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Commémoration 2025 du 9 thermidor au Panthéon avec le texte du discours

Samedi 26 juillet 2025

dimanche 14 septembre 2025

L’histoire ne se renouvèle pas mais trop souvent elle récidive.

Salle de la Convention

Fidèlement depuis des années, l’ARBR, représentée par Aimée Boucher, membre de notre CA,
rend hommage aux victimes du coup d’État du 27 juillet 1794 (9 thermidor an II).

Ce 26 juillet, elle a honoré la mémoire de Maximilien Robespierre et des 107 autres guillotinés avec lui sans procès les 10,11, et 12 thermidor.

Au regard de l’actualité où la paix et nos libertés sont menacées, Aimée Boucher, vous accueillera au nom de l’ARBR et vous fera lecture de quelques extraits de textes de cet homme d’état surnommé l’Incorruptible, tels qu’ils ont été rappelés en ouverture de notre récente assemblée générale.

Il nous a paru nécessaire, cette année si particulière et inquiétante, de revenir à l’œuvre et à la pensée politique de l’Incorruptible qui fut non seulement en phase avec son temps mais singulièrement prémonitoire de la marche du monde actuel.

DISCOURS PRONONCÉ AU COURS DE LA CÉRÉMONIE

Aimée dépose la gerbe de l’ARBR

Aujourd’hui, je parle au nom de notre président Alcide Carton qui vous adresse ses fraternelles salutations. Nous nous réjouissons de nous retrouver aussi nombreux et unis dans ce lieu emblématique de notre République.
Merci à tous d’être présents, aujourd’hui, pour commémorer ensemble, cette année encore, le 9 Thermidor an II et affirmer notre attachement à Robespierre et à ses fidèles amis, à ses idéaux et à son œuvre et plus largement un attachement à cette période exaltante que furent ces 5 années pendant lesquelles la Révolution française, toujours inachevée continue d’inventer nos rêves.
Merci à celles et ceux qui viennent pour la première fois, merci à tous les fidèles, qui sont présents chaque année.
Merci à nos associations amies qui relaient et font connaître notre manifestation annuelle depuis 35 ans sans discontinuer, même lors du Covid et malgré les interdictions de l’époque, cette salle fut fleurie au nom de l’ARBR.

Merci à l’administrateur du Panthéon, et ses équipes, de nous permettre d’être présents, ici, dans ce monument dédié aux grands hommes, cette année encore.

1795 – 2025 : 230 ans. Ces premiers jours de l’année 1795, (nivôse, pluviôse et ventôse) l’hiver est particulièrement rude. Paris manque de tout, le froid et la faim font de nombreuses victimes. Les « vainqueurs de thermidor », en quelques semaines, au milieu de cette incertitude politique où tout peut encore basculer, se sont empressés de poursuivre leur chasse et la répression contre les jacobins et contre toute manifestation populaire. La paix revenue, le peuple, les petits paysans, les ouvriers, avaient néanmoins fondé leurs espoirs dans la Constitution de l’an I qu’ils avaient ratifiée à une large majorité. Les nouveaux maîtres de la Convention n’ont de cesse d’en détruire les avancées démocratiques et sociales. A la république de l’AN II se substitue celle des propriétaires et de l’ordre. Les derniers montagnards sont persécutés, guillotinés ou déportés, les manifestations populaires pour réclamer du pain pour se nourrir et du bois pour se chauffer, et défendre l’existence des assemblées populaires sont réprimées avec une rare violence. Et cette politique de l’extrême centre enfermée dans ses contradictions entre fonder la République des nouveaux riches contre le retour de la monarchie et étouffer toute revendication et intervention populaire s’empressera d’écrire une nouvelle constitution bafouant le droit naturel et le suffrage universel redevenu censitaire, imposant ses « devoirs » au peuple. Robespierre et ses derniers défenseurs devinrent tout à coup des terroristes, et ainsi, les vainqueurs de thermidor ouvrirent la voie à Bonaparte et celle du pouvoir personnel accentué depuis 1958 par l’élection au suffrage d’un président de la République dont la fonction même avait été rejetée par les conventionnels en 1793.
Cette année 1795, pourtant cruciale dans le déroulé qui suivit de l’histoire de notre pays, est toujours absente des programmes scolaires ; et les journées sanglantes de prairial qui firent, selon Soboul, des milliers de victimes, virent l’usage de l’armée pour rétablir l’ordre dans les quartiers populaires parisiens et l’invention d’une commission militaire spéciale pour juger les soit-disant « coupables » demeurent ignorées de la majorité de nos compatriotes. Cet enseignement, néanmoins, lèverait bien des préjugés à propos de la présentation de la révolution française et aiderait à comprendre, et l’ascension de Bonaparte et l’étude du XIX siècle.
Que dire aujourd’hui de la marche du monde ? Vous qui êtes ici, nous animateurs de cette belle association d’éducation populaire qu’est l’ARBR, qui ont en héritage les idéaux de la Révolution française, le droit naturel et les droits universels de l’Homme, la paix et l’amitié entre les nations, éprouvons plus que de la colère et l’indignation, une envie à nouveau de se révolter, d’agir pour empêcher que l’insoutenable d’aujourd’hui nous conduise aux pires embrasements.

Notre association, depuis sa création, défend une cause, par-delà la personnalité de l’Incorruptible, celle de l’esprit des Lumières et des espoirs de la Révolution.

Aussi, elle ne milite pas seulement pour parler du passé mais aussi pour éclairer le présent et fournir aux citoyens des outils intellectuels pour interroger et comprendre le monde au présent.

