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Le Général Dumas - biographie

samedi 6 janvier 2018

« Le plus grand des Dumas, c’est le fils de la négresse. Il a risqué soixante fois sa vie pour la France et est mort pauvre. Une pareille existence est un chef-d’œuvre auprès duquel rien n’est à comparer » (Anatole France)

Illustration 1 :
Portrait du Général Dumas

Mulâtre de Saint-Domingue, Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, dit le Général Dumas, est le premier général ayant des origines afro-antillaises de l’armée française. Il fit la campagne de Belgique, la guerre de Vendée, la guerre des Alpes, la campagne d’Italie et la campagne d’Egypte. Il est le père de l’écrivain Alexandre Dumas [1] et le grand-père de l’écrivain Alexandre Dumas fils.

Né le 25 mars 1765 à Jérémie (Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti), Thomas Alexandre est le quatrième enfant d’un noble normand du pays de Caux, le marquis Alexandre Antoine Davy de la Pailleterie, parti rejoindre son frère cadet qui avait fait fortune dans les plantations à Saint-Domingue, et de son esclave d’origine africaine Marie-Césette Dumas. Son père le vend à réméré en tant qu’esclave et retourne en France vers 1774. Mais pris de remords, il le rachète et le fait venir auprès de lui à Paris où il lui donne une éducation de jeune noble.

Après une dispute avec son père liée au remariage de ce dernier avec sa femme de charge, Françoise Retou, il s’engage dans l’armée en 1786 dans le régiment des dragons de la Reine comme simple cavalier sous le nom d’Alexandre Dumas (le nom de sa mère). Selon son fils, il se serait vite rendu célèbre dans le régiment par ses prouesses herculéennes. C’est là en tout cas qu’il se lie avec les futurs généraux d’Empire : Jean-Louis Espagne, Louis-Chrétien Carrière de Beaumont et Joseph Piston. Leur amitié et leurs exploits inspireront sans doute le roman « Les Trois Mousquetaires » écrit plus tard par le fils du général.

Illustration 2 Alexandre Dumas, le célèbre écrivain fils de

Pendant la Révolution, sa carrière militaire va progresser de manière fulgurante. Février 1792, il sert sous les ordres du général Dumouriez dans l’armée du Nord. Il n’est alors que simple brigadier.

Un autre Antillais, son ami le chevalier de Saint-George, le fait ensuite venir dans la Légion franche des Américains et l’élève au grade de lieutenant-colonel. Nommé général de brigade grâce à la protection de Bouchotte le 30 juillet 1793, il est chargé de la défense de Pont-à-Marcq par lequel communiquent deux ailes de l’armée française. Il repousse les colonnes qui viennent l’assaillir et est promu au grade de général de division le 13 septembre 1793.

Appelé au commandement en chef de l’armée des Pyrénées orientales, il la quitte presque aussitôt pour passer à celle des Alpes où son ami Piston est devenu chef d’état-major. Accompagné de ses autres camarades Espagne et Beaumont dont il fait ses aides de camp, il prend au pas de charge le Petit Saint-Bernard et s’empare des canons qu’il dirige sur le champ contre l’ennemi. Cette opération terminée, il attaque le Mont-Cenis, qu’il emporte d’assaut, s’emparant des bagages ennemis, de 30 pièces de canon et faisant 1 700 prisonniers.

Rappelé au moment de Vendémiaire pour combattre les royalistes, il est bloqué à Gonesse à cause de la rupture de l’essieu de sa voiture, ce qui permet à Bonaparte de prendre le commandement des opérations. Dumas se joint à lui le lendemain. Il est ensuite nommé à l’armée de Sambre-et-Meuse puis retourne à l’armée des Alpes sous les ordres de Kellermann avec lequel il entretient vite des relations orageuses.

