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Une lettre inédite d’Augustin Robespierre

jeudi 24 novembre 2016

Cette lettre ne figure, ni dans le tome III des « Œuvres de Robespierre » consacrées à sa correspondance, ni dans le tome XI récemment publié. On en trouve cependant quelques extraits dans le livre qu’Alexandre Cousin a consacré à Augustin Robespierre et Philippe Lebas.

En français

Une lettre inédite d’Augustin Robespierre [1]

Datée d’avril 93 elle est adressée au Comité de Surveillance d’Arras. Le 21 mars 1793 la Convention décréta que chaque commune désignerait un Comité de surveillance de douze membres char­gés d’établir la liste des étrangers se trouvant sur le territoire et, par la suite, de dresser la liste des suspects (et le cas échéant de les arrêter), puis de faire appliquer les lois révolutionnaires et les mesures de sûreté générale. Dotés de pouvoirs étendus, (ce qui n ’alla pas sans certains abus) on les dénomma aussi Comités révolutionnaires.

19

Paris 22-avril 93-1’an 2. Rep.

Lettre de Robespierre Jeune

Républicains

"Vous venez de me donner une preuve non équivoque de votre estime, en m’instruisant de votre active surveillance ; je ne négligerai rien pour accélérer les progrès de vos opérations révolutionnaires. Je m’engage par devoir et par reconnaissance à vous écrire au moins une fois la semaine. Je suis convaincu que notre correspondance pourra servir la chose publique, et que les traîtres à la patrie ayant une communication rapide entre eux, il est nécessaire que les bons citoyens ne soient point isolés et qu’ils présentent une masse de lumières et de forces capables d’intimider et d’anéantir les ennemis de la république. La patrie en danger relève le courage des hommes libres, l’aveugle rage des royalistes et de fanatiques s’éteindra bientôt et nos efforts communs purgeront la terre de la liberté, de tous ceux qui n’ont point assez de vertus pour l’habiter.

J’ignore en ce moment quels sont les pouvoirs du patriote Brune [2], je désirerai qu’ils fussent assez étendus pour opérer tout le bien qu’il désire. C’est un excellent républicain qui a rendu des services dans la révolution, et qui, je crois, est toujours dans les mêmes dispositions. Je m’informerai de la latitude et de la nature de ses pouvoirs et je vous instruirai sur le champ.

Paris est toujours calme et fier, malgré les moyens employés pour exciter (ou inciter) des mouvements désordonnés dans cette immortelle cité. Les Parisiens éclairés sur les intrigues qui nous environnent dénoncent les traîtres et comme ces conspirateurs sont puissants ils emploient tous les moyens pour détourner les yeux de dessus leurs crimes et leurs conspirations, pour n’occuper la nation que de prétendues conjurations des Jacobins et de la commune de Paris, mais les Jacobins et la commune de Paris sont les amis de la république

C’est leur crime aux yeux des royalistes. La société des Jacobins est incorruptible par sa nature. Elle délibère en pré­sence de quatre mille personnes, elle ne peut donc trahir les intérêts du peuple puisque la seule puissance est dans l’opinion du peuple. Lisez ce que j’ai dit à la tribune de la Convention [3] samedi denier, si le moniteur l’a rendue exactement et vous aurez une idée des ennemis que nous avons à combattre."

Robespierre Jeune

In English

This letter appears neither in Volume III of the Works of Robespierre devoted to his correspondence, nor in the recently published Volume XI. However, some excerpts can be found in the book Alexandre Cousin has devoted to Augustin Robespierre and Philippe Lebas.

An unpublished letter by Augustin Robespierre1

Dated April 93, it is addressed to the Surveillance Committee of Arras. On 21 March 1793, the Convention decreed that each municipality would appoint a 12-member Surveillance Committee to draw up a list of foreigners on its territory and, subsequently, to draw up a list of suspects (and, if necessary, arrest them), and then to enforce revolutionary laws and general security measures. They were endowed with extensive powers (which did not go without some abuses), and were also called Revolutionary Committees.

19

Paris 22-April 93- Year 2. Rep.

Lettre de Robespierre Jeune

Republicans

"You have just given me unequivocal proof of your esteem by informing me of your active surveillance ; I will neglect nothing to accelerate the progress of your revolutionary activities. I commit myself from duty and gratitude to write to you at least once a week. I am convinced that our correspondence will serve the public good, and that since the traitors to the homeland have rapid communications with each other, it is necessary that the good citizens are not cut off and have a body of understanding and forces capable of intimidating and annihilating the republic’s enemies. The homeland’s danger exalts the courage of free men ; the blind rage of royalists and fanatics will soon die out and our common efforts will purge from the land of liberty all those who do not have enough virtues to live there.

I don’t know at this moment what the Patriot Brune’s powers are,2 I would like them to be extensive enough to carry out all the good he wants. He’s an excellent Republican who has served the Revolution, and who, I believe, is still of the same mind. I’ll find out the extent and nature of his powers and inform you at once.

Paris is still calm and proud, despite the means used to excite (or incite) disorderly tendencies in this immortal city. The Parisians, enlightened about the intrigues that surround us, denounce the traitors, and as these conspirators are powerful they use all means to divert their gaze from their crimes and their conspiracies, to occupy the nation only of the alleged conspiracies by the Jacobins and the Commune of Paris, but the Jacobins and the Paris Commune are the Republic’s friends.

That is their crime in the eyes of the Royalists. The Jacobin Club is incorruptible in its nature. It deliberates in the presence of four thousand people, so it cannot betray the people’s interests since the only power is in the people’s opinion. Read what I said at the tribune of the Convention3 last Saturday, if the monitor reported it accurately, and you’ll have some idea of the enemies we’re having to fight.”

Robespierre the Younger

1) Archives départementales du Pas-de-Calais, cote : 4L/2.
2) Then Adjutant-General on the general staff of the Northern army, the future Imperial Marshal Brune wrote to the Arras Surveillance Committee to ask for the release of hussars then detained, he said, in error. It does not seem that he was as Republican as Augustine thought at the time because he would soon be outlawed by the Committee of Public Safety.
3)On the same day Augustine wrote to his friend Buissart, the Arras advocate, a letter in which he spoke of the success of a speech he gave at the Convention in favour of the Paris Commune that was violently taken to task by the Girondin deputies. The treason of Dumouriez, commander-in-chief of the Northern Army, who had defected to the enemy a few days earlier (5 April 93), further exacerbated tensions between Girondins and Montagnards.

Augustin Robespierre
Augustin Robespierre, dit le Jeune.

[1Archives départementales du Pas-de-Calais, cote : 4L/2

[2Alors adjudant-général, à l’Etat-major de l’armée du Nord, le futur maréchal d’Empire Brune a écrit au Comité de surveillance d’Arras pour demander la libération de hussards alors détenus, dit-il par erreur. Il ne semble pas qu ’il ait été aussi républicain que le pense alors Augustin car il sera bientôt proscrit par le Comité de salut public.

[3Le même jour Augustin écrit à son ami Buissart, avocat à Arras, une lettre où il parle du succès que lui a valu un discours à la Convention en faveur de la Commune de Paris violemment prise à parti par les députés girondins. La trahison de Dumouriez commandant en chef de l’armée du Nord passé à l’ennemi quelques jours plus tôt (le 5 avril 93) a encore exacerbé les tensions entre Girondins et Montagnards.