C’est le sens profond de notre manifestation commémorative d’aujourd’hui. Les années précédentes, nous avons honorés les amis politiques proches de Maximilien Robespierre : Le Bas, Saint-Just, Couthon.
Il nous a paru nécessaire, cette année si particulière et inquiétante, de revenir à l’œuvre et à la pensée politique de l’Incorruptible qui fut non seulement en phase avec son temps mais singulièrement prémonitoire de la marche du monde actuel, non pas pour se dire : « Qu’est-ce qu’il aurait fait Robespierre ? », ce qui est un non-sens, mais : « En quoi ses analyses nous permettent-elles de revenir à l’essentiel au travers des informations qui nous submergent ? »

Nous vous offrons ici quelques extraits de ses discours, retranscrits intégralement sur notre site ou remis en lumière dans nos bulletins par notre amie Suzanne Levin. Puissent-ils inspirer votre réflexion critique. Ils ont servi à ouvrir et clore notre assemblée générale qui s’est tenue le 21 juin dernier.

Parlons tout d’abord de ce que Robespierre disait à propos de la guerre. Mais, en préambule, nous tenons à citer cet extrait du discours qu’il a prononcé le 8 thermidor à la Convention puis aux Jacobins :

« Peuple, souviens-toi que, si dans la République la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l’amour de l’égalité et de la patrie, la liberté n’est qu’un vain nom !
Peuple, toi que l’on craint, que l’on flatte et que l’on méprise ; toi, souverain reconnu, qu’on traite toujours en esclave, souviens-toi que partout où la justice ne règne pas, ce sont les passions des magistrats, et que le peuple a changé de chaînes, et non de destinées !
Souviens-toi qu’il existe dans ton sein une ligue de fripons qui lutte contre la vertu publique, et qui a plus d’influence que toi-même sur tes propres affaires, qui te redoute et te flatte en masse, mais te proscrit en détail dans la personne de tous les bons citoyens ! »

Voici maintenant ce que Robespierre disait au sujet de la guerre, dans ses discours de décembre 1791 et janvier 1792 aux Jacobins :

« La guerre est toujours le premier vœu d’un gouvernement puissant qui veut devenir plus puissant encore. Je ne vous dirai pas que c’est pendant la guerre que le ministère achève d’épuiser le peuple et de dissiper les finances, qu’il couvre d’un voile impénétrable ses déprédations et ses fautes ; je vous parlerai de ce qui touche plus directement encore le plus cher de nos intérêts. C’est pendant la guerre que le pouvoir exécutif déploie la plus redoutable énergie, et qu’il exerce une espèce de dictature qui ne peut qu’effrayer la liberté naissante ; c’est pendant la guerre que le peuple oublie les délibérations qui intéressent essentiellement ses droits civils et politiques pour ne s’occuper que des événements extérieurs, qu’il détourne son attention de ses législateurs et de ses magistrats pour attacher tout son intérêt et toutes ses espérances à ses généraux et à ses ministres, ou plutôt aux généraux et aux ministres du pouvoir exécutif »
« [...] il est dans la nature des choses que la marche de la raison soit lentement progressive. Le gouvernement le plus vicieux se trouve un puissant appui dans les préjugés, dans les habitudes, dans l’éducation des peuples. Le despotisme même déprave l’esprit des hommes jusqu’à s’en faire adorer, et jusqu’à rendre la liberté suspecte et effrayante au premier abord. La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique, est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses loix et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis.

Voyons maintenant ce que Robespierre a dit au sujet de la liberté de la presse et du droit de propriété.
Le 11 mai 1790, il prononce un discours au club des amis de la Constitution sur la liberté de la presse où il déclare :

« Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l’homme à l’état social, le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumière et de bonheur dont il est susceptible.
Qu’il les communique par la parole, par l’écriture ou par l’usage de cet art heureux qui a reculé si loin les bornes de son intelligence, et qui assure à chaque homme les moyens de s’entretenir avec le genre humain tout entier, le droit qu’il exerce est toujours le même, et la liberté de la presse ne peut être distinguée de la liberté de la parole ; l’une et l’autre est sacrée comme la nature ; elle est nécessaire comme la société même. » 

Trois ans plus tard, en mai 1793, lors des débats à la Convention sur la Constitution, il critique la proposition de Condorcet et présente une proposition de déclaration des droits de l’homme qui pose des limites au droit de propriété :

« Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété ; il le faut d’autant plus qu’il n’en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherché à envelopper de nuages plus épais.
Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c’est que la propriété ; il vous dira, en vous montrant cette longue bière qu’il appelle un navire, où il a encaissé et serré des hommes qui paraissent vivants : Voilà mes propriétés, je les ai achetées tant par tête. Interrogez ce gentilhomme qui a des terres et des vassaux, ou qui croit l’univers bouleversé depuis qu’il n’en a plus, il vous donnera de la propriété des idées à peu près semblables.
Interrogez les augustes membres de la dynastie capétienne ; ils vous diront que la plus sacrée de toutes les propriétés est, sans contredit, le droit héréditaire dont ils ont joui de toute antiquité d’opprimer, d’avilir, et de s’assurer légalement et monarchiquement les 25 millions d’hommes qui habitaient le territoire de la France sous leur bon plaisir.
Aux yeux de tous ces gens-là, la propriété ne porte sur aucun principe de morale. Pourquoi notre déclaration des droits semblerait-elle présenter la même erreur en définissant la liberté, « le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature. » Nous avons dit avec raison qu’elle avait pour bornes les droits d’autrui ; pourquoi n’avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété, qui est une institution sociale, comme si les lois éternelles de la nature étaient moins inviolables que les conventions des hommes ? Je vous propose de réformer ces vices en consacrant les vérités suivantes :
Art. Ier — La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi.
II. — Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui.
III. — Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables. »
Le rapprochement entre ces deux textes est intentionnel.
Je vous remercie de votre aimable attention.