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Nouvelles lectures de « la Terreur » dans la revue « Historia » ?
Une note de Bruno Decriem
lundi 27 janvier 2020
À la vérité, il y a aussi du meilleur, divine surprise ! Il est vrai que trois articles sont rédigés par Hervé Leuwers, président de la Société des études robespierristes et professeur à l’université de Lille.
La Révolution française intéresse, et c’est une bonne nouvelle, y compris dans le grand public amateur d’histoire. Ce mois d’octobre 2019, Historia ( qui se glorifie : numéro 1 depuis 1909 !) consacre un dossier à « 1793-1794 La France sous la Terreur. »
Évidemment connaissant cette revue d’histoire et quelques uns des contributeurs, Franck Ferrand, par exemple, je craignais le pire !
Le couverture aussi, ne me rassurait pas par son champ lexical : « Guillotines, Jacobins utopistes, virus de la paranoïa »
À la vérité, il y a aussi du meilleur, divine surprise ! Il est vrai que trois articles sont rédigés par Hervé Leuwers, président de la Société des études robespierristes et professeur à l’université de Lille.
Dans « Le paradoxe Robespierre », il nous rappelle qu’homme des Lumières, Robespierre était opposé à la peine de mort et milita à la Constituante pour son abolition. A-t-il changé d’avis ensuite ? C’est que la situation de la Convention en 1793-1794 n’est plus la même qu’auparavant. La contre-révolution, la trahison, la fragilité de la jeune République expliquent principalement l’évolution de Robespierre, qui d’ailleurs n’est pas le seul révolutionnaire à la connaître. Il le disait d’ailleurs lors du procès du roi en janvier 1793 : « Le sentiment qui m’a porté à demander, mais en vain, à l’Assemblée Constituante, l’abolition de la peine de mort, est le même qui me force aujourd’hui à demander qu’elle soit appliquée au tyran de ma patrie, et à la royauté elle-même dans sa personne. »
Hervé Leuwers dans « Les quatre vies d’un tribunal » nous retrace avec précision l’histoire de ce fameux tribunal révolutionnaire, jusqu’en mai 1795, où finalement, nous dit-il « Le Tribunal révolutionnaire de l’an III a jugé et condamné son prédécesseur de l’an II. »
Un dernier article d’Hervé Leuwers évoque la Terreur en province : « Paris tonne, la Province tremble, les têtes tombent. » Il y retrace les lieux les plus conflictuels, le Nord-Pas-de-Calais et Lebon, la révolte fédéraliste des Girondins, mais aussi les villes en rébellion contre la Convention montagnarde, Toulon, Marseille, Lyon. La Terreur est ici expliquée en fonction du contexte ouvertement insurrectionnel de mouvements d’opposition et d’obédience fédéraliste ou/et royaliste.
Au gré des articles du dossier se dessine une figure nuancée de Robespierre. Dès l’édito d’Éric Pincas, on trouve cette phrase : « Robespierre, faut-il le rappeler, fut loin d’être le seul responsable [de la Terreur]. » Évelyne Lever précise que « Robespierre comprend très bien que ce culte baroque [la déesse-Raison] va déconsidérer la Révolution. »
Et dans les « Acteurs et victimes de la terreur » présentés par Olivier Coquard, où Olympe de Gouges voisine avec carrier, Fouquier-Tinville et Hébert, on trouve ce jugement sur Robespierre « La Terreur lui est souvent imputée et il en est victime le 28 juillet 1794. »
On ne peut cependant qu’être très réservé sur beaucoup d’autres aspects du dossier. Ainsi Emmanuel de Waresquiel qui relate la répression de Lyon en présentant Fouché comme « un proche de Robespierre. » Quand on connaît la lutte féroce qu’ils se livreront entre germinal et thermidor an II !
A deux reprises (l’édito et l’interview d’Evelyne Lever), on présente le livre de l’historien américain Robert Palmer « Le gouvernement de la Terreur », traduit effectivement en français en 1989, comme une référence incontournable, et aussi avec une grande exagération comme le Robert Paxton de la Terreur !
Dans une tribune, Olivier Coquard présente la Terreur en mettant dos-à-dos l’historiographie contre-révolutionnaire « Légende noire » et celle du discours historique jacobin « Légende dorée ». Dans cette dernière je ne peux que déplorer l’évocation d’Albert Soboul comme historien communiste. Soboul est le seul dont on demande sans cesse, y compris à titre posthume, l’appartenance politique, comme si cela le discréditait dans son métier d’historien, et comme si, les autres étaient plus « fiables » car non-identifiés politiquement ! Albert Soboul, l’historien des sans-culottes mérite, à mon sens, plus de considérations pour son œuvre.
Au final, le dossier se concentre sur la Terreur sans renouveler l’approche. Évoqué épisodiquement, le Comité de Salut public n’est pas expliqué, ni contextualisé, et donc son œuvre, pourtant essentielle, ignorée.
Il est vrai qu’un magazine grand public n’a pas vocation à s’étendre et à développer. Les articles sont courts, souvent percutants et destinés à synthétiser et/ou à ouvrir des « horizons d’attente », en suscitant une curiosité chez le lecteur.
On espère donc que ce dossier d’Historia suscitera un intérêt, des interrogations et un esprit critique chez les lecteurs, sur un thème souvent présenté, il est vrai, de manière caricaturale au point où la Terreur reste encore trop souvent associé à la « légende noire » de la Révolution.