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L’ARBR est en deuil : Christian Lescureux nous a quittés.
(ARBR is in mourning : Christian Lescureux has left us)
lundi 26 mars 2018
En français
L’hommage, au nom de l’ARBR, de notre président :
« L’essence humaine n’est pas une abstraction inhérente à l’individu pris à part. Dans la réalité c’est l’ensemble des rapports sociaux » (Karl Marx). Cette phrase, fut au cœur de notre dernière rencontre, il y a un peu plus d’un mois, alors que je lui rendais l’ouvrage passionnant de Claude Mazauric « Au bord du gouffre » qu’il m’avait si aimablement prêté, prétexte à l’évocation des années précieuses que nous avions partagées. Lucien Sève et l’humanisme marxiste furent le sujet de notre fraternelle dispute. Christian voulait s’assurer, sans doute comme un dernier legs, que je disposais bien de cet ouvrage trop ignoré : « Marxisme et théorie de la personnalité ». Philosophie et histoire. Au cœur, l’Homme réel. C’est qu’il fut mon instituteur et qu’il était demeuré, quoi qu’il s’en défendît, un ardent pédagogue. Il transmit à de nombreuses générations de petits marœuillois, passionnément, avec un dévouement quasi évangélique, y consacrant ses dimanches sur les stades et une partie ses vacances pour le « centre aéré », le goût de l’étude et par celle-ci celui de l’émancipation humaine.
J’ai l’impression, en écrivant ces lignes de le trahir. Pas d’éloges, une disparition dans la plus stricte discrétion de l’intimité familiale, telle était sa volonté philosophiquement exprimée, en fidèle matérialiste qu’il était. A l’instar de Brassens qu’il aimait tant, « c’était un modeste ».
Nous nous devons de respecter ce qu’il exprimait comme une injonction. Cependant, cette belle phrase de Marx, sur laquelle nous nous étions arrêtés, m’autorise cependant à dépasser sa volonté.
Christian est vivant et pour longtemps encore, au-delà du deuil et de la douleur dans laquelle nous plonge sa disparition. « Son essence humaine lui est extrinsèque » ; elle nous a construits et désormais nous appartient.
Christian laisse par-derrière lui le souvenir d’une vie en tous points exemplaire ; celui d’une personnalité hors normes, celle d’un père et époux amoureux attendrissant, celle d’un Homme des Lumières d’aujourd’hui, débatteur redoutable, philosophe et historien cultivé, militant communiste fidèle et lucide, et aussi jardinier passionné. Ceux qui dans sa jeunesse, l’ont « essayé » à vélo, l’ont payé chèrement. Dans cet exercice comme dans celui du débat, Christian fut un rhéteur redoutable. Il avait de l’entraînement et sa prudente conduite laissait sur le bord bien des présomptueux.
Et puis, il fut le fondateur, je m’empresse de dire « avec d’autres » —comme il nous obligeait régulièrement à le rappeler— de l’ARBR à laquelle il consacra, jusqu’à ses dernières forces, toutes ses années de retraité.
Chacun d’entre nous sait combien l’ARBR lui doit. Patiemment, Monsieur Lescureux, comme continuent de l’appeler de nombreuses gens, a construit une identité originale de l’association, non pas par des discours ronflants et prétentieux, mais par l’exemple de dizaines d’articles, savamment argumentés par de nombreuses heures passées aux Archives, et surtout rendus accessibles à tout public. Il est clair que sa culture philosophique et historique, sa connaissance des travaux de l’Ecole des Annales et ses nombreuses lectures ont inspiré cette conduite et que son expérience militante, son incomparable capacité d’écoute ont enrichi le projet et permis, sans contestation possible, de faire ce que l’ARBR est devenue, étonné lui-même qu’elle ait survécu au-delà du bicentenaire. Son exigence intellectuelle quant à la qualité de publication de l’Incorruptible était une référence redoutée mais toujours respectueusement exprimée avec le souci de faire partager le savoir et convaincre, convaincre...toujours convaincre.
