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Girondins et Montagnards
samedi 18 mai 2019
- Maximilien Robespierre
- Jacques Pierre Brissot
- Jacques Pierre Brissot, chef girondin
(peinture anonyme, musée Carnavalet, Paris)
Si l’on veut établir une comparaison entre le groupe des Girondins et celui des Montagnards à la Convention, on ne peut les caractériser par leurs origines sociales qui sont très proches (petite et moyenne bourgeoisie, professions libérales, quelques nobles de robe), de même que leur formation (collèges de jésuites ou d’oratoriens). Il convient plutôt de rechercher les divergences idéologiques qui furent les leurs et qui les dressèrent les uns contre les autres en deux camps irréconciliables. Ces divergences sont certes nombreuses et parfois ponctuelles, mais on peut dégager des conceptions opposées sur trois sujets fondamentaux : la démocratie politique, les droits sociaux et la guerre.
Pouvoir exécutif centralisé contre République une et indivisible
Aux yeux des Girondins, seule était légitime la domination des élites, c’est-à-dire des possédants, sur la vie politique. Pour cette raison, ils s’appuyèrent sur les notables qui étaient à la tête des départements, mais le projet de constitution présenté par Condorcet le 23 février 1793 montre qu’ils étaient favorables à un pouvoir exécutif centralisé. Seule la guerre civile qu’ils cherchèrent à allumer dans les départements contre le gouvernement révolutionnaire basé à Paris les amena, de manière conjoncturelle, à prôner le fédéralisme. Après Thermidor, ils conçurent avec Daunou la constitution de 1795 qui renforçait le pouvoir exécutif et donnait tout le pouvoir aux propriétaires.
A l’inverse, les Montagnards, démocrates de la première heure, étaient favorables à l’égalité politique et au suffrage universel. Ils prônaient une république « une et indivisible », seule garante des mêmes droits pour tous les citoyens en vertu de ce droit à l’égalité. La loi était donc pour eux centralisée (légicentrisme), mais ils défendaient et pratiquaient une administration décentralisée, confiant l’exécution des lois aux comités révolutionnaires (ou de surveillance) élus localement et aux municipalités, donc à l’échelon le plus proche de la population (loi du 14 frimaire an II). Rappelons que le Comité de Salut public était élu par l’Assemblée (la Convention) et renouvelable tous les mois. Quant aux représentants en mission, c’étaient des députés choisis par l’assemblée nationale (et non pas nommés par le pouvoir exécutif, rien à voir donc avec les préfets) chargés de contrôler l’application des lois dans les départements, en raison des troubles causés par la guerre civile. Leurs pouvoirs étaient limités dans le temps à une mission. Par ailleurs, les Montagnards mirent en avant le droit de résistance à l’oppression, c’est-à-dire le droit à l’insurrection quand le gouvernement viole les droits du peuple (art. 2 de la Déclaration de 1789), ainsi que le droit de révocation des mandataires infidèles.
Libéralisme ou droit à l’existence ?
Pour les Girondins, la propriété des biens matériels était reconnue comme un droit inviolable et sacré qui ne supporte aucune limite ni aucune règlementation. Ils étaient donc favorables à un libéralisme sans entraves, la régulation étant abandonnée au « marché ». Roland estima le 18/11/1792 qu’en matière de subsistances la Convention « ne doit rien faire », sinon réprimer ceux qui entravent la liberté des marchés, c’est pourquoi les Girondins instaurèrent la loi martiale pour réprimer les émeutes populaires
Pour Robespierre, on sait que le droit à l’existence était le premier des droits naturels de l’homme que la société a pour fonction de garantir. Il alla même jusqu’à affirmer que les biens qui permettent de garantir l’existence sont une propriété commune à la société entière, qu’ils sont une affaire politique et ne doivent pas être laissés au marché (2/12/1792). Pour lui, le droit de propriété était donc borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter le droit d’autrui, en particulier le droit à l’existence (voir son projet de constitution). Cependant, dans la constitution dite « montagnarde », le droit de propriété n’est pas limité car il s’agit en réalité d’un compromis entre la Montagne et la Plaine. Toutefois, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui l’introduit rappelle que « la société doit la subsistance aux plus malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler », ce qui montre que les Montagnards étaient plus sensibles à la notion de justice sociale que les Girondins. Ces droits furent effectivement respectés par les Montagnards au pouvoir (maximum des prix pour les denrées de première nécessité, greniers d’abondance, assistance aux pauvres, réquisitions, etc) et gérés en commun à l’échelle locale par les municipalités et les comités de surveillance.