Il est finalement muté à l’armée d’Italie sous les ordres de Bonaparte. Il assiège Mantoue en 1796, bat le général Wurmser dans une tentative de sortie, le forçant à rentrer en désordre dans la forteresse ; il passe ensuite dans le Tyrol où il rejoint l’armée du général Joubert pour en commander la cavalerie.

Nommé le 17 août 1794 commandant en chef de l’armée de l’Ouest, il y arrive en septembre. Il démissionne le 8 octobre par dégoût pour les massacres perpétrés dans cette région depuis l’année précédente ; ce qui lui vaut le surnom de « Monsieur de l’Humanité ».

Le 19 janvier 1797, le général Dumas charge à la tête de ses dragons pour s’emparer du pont de Clausen, sur I’Adige dans le Tyrol - pont qui permettait au général autrichien Laudon de protéger sa retraite vers Brixen. Dumas défait l’ennemi supérieur en nombre à plusieurs reprises. La ville de Bolzano est prise dans la foulée avec l’aide du général Belliard. Lors d’une contre-attaque sur le même pont de Clausen, les Autrichiens vont passer ; Dumas s’en aperçoit, court en toute hâte et arrive seul au milieu du danger. Aussitôt il se place en travers avec son cheval, contient les attaques de la cavalerie ennemie, tue trois hommes, en met plusieurs hors de combat, reçoit plusieurs blessures et donne aux siens le temps d’arriver.

Mis à l’ordre du jour pour l’intrépidité qu’il a déployée en cette circonstance, et surnommé par Bonaparte l’Hora-tius Codés [2] du Tyrol, il concourt ensuite à l’attaque de la gorge d’Innsbruck et harcèle l’ennemi jusqu’à Sterzing, à quinze lieues du champ de bataille. Les Autrichiens le surnomment alors respectueusement le « diable noir [3] ».

Après le traité de Campo-Formio, le général Dumas revient en France et s’embarque bientôt pour l’Egypte.

Il est curieux de noter que son nom n’est généralement pas cité dans les articles qui se rapportent à cette expédition alors qu’il y joue un rôle majeur : c’est lui qui commande la cavalerie à la bataille des Pyramides et qui sauve la situation au Caire. Il réprouve la destruction de la Grande Mosquée et le massacre des rebelles, sur ordre de Bonaparte, après que ceux-ci se soient rendus.

Tombé en désaccord avec Bonaparte, Dumas décide de rentrer en France. Bonaparte ne lui pardonnera jamais de l’avoir défié !

Sur le chemin du retour, il est fait prisonnier sur les côtes italiennes. Enfermé dans les prisons de Naples, il est maltraité durant sa captivité. Dumas est libéré par la victoire de Marengo et revient en France en très mauvais état.

A son retour en France, à l’époque du Consulat, en 1802, il est victime de l’épuration raciale de l’armée au moment de l’insurrection de Saint-Domingue. Profitant de sa mauvaise santé, Bonaparte le met à la retraite et lui refuse toute pension, de même qu’à sa veuve après son décès.

Il ne sera pas cité dans le Mémorial de Sainte-Hélène et restera ignoré de la plupart des historiens de l’Empire.

Il ne fut jamais décoré de la Légion d’honneur [4] et l’Hora-tius Coclès français meurt à Villers-Cotterêts le 26 février 1806 des suites de ses campagnes et accablé par l’ingratitude de Napoléon.

Docteur Michel CSANYI
l’Incorruptible n° 76 page 2 3tr. 2011

[1Alexandre Dumas, « Mes Mémoires », éditions Calmann-Lévy

[2Publius Hora-tius Coclès est un héros légendaire romain. Il sauva la République naissante en défendant le seul accès à Rome, le Pont Sublicius, attaqué par les Etrusques du roi Porsenna.

[3Claude Ribbe, « Le Diable noir », éditions Alphée- Jean-Paul Bertrand

[4Site de l’association des Amis du Général Du­mas : http://www.general-dumas.com Pétition à Nicolas Sarkozy pour qu’il décerne à titre posthume la Légion d’honneur au général.