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Robespierre et les colonies entre la politique et les principes (janvier 1791-juillet 1794).

lundi 30 janvier 2023

Robespierre et les colonies entre la politique et les principes (janvier 1791-juillet 1794).

Jean-Daniel Piquet

L’article, « Robespierre et la question coloniale », inséré dans Robespierre, portraits croisés, minimise injustement la cohérence universaliste de Robespierre face aux principes, présente dans d’autres travaux, comme dans les accusations thermidoriennes. Robespierre estimait les principes supérieurs aux choix politiques des Girondins opposés aux siens. De janvier 1791 à mai 1792 en osmose avec eux à l’assemblée constituante, au club des jacobins et dans son journal Le Défenseur de la Constitution Robespierre dénonce les lobbies coloniaux, mène campagne pour les droits des hommes libres de couleur et salue, au nom de l’humanité, la loi du 4 avril 1792. En avril 1793 il s’exprime contre la traite en puisant à la fois à Brissot et à une inspiration personnelle. Le 3 juin aux Jacobins Robespierre attaque pour la première fois la persistante politique belliciste de Brissot à Saint-Domingue. Le lendemain