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La fête de la Fédération de 1790 : enthousiasme et union

mercredi 28 décembre 2022

La fête de la Fédération de 1790 : enthousiasme et union

Sous l’ancien régime, les habitants de chaque province considéraient leur province comme leur véritable patrie. Depuis 1789, ils ont le sentiment que toutes les provinces sont fondues en une seule nation. Les communes qui venaient de se créer manifestent leur désir d’union en célébrant des fêtes en commun. Les gardes nationaux et les délégations des habitants se réunissent en jurent au nom de leurs commune de vivre « fraternellement unis » ; ces unions se nomme des fédérations.

L’Assemblée décide de faire une fête de la Fédération pour tous les Français ; elle choisit l’anniversaire de la prise de la Bastille. Un jour qui marque incontestablement une victoire de la Nation sur l’autorité absolue. On convoque pour le 14 juillet 1790 à Paris les délégations de toute la France ; chaque district envoie une délégation de gardes nationaux, chaque régiment de l’armée une délégation avec son drapeau. On doit se réunir au Champ de Mars. Pour préparer le terrain on envoie 12000 ouvriers ; mais les travaux étant en retard la population parisienne répond à la « mobilisation générale » pour achever les les aménagements.

Le marquis de Ferrière écrit : « Dans l’embarras, les districts invitent, au nom de la patrie, les bons citoyens à se joindre aux ouvriers. Cette invitation civique électrise toutes les têtes ; les femmes partagent l’enthousiasme et le propagent : on voit des séminaristes, des écoliers, des soeurs du pot, des chartreux vieillis dans la solitude quitter leurs cloîtres, courir au Champ-de-Mars, une pelle sur le dos, portant des bannières ornées d’emblèmes patriotiques. Là tous les citoyens mêlés, confondus, forment un atelier immense et mobile dont chaque point présente un groupe varié ; la courtisane échevelée se trouve à côté de la citoyenne pudibonde ; le capucin traîne le haquet avec le chevalier de Saint-Louis, le porte-faix avec le petit maître du Palais-Royal ; la robuste harengère porte la brouette remplie par la femme élégante et à vapeurs ; le peuple aisé, le peuple indigent, le peuple vêtu, le peuple en haillons, vieillards, enfants, comédiens, cent-suisse, commis, travaillant et se reposant, acteurs et spectateurs, offrent à l’oeil étonné une scène pleine de vie et de mouvement ; des tavernes ambulantes, des boutiques portatives, augmentent le charme et la gaieté de ce vaste et ravissant tableau : les chants, les cris de joie, le bruit des tambours, des instruments militaires, celui des bêches, des brouettes, les voix des travailleurs qui s’appellent, qui s’encouragent …L’âme se sentait affaissée sous le poids d’une délicieuse ivresse à la vue de tout un peuple redescendu aux doux sentiments d’une fraternité primitive [1]. »

Toujours extrait de l’ouvrage d’Olivier Détourné, cette citation extraite de l’Histoire de la Révolution française de Louis Blanc :

« Qu’on se figure trois cent milles volontaires, de tous âges, de toutes conditions, revêtus des costumes les plus divers, et du matin au soir(…), au bruit des chansons, creusant, roulant, reversant la terre avec autant d’ardeur que les soldats en mettent à ouvrir une tranchée (…) Ce fut un prodige. Un étranger écrivait à l’un de ses amis, alors en Suisse : « je viens de voir attelés au même chariot une bénédictine, un invalide, un moine, un juge, une courtisane. » On remarqua Sieyés et Beauharnois qui piochaient côte à côte. A quelques pas d’un joyeux groupe chantant (…) Ah ! ça ira ça ira ça ira ; cela qui s’élève on l’abaissera… Les théâtres se signalèrent, assure l’actrice Louise Fusil dans ses mémoires. Chaque cavalier choisissait une dame à laquelle il offrait une bêche bien légère, ornée de rubans ; et, musique en tête, on allaita rendez-vous universel. (…) Il put ! On ne fit qu’en rire ; les femmes les plus élégantes, pour la première fois de leur vie je suppose, sacrifièrent de bon cœur leurs plumes et leurs limons ; on appela les ondées les larmes des aristocrates, et, au grand étonnement des étrangers, témoins de ces scènes fabuleuses, on continua vaillamment sous la pluie [2]. »