Croisade de la liberté et frontières naturelles contre principe de non- ingérence
Dès l’automne 1791, les Girondins, alors surnommés Brissotins du nom de leur chef de file Brissot, se déclaraient favorables à une « croisade de la liberté » supposée consolider et exporter les acquis de la Révolution dans le reste de l’Europe. Nombre de leurs discours montraient cependant d’autres motivations à ce bellicisme : d’abord la volonté de« stabiliser l’assignat » afin de relancer les échanges commerciaux, et surtout le désir de mettre fin à la Révolution et de mater le peuple de Paris avant qu’il ne s’avisât de « vouloir attenter à la propriété privée ». Très rapidement, dans la foulée des victoires, leur bellicisme alla jusqu’à théoriser et inaugurer une politique de conquête des « frontières naturelles » (annexion de la Savoie, de la rive gauche du Rhin, de la Belgique et de Nice (automne 1792), la guerre devant désormais financer la guerre (pratique du pillage, circulation forcée de l’assignat). Brissot, alors chef du Comité diplomatique, écrivit à Servan (26/11/1792) « Nous ne pourrons être tranquilles que lorsque l’Europe, et toute l’Europe, sera en feu… Si nous reculons nos barrières jusqu’au Rhin, si les Pyrénées ne séparent plus que des peuples libres, notre liberté est assise ». Les Girondins trouvaient que les généraux n’allaient pas assez loin et voulaient annexer purement et simplement ces territoires à la France, en les transformant en départements français. Ils firent voter un décret (15/12/1792) qui introduisait le droit de tutelle révolutionnaire de la France (la « Grande nation ») sur les « peuples mineurs ».
A l’opposé, les Montagnards étaient hostiles à la guerre de conquête en vertu de la réciprocité des droits naturels des peuples. Dès qu’ils furent majoritaires à la Convention, ils introduisirent le principe de non-ingérence dans la Constitution de l’An I : « La France ne s’immiscera d’aucune manière dans le gouvernement des autres puissances » (Constitution de l’An I). Le décret du 27 brumaire manifesta la volonté de subordonner la « politique aux principes moraux qui doivent régir les relations entre les peuples ». Seuls quelques Montagnards, à l’image de Danton, cèdent à la tentation de la dérive conquérante. Par contre, quand la France fut envahie de toutes parts et son territoire occupé par les armées coalisées des monarchies européennes, ils prônèrent et mirent en application une politique de défense nationale (guerre défensive) défendue notamment par Robespierre, alors que Danton s’avisait à ce moment de vouloir signer la paix.
Pouvoir au roi ou au peuple ?
Les Girondins diffèrent aussi des Montagnards par leur attitude vis-à-vis du roi, qu’ils soutiennent même après sa tentative de fuite (juin 1791) en accréditant la fable de son enlèvement. Ils participent au gouvernement sous l’Assemblée législative, malgré les trahisons du roi, et, sous la Convention, ils tentent de l’épargner durant son procès par le recours à la procédure de l’appel au peuple. Les Montagnards, quant à eux, accordent au roi un soutien critique sous la Constituante mais se méfient de lui après sa fuite, passant à une franche hostilité après le 10 août 1792. Durant son procès, ils se prononcent très majoritairement pour la mort.
A l’opposé, l’attitude des Girondins par rapport aux sans-culottes est d’une extrême méfiance (cf : le discours de Brissot du 24-10-1792 : « Le peuple est fait pour servir la Révolution, mais quand elle est faite, il doit rester chez lui et laisser à ceux qui ont plus d’esprit que lui la peine de le diriger »). Par contre, les Montagnards ont une conception très démocratique et plus égalitaire de la société. Partisans du suffrage universel, ils reconnaissent également au peuple le droit de résistance à l’oppression, c’est-à-dire le droit à l’insurrection quand le gouvernement viole ses droits (Constitution de 1793). Ils s’appuient sur le peuple (qui possède tous les droits politiques), sur les sans-culottes et les sections pour mener une politique plus sociale et gagner la guerre défensive.