that very day you were hoofing around in our district.” The next day, in an unpublished letter, Robespierre replied, tongue-in-cheek : “I may have been called to the honour of presiding over a learned company, but on the first good day I forget my dignity and run off to hoof around with the farm-girls of your neighbourhood. But since the fame that makes evil public sooner than good has informed you since that very day of this fatal secret, at least keep it to yourself [...]. Let my fleeting reign pass without my being forced to blush in the eyes of my fellow members, that on this solemn day when I must appear in public at this company’s head, I may be permitted to uphold my role with dignity, and that in the midst of the gravity of the duties they see me fulfil, none can say : ‘He’s been dancing at the ducasse [6] of Late’.” [7] As the frequently playful tone of his correspondence with Dubois de Fosseux in 1786 and 1787 shows, this text should not be taken at face-value... Whether or not Robespierre regularly frequented village fêtes, he knew how to have fun ; the young man of the trip to Carvin [8] was not far away.


[1Qu’en termes galants ces choses là sont dîtes ! (nous sommes début XIXe et c’est la sœur, pudique qui parle).

[2Fête foraine dans le Nord

[3Village de Lattre Saint-Quentin à 14 km d’Arras

[4Ville du Pas-de-Calais d’où les Robespierre sont originaires

[5(In what gallant terms these things are said ! (This was in early 19C, and the speaker is a prim old maid.))

[6(A Northern village festival.)

[7(Lattre Saint-Quentin, a village 14 km from Arras. Maximilien’s spelling of it as ’Late’ (without ’r’) reflects his Ch’ti accent.)

[8(The Derobespierre family’s hometown in Pas-de-Calais, where he had previously spent a Whitsun holiday surrounded by fruit tartes, recounted whimsically in a letter and poem.)

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