Notre ami s’est réjoui de d’apprendre la décision du Conseil Municipal d’Arras concernant la Maison de Robespierre. Mais il était impatient de pouvoir la visiter ouverte sur le passé et sur l’avenir, présentant une histoire de la Révolution débarrassée de ses préjugés. Il nous quitte avant que nous n’ayons pu la lui montrer réellement efficiente. Comme le disait Jean Ferrat : « il aurait pu rester encore un peu ». Mais le temps était sans doute venu...
« L’œuvre de Révolution française et ce que lui ont apporté la pensée et l’action de Robespierre est encore inachevée. C’est pourquoi, se plaisait-il à dire, l’ARBR doit être à la fois une société savante (celle qui a un devoir d’émancipation) et une société militante. »
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Nous ferons en sorte de demeurer fidèles à sa pensée et ses espoirs.
Nous exprimons à Alfréda son épouse, à Pierre, Jacques, Gérard, Christophe et Nicolas, ses enfants toute notre compassion et notre fidèle et indéfectible amitié.
Elisabeth Mayeur, membre du Comité directeur de l’ARBR témoigne de sa tristesse :
"Merci Alcide, pour ce bel hommage, si fidèle à ce qu’il était.
C’est un moment difficile pour nous tous.
Je me souviens d’un jour où, en balade avec lui, à Notre-Dame de Lorette, nous avions parlé de ce qu’il y aurait ou pas après...
Je ne sais pas. Si quelque chose existe, je pense qu’il a retrouvé Maximilien et que tous deux ont de longues conversations... comme nous en avions tous, inévitablement avec lui. Il connaissait tant de choses et il m’a tant appris.
Il aimait débattre, échanger des idées, confronter des points de vue. Il était d’une si grande richesse, de par ses connaissances, son parcours, son histoire personnelle, sa grande culture... et en même temps, quelqu’un d’une si grande modestie.
L’ARBR n’existerait pas sans lui, son énergie, sa présence, son dévouement, sa fidélité aux idées de Maximilien...
Il va terriblement nous manquer. Il va terriblement me manquer.
Je pense que nous sommes tous un peu orphelins, ce soir.
Anne-Marie Coustou membre du Comité de l’ARBR
Je suis profondément attristée par la nouvelle de la disparition de Christian. Même si je le connaissais peu, il était pour moi un grand personnage pour le rôle qu’il a joué dans la fondation de l’association. Il a été d’une grande gentillesse à mon égard quand je suis venue à Arras. J’ai beaucoup apprécié sa modestie malgré sa grande érudition.
Je m’associe à la peine de sa famille et des membres de l’ARBR qui le connaissaient depuis longtemps.
Il va laisser un vide, c’est sûr.
A nous de nous montrer dignes de perpétuer son œuvre.
Bien cordialement à tous,
Suzanne Levin, notre jeune amie membre du Comité de l’ARBR
Comme Anne-Marie, je ne connaissais pas bien Christian, mais je n’ignore pas combien l’ARBR lui doit. Mes condoléances à sa famille et à tous les membres de l’ARBR qui ont eu la chance de le connaître et de travailler avec lui au sein de l’association, parfois dès le début. Merci aussi à Alcide pour ce bel hommage.
Arsène Duquesne, membre du Comité de l’ARBR, l’un des nombreux fondateurs de l’ARBR
« La mort n’est pas un sommeil éternel, c’est le début de l’immortalité »
En restant comme il souhaitait à l’écart de tout ce qui est convenu, je ne vois que cette citation à adresser à la mémoire du matérialiste, fils de l’Incorruptible que fut Christian.
Christian si tu nous vois, et nonobstant la discrétion et la modestie dont tu t’es toujours réclamé, j’espère que tu ne m’en voudras pas trop de prendre la liberté d’évoquer au travers de cette formule de Robespierre tes qualités d’homme ainsi que celle de ta vie d’une grande rectitude, et encore celles de l’œuvre que tu nous lègues.
Cordiale poignée de mains à titre posthume.
Bruno Decriem, membre du Comité de l’ARBR
Merci beaucoup à tous les amis que je veux citer également Elisabeth, Anne-Marie, Arsène, Yves, Jean-Claude et le beau texte d’Alcide pour Christian, et d’autres à venir sans nul doute.
