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Le nom de Montagnard

mercredi 15 avril 2020

« Article 1er. Le gouvernement provisoire de la France, est révolutionnaire,jusqu’à la Paix.
Article VI. L’inertie du gouvernement étant la cause des revers, les délais pour l’exécution des lois et des mesures de salut public seront fixes. La violation des délais sera punie comme un attentat à la liberté. »

Le nom de Montagnard

Le district de Béthune écrit aux municipalités qui en dépendent au sujet de la définition du nom de Montagnard, le 10 septembre 1793. Cette adresse commence par le décret suivant :

« Article 1er. Le gouvernement provisoire de la France, est révolutionnaire,jusqu’à la Paix.

Article VI. L’inertie du gouvernement étant la cause des revers, les délais pour l’exécution des lois et des mesures de salut public seront fixes. La violation des délais sera punie comme un attentat à la liberté. »

« Citoyens,

Nous apprenons, avec douleur, que quelques mauvais Citoyens abusent du nom de « Montagnard », soit parce qu’ils ne connaissent pas ce mot d’ordre par tous les bons Français, soit que par malveillance ils veulent et osent tourner en ridicule, et despecter cette partie de la Convention, que les Patriotes appellent la Montagne ; soit que l’ignorance prononce,ce mot sacré, sans en comprendre le Grand Sens, soit qu’elle entende par Montagnard un fantôme, un être malfaisant, un épouvantail pour les âmes pusillanimes ; les aristocrates, les ennemis de l’ordre et de la chose publique s’empressent, il est vrai, de répandre de semblables opinions, et de séduire les âmes simples et crédules ; par leurs discours liberticides … ils se disent eux-même Montagnards, et plus que Montagnards ; ils souillent ce beau nom en le prononçant ! voilà, Citoyens, le rôle perfide que jouent ces hommes pervers qui abusent de votre crédulité pour vous perdre, et vous devenez, par ignorance, les dues et les tristes victimes de ces être dangereux.
_Dorénavant, afin que vous ne vous trompiez plus sur la signification d’un nom si intéressant, nous allons vous en donner une explication amicale et fraternelle, qui pourra vous donner une idée vraie de mot de Montagnard.
Les Représentants du Peuple se rassemble pour délibérer dans une vaste Salle,au tour de cette salle sont placés des bancs en forme d’amphithéâtre, sur lesquels sont assis les députés, de manière qu’ils se trouvent rangés au-dessus des uns des autres, comme si plusieurs personnes étaient assises sur différent degrés d’un escalier, de manière que cette position offre le coup-d’œil d’une élévation à ceux qui sont dans le bas.
Vous savez et vous devez savoir, que dans la Convention il a existé deux partis ; un qui voulait votre perte et votre malheur ; et l’autre qui voulait votre bonheur et le salut de la République. He bien ! ceux qui ne cherchaient qu’à consolider la République, qui travaillaient nuit et jour pour le bonheur de peuple, occupaient la partie supérieure et la plus élevée des bancs rangés dans le pourtour de la Salle : comme ils étaient plus élevés par leurs positions physique et morale, ils ont pris le nom de Montagnards, c’est-à-dire, Habitants de la Montagne : les principes des Montagnards sont d’une pureté et d’un incorruptibilité inaltérable, semblable à l’air pur que l’on respire sur les montagnes ; vous voyez que leur dénomination est aussi sublime que les vues qu’ils se proposent.
Il ne faut pas vous laisser ignorer que sur les bancs inférieurs se tenaient constamment ceux dont les opinions n’étaient pas reconnues comme pures et républicains ceux qui n’écoutaient que leur égoïsme, et voulaient détruire le système républicain, en bouleversant la France entière par un fédéralisme destructeur,ces hommes, vils et méprisables, ont portés la peine justement due à leurs complot affreux, qui ne tendaient qu’à tuer la liberté ; et c’est en vertu de leur esprit corrupteur, et de leurs sentiments anti-républicains, que les Sans-Culottes les ont comparés aux insectes venimeux qui rampent dans la fange des marais.
Vous devez connaître maintenant quels sont les vrais Montagnards et les seuls hommes dignes de ce nom : apprenez donc à distinguer les Sans-Culottes, les enfants de la Sainte-Montagne, d’avec les reptiles du marais et les lâches Aristocrates qui, aujourd’hui, veulent être plus patriotes, plus Républicains que vous braves et invariables sans-culottes. »

Beugliez, Secrétaire [1]

En septembre 1793, les noms de « Montagnard » et de « Montagne » sont d’un usage courant et ce depuis janvier 1793, le nom de « Gironde » met beaucoup plus de temps à s’individualiser (on parle de « Brissotins »).

L’adresse de Béthune fait une large place à la géographie de la Convention lorsqu’elle parle de« Montagne » et« Montagnards », puis qualifie ensuite les principes de celle-ci en se référent à la nature : de pureté et d’incorruptibilité inaltérable, semblable à l’air pur que l’on respire.

« Le mot de « Montagne », dit Ferdinand Brunot, ne fait pas seulement allusion aux degrés supérieurs de la Convention. La position dominante qu’avaient certains députés ne suffisait pas à faire parler de « Montagne », car il y avait aussi une « Montagne » du côté droit, mais celle-ci, raconte Dulaure, ne portait pas ce nom, du moins aux tout début de la Convention.
Puis, les partisans de Robespierre et de Marat colonisèrent d’abord les bancs supérieurs du côté gauche, puis, insensiblement, tous les degrés élevés, bientôt rejoint, relate Baudot, par ceux qui avaient l’imagination vive et l’esprit frondeur.
Les députés de tempérament plus se placèrent sur la pente, tandis que les hommes nuls allaient au Marais [2]. »

« Malgré ces réticences, malgré l’ironie avec laquelle les modérés usent du mot, il commence pourtant, au cours du printemps 1793 à s’orner de métaphores positives. »

Devant les citoyens de Saint-Flour, en avril 1793, le représentant Jean-Baptiste Lacoste fait valoir qu’il est vain de regretter que la Convention ne soit pas unie. « Peuvent-ils l’être, eux, avec les aristocrates du lieu ? Il est impossible que la Montagne descende dans la Plaine et que la Plaine monte sur la Montagne [3]. »

À Béthune comme dans d’autres districts, la pédagogie est encore de mise en Septembre 1793 car les combats politiques de cette période ne sont pas terminés, même si la situation générale semble aller mieux (le Fédéralisme est vaincus, Lyon n’est plus, la ville de Toulon est reprise et les armées étrangères sont tenues en respect hors du territoire national).

Bernard Vandeplas.

[1Archives départementales du Nord-Pas-de-Calais.

[2Dictionnaire critique de la Révolution Française, article de Mona Ozouf, pp. 402-423.

[3Idem.