Réunis au Champ-de-Mars devant une foule immense, les délégués de tous les départements assistent à une messe solennelle et entendirent La Fayette prêter en leur nom le serment suivant : « Je jure d’être à jamais fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi, de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et subsistances dans l’intérieur du royaume et la perception des contributions publiques sous quelque forme qu’elles existent, de demeurer uni à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. »

Louis XVI jure aussi de maintenir la Constitution, et la famille royale est acclamée. Cette journée manifeste la réconciliation apparente du Roi et de la Nation, l’adhésion de tous à la Constitution et surtout l’unité nationale semble de mise.

La marquis de Ferrières, témoin de l’événement décrit cette fête : « Les fédérés, rangés par département sous quatre-vingt-trois bannières, partirent de l’emplacement de la Bastille ; les députés des troupes de ligne, des troupes de mer, la Garde nationale parisienne, des tambours, des chœurs de musique, les drapeaux des sections, ouvraient et fermaient la marche.

Les fédérés traversèrent les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, et se rendirent par le cours la reine à un pont de bateaux construit sur la rivière. Ils reçurent à leur passage les acclamations d’un peuple immense répandu dans les rues, aux fenêtres des maisons, sur les quais. La pluie qui tombait à flots ne dérangea ni ne ralentit la marche. Les fédérés dégouttant d’eau et de sueur, dansaient des fandoles, criaient : vivent nos frères les parisiens ! On leur descendait par la fenêtre du vin, des jambons, des fruits, des cervelas (…) L’Assemblée nationale joignit le cortège à la place Louis XV, et marcha entre le bataillon des vétérans et celui des jeunes élèves de la patrie.

Le chemin qui conduit au Champ-de-Mars était couvert du peuple qui battait des mins, qui chantait ça-ira. La pluie continuait de tomber, personne ne paraissait s’en apercevoir : la gaieté française triomphait et du mauvais temps et des mauvais chemins et des longueurs de la marche.

Plus de trois cent mille hommes et femmes de Paris et des environs, rassemblés dès six heures du matin au Champ-de-Mars, assis sur des gradins de gazon qui formaient un cirque immense, mouillés, crottés, s’armant de parasols contre les torrents d’eau qui les inondaient, s’essuyant le visage au moindre rayon de soleil, rajustant leurs coiffures, attendaient en riant et en causant les fédérés et l’Assemblée nationale… ».Et comme le dit Olivier Détourné, « c’est ce 14 juillet que nous commémorons chaque année, une fête devenue nationale…  [3] ».

Donc, le 14 juillet 1790, malgré la pluie, les fédérés, rangés par départements, se rendirent avec leurs drapeaux au Champ-de-Mars, entre les rangs serrés de la foule qui applaudissait. Sur le Champ-de-Mars ils dansent des farandoles. Puis la cérémonie commence. Au milieu on a dressé un autel de la patrie. Lévêque Talleyrand célèbre la messe. La Fayette, représentant de tous les fédérés, jure sur l’autel, au nom de tous, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi. Le président de l’Assemblée jure au nom de tous les membres de l’Assemblée. Enfin, Louis XVI jure de maintenir la Constitution. La reine prend le dauphin dans ses bras et le montre au peuple. Le soir, la foule danse sur l’emplacement de la Bastille. Une nouvelle unité nationale a vue le jour, le 14 juillet 1790.

Vandeplas Bernard Vice-président de l’ARBR, docteur en histoire contemporaine

[1Mémoire du marquis de Ferrière, Paris, 1821, 3 volumes. Citation, tome 2, p. 93-94. Citez par Détourné Olivier, L’esprit de la Révolution Française, édition Seuil, 2022, 597 p. (Un ouvrage qui éclaire la Révolution Française, à lire.)

[2Citez par Bétourné Olivier, op. cit. p. 399.

[3Idem, p. 400.