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Le rapport Mailhe devant la convention : novembre 1792 : Comment juger le roi ?

Le Comité de législation de la Convention aborde l’étude des problèmes juridiques soulevés par le procès du roi.

mercredi 20 novembre 2019

Jean Mailhe, député de la Haute-Garonne, présente à la Convention, le 7 novembre 1792, un rapport qui posait essentiellement deux questions :

  • Louis est-il jugeable ?
  • Par qui doit-il être jugé ?
    Il conclut qu’il peut être jugé et qu’il doit l’être par la Convention.
Jean-Baptiste Mailhe
Le rapport Mailhe [1]

Le Comité de législation de la Convention aborde l’étude des problèmes juridiques soulevés par le procès du roi. Des discutions approfondies au sein de ce Comité, dont témoigne la valeur du rapport de Mailhe.

Jean Mailhe, député de la Haute-Garonne, présente à la Convention, le 7 novembre 1792, le rapport, qui doit servir de base au jugement du ci-devant roi. Il posait essentiellement deux questions :

  • Louis est-il jugeable ?
  • Par qui doit-il être jugé ?

Il conclut qu’il peut être jugé et qu’il doit l’être par la Convention.

« Louis XVI est jugeable. Il doit être jugé pour les crimes qu’il a commis sur le trône. Mais par qui et comment doit-il être jugé ? Le renverrez-vous devant le tribunal du lieu de son domicile, ou devant celui des lieux où ses crimes ont été commis ? Ceux qui ont proposé ce mode au Comité de législation disaient que Louis XVI ne doit plus jouir d’aucun privilège. Puisqu l’inviolabilité constitutionnelle, ajoutent-ils, ne peut pas le mettre à l’abri d’être jugé, pourquoi serait-il distingué des autres citoyens, soit pour le mode de son jugement, soit pour la nature du tribunal ? On répondit que tous les tribunaux actuellement existant ont été créés par la Constitution : que l’effet de l’inviolabilité du roi était de ne pouvoir être jugé par aucune des autorités constituées ; que cette inviolabilité ne disparaissait que devant la nation ; que la nation seule avait le droit de rechercher Louis XVI pour des crimes constitutionnels, et que par conséquent il faut ou que la Convention nationale prononce elle-même sur ses crimes, ou qu’elle les renvoie à un tribunal formé par la nation entière ».

Abolition de la royauté

Le Comité balance entre ces deux dernières propositions, pour finalement rejeter la seconde : Louis XVI doit-être jugé par la Convention elle-même.

« La Convention nationale représente entièrement et parfaitement la République française. La nation a donné pour juges à Louis XVI les hommes qu’elle a choisis pour agiter, pour décider ses propres intérêts, les hommes à qui elle a confié son repos, sa gloire et son bonheur ; les hommes qu’elle a chargés de fixer ses grandes destinées, celles de tous les citoyens, celles de la France entière. A moins que Louis XVI ne demande des juges susceptibles d’être corrompus par l’or des cours étrangères, pourrait-il désirer un tribunal qui fût censé moins suspect, ou plus impassible ? Prétendre récuser la Convention nationale, ou quelqu’un de ses membres, cesserait vouloir récuser toute la nation ; ce serait attaquer la société jusque dans ses bases. Tous les Français partagent votre haine pour la tyrannie, tous les abhorrent également la royauté, qui ne diffère du despotisme que par le nom.

Mais ce sentiment est étranger à Louis XVI. Vous avez à prononcer sur les crimes d’un roi ; mais l’accusé n’est plus roi ; il a repris son titre originel, il est homme. S’il fut innocent, qu’il se justifie ; s’il fut coupable, son sort doit servir d’exemple aux nations. (On applaudit.)

Le jugement que vous porterez sur le ci-devant roi doit-il être soumis à la ratification de tous les citoyens réunissent assemblées de communes ou en assemblées primaires ? Cette question a été encore agitée devant votre comité : il croit qu’elle doit être rejetée …

Le peuple français n’aura pas besoin de se réunir en masse pour accepter ou refuser la constitution que vous lui présenterez. Chaque citoyen en interrogeant son cœur, y trouvera ce qu’il devra répondre. Mais pour prononcer sur la vie d’un homme, il faut avoir sous les yeux les pièces de conviction, il faut entendre l’accusé, s’il réclame le droit naturel de parler lui-même à ses juges ; ces deux conditions élémentaires, qui ne pourraient pas être violées sans injustice, sont tellement impossibles à remplir, que je me dispense de rappeler une infinité d’autres considérations qui vous forceraient également à rejeter le projet de soumettre votre jugement à la ratification de tous les membres de la République… »

La Convention ferma le débat et décréta que le rapport de Mailhe serait imprimé, traduit dans toutes les langues, envoyé aux départements, aux municipalités et aux armées.

Robespierre, Séance à la convention

Dans les sections parisiennes :
Tandis que la Convention entreprenait la discussion du rapport de Mailhe, les militants des sections parisiennes maintenaient leur pression, mais s’efforçaient cependant d’éviter toute agitation qui aurait pu donner prise aux accusations girondines. Les inquiétudes manifestées par la Gironde sur la situation de Paris semblaient aux Montagnards et aux Jacobins un moyen imaginé par leurs adversaires pour retarder les débats ou en diriger le cours à leur gré. De nouveaux troublent auraient donné prétexte à la formation de la garde départementale qui opposait Gironde et Montagne ; celle-ci une fois constituée pouvait servir à empêcher le procès de Louis XVI d’aboutir à la conclusion réclamée par les jacobins et Montagnards.

Une série de pétitions arrivent des départements à la Convention.

Voici, une de celle-ci : Le 17 novembre 1792, avait été enregistrée au Comité des pétitions, cette adresse des citoyens de Sainte-Juliette de Lauzerte (Département du Lot)
« Citoyen représentant,

Déjà le tocsin du Républicanisme s’est fait entendre dans tout l’Empire ; s’il faut en juger par ceux de tous nos concitoyens, il charme tous les cœurs. Mais la République ne semblera qu’un fantôme, tant qu’il existera un vil suppôt, nommé Louis, chef suprême de l’ancien gouvernement, qui selon quelques publicistes pourrait à la longue s’attirer la pitié de son ci-devant Peuple. Hâtez-vous donc, citoyens représentants, de juger ce suppôt que vous n’osez ce semble aborder. Vous avez des pouvoir illimités, que vous faut-il davantage ? Sera-t-il nécessaire que le peuple exprime mille fois son vœu ? Jugez donc encore un coup, la commune de Sainte-Juliette le réclame, jugez si Louis le dernicide n’est pas fait pour la guillotine. Le millième de ses crimes aurait été plus que suffisant dans le ci-devant régime pour faire condamner à mort tous les sans-culottes. »

(Choix de textes [2]) Bernard Vandeplas.

Pour aller plus loin : Le discours de Robespierre au procès du roi


[1Jean Mailhe, Jean Baptiste Mailhe de son nom complet, né à Guizerix le 2 juin 1750 et mort à Paris le 1ᵉʳ juin 1834, est un homme politique français, député de la Haute-Garonne à la Convention nationale.

[2Le procès de Louis XVI, présenté par Albert Soboul.