Je ne veux pas faire de grands discours mais seulement, et certains le savent évidemment, vous dire que Christian est mon ami, l’un de mes meilleurs et que j’ai avec lui plus de 35 ans de combats politiques et associatifs communs.
Je l’aime plus que tout. C’est comme ça ! Je ne peux et ne pourrais me résoudre à écrire au passé.
Sa disparition m’a fait un mal fou, même si, il me le disait la dernière fois que je suis venu chez lui, il était matérialiste et que c’était la logique des choses tandis que moi, idéaliste, je n’acceptais pas la mort, ni le mienne, ni celle des autres et encore moins celle de ma famille dont j’ai toujours considéré qu’il faisait parti de ma famille.
Merci de toutes vos marques méritées d’affection à son égard !
Jean-Claude Martinage , trésorier adjoint
Tous vos messages, Elisabeth, Anne-Marie, Arsène, Yves, Bruno,...sont très émouvants. Ils viennent s’ajouter au très bel hommage d’Alcide.
Pour nous tous et pour tous ceux qui l’ont connu, Christian a été un modèle, un homme de devoir, intègre, droit, courageux, qui a lutté toute sa vie pour ses convictions.
Une phrase de Jaurès est pour moi le reflet exact de Christian et de sa vie.
« L’essentiel est que nous agissions selon notre idéal,..., et que nous fassions œuvre d’hommes en attendant d’être couchés à jamais dans le silence et dans la nuit. »
In English
The tribute by our President on behalf of ARBR :
« The essence of man is no abstraction inherent in each single individual. In its reality it is the ensemble of the social relations. » (Karl Marx, Sixth Thesis on Feuerbach). This sentence was at the heart of our last meeting, a little over a month ago, when I was returning to him Claude Mazauric’s fascinating book Au bord du gouffre that he had so kindly lent me, an excuse for recalling the precious years we had shared. Lucien Sève and Marxist humanism were the subject of our fraternal dispute. Christian wanted to make sure, no doubt as a last legacy, that I had this too-ignored work : Marxism and personality theory. Philosophy and history. At heart, the real Man. He was my teacher and he remained, however much he denied it, an ardent teacher. He transmitted to many generations of Marœuillois, passionately, with an almost evangelical devotion – devoting his Sundays to the stadia and part of his holidays to the « day centre » – the taste for study and through it that of human emancipation.
I feel that I’m betraying him by writing these lines. No praise, to pass away in the strictest discretion of family intimacy, such was his philosophically expressed will, faithful materialist as he was. Like Brassens, whom he loved so much, « he was a modest man ».
We must respect what he expressed as an injunction. However, this beautiful sentence of Marx, on which we had paused, authorises me however to exceed its will.
Christian is alive, and for a long time yet to come, beyond mourning and the pain into which his departure plunges us. "His human essence is extrinsic to him” ; it has built us and now belongs to us.
Christian leaves behind him the memory of a life exemplary in every respect ; that of an extraordinary personality, that of a loving father and husband, that of a modern man of the Enlightenment, a formidable debater, a philosopher and cultured historian, a faithful and lucid militant Communist, and also a passionate gardener. Those who, in his youth, « tested » him on a bicycle, paid dearly. In this exercise, as in debate, Christian was a formidable rhetorician. He had training, and his careful handling left many presumptuous people on the sidelines.
And then, he was the founder, I hasten to say « with others » - as he regularly obliged us to recall – of ARBR to which he devoted, to his last strength, all his years of retirement.
Each of us knows how much ARBR owes him. Patiently, M Lescureux, as many people continue to call him, built an original identity for the association, not through dull and pretentious speeches, but by the example of dozens of articles, skilfully argued by many hours spent at the Archives, and made especially accessible to any audience. It is clear that his philosophical and historical culture, his knowledge of the work of the Annales School and his numerous readings inspired this conduct and that his militant experience, his incomparable ability to listen, enriched the project and made it possible, without possible dispute, to achieve what ARBR became, surprising itself to outlive the bicentenary. His intellectual demands for the quality of publication of L’Incorruptible set a feared benchmark, but were always respectfully expressed, with a concern to share knowledge and convince, convince... always convince.
Our friend was pleased to learn of the decision of the Municipal Council of Arras concerning Robespierre’s House. But he was eager to visit it open on both the past and the future, presenting a history of the Revolution free of prejudices. He leaves us before we can show him this really effectively. As Jean Ferrat said : « he could have stayed a little longer ». But the time had probably come...
"The work of the French Revolution and what Robespierre’s thought and action brought to it are still unfinished. That is why, he liked to say, ARBR must be both a learned society (one with a duty of emancipation) and a militant society.”
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We will ensure that we remain faithful to his thoughts and hopes.
We express to Alfréda his wife, to Pierre, Jacques, Gérard, Christophe and Nicolas, his children, all our compassion and our faithful and unfailing friendship.
Elisabeth Mayeur, member of the ARBR Steering Group, attests her sadness :
"Thank you, Alcide, for this beautiful tribute, so faithful to what he was.
This is a difficult time for all of us.
I remember a day when, while walking with him at Notre-Dame de Lorette, we talked about what would or would not come next...
I don’t know, I don’t know. If something does exist, I think he’s found Maximilien and they’re having long conversations together... as we all did, inevitably, with him. He knew so much and he taught me so much.
He liked to debate, exchange ideas, challenge points of view. He was so rich in knowledge, background, personal history, great culture... and at the same time, so modest.
ARBR would not exist without him, his energy, his presence, his devotion, his loyalty to Maximilien’s ideas...
We will miss him terribly. I’m going to miss him terribly.
I think we’re all a bit like orphans tonight.
Anne-Marie Coustou, ARBR Committee member
I am deeply saddened by the news of Christian’s passing. Even if I didn’t know him very well, he was for me a great person for the role he played in founding the association. He was very kind to me when I came to Arras. I greatly appreciated his modesty despite his great erudition.
I share the sorrow of his family and the ARBR members who knew him for a long time.
He’ll leave a void, that’s for sure.
It is up to us to prove ourselves worthy of perpetuating his work.
Sincerely to all,
Suzanne Levin, our young friend on the ARBR Committee
Like Anne-Marie, I didn’t know Christian well, but I’m not unaware of how much ARBR owes him. My condolences to his family and to all the members of ARBR who had the chance to know him and to work with him within the association, some from the beginning. Thanks also to Alcide for this beautiful tribute.
Arsène Duquesne, member of the ARBR Committee, one of the many founders of ARBR
« Death is not eternal sleep, it is the beginning of immortality. »
In remaining, as he wished, apart from convention, I only see this quotation as addressing the memory of the materialist, the son of the Incorruptible, that was Christian.
Christian if you see us, and notwithstanding the discretion and modesty that you’ve always claimed for yourself, I hope you won’t be too angry with me for taking the liberty of evoking through this saying of Robespierre’s your qualities as a man, as well as that of your life of great rectitude, and still those of the work that you bequeath to us.
With a posthumous handshake.
Bruno Decriem, ARBR Committee member
Many thanks to all the friends I also want to quote, Elisabeth, Anne-Marie, Arsène, Yves, Jean-Claude and Alcide’s beautiful text for Christian, with others to come, no doubt.
I do not want to make big speeches but only to tell you, and some of you obviously know this, that Christian is my friend, one of my best, and that I share with him more than 35 years of common political and associative struggles.
I love him more than anything. That’s the way it is ! I cannot and could not bring myself to write in the past tense.
His departure has struck me insanely hard, even though, as he told me the last time I visited him, he was a materialist and it was the logic of things while I, an idealist, did not accept death, neither mine, nor that of others, and still less that of my family, of which I always considered him a part.
Thank you for all your tributes of affection, which he deserved !
Jean-Claude Martinage, Assistant Treasurer
All your messages, Elisabeth, Anne-Marie, Arsène, Yves, Bruno, ...are very moving. They augment Alcide’s very fine tribute.
For all of us and for all those who knew him, Christian was a model, a man of duty, upright, courageous, who fought all his life for his convictions.
A sentence by Jaurès is for me the exact reflection of Christian and his life.
"The essential thing is that we act according to our ideals,... and that we do men’s work while waiting to lie down forever in silence and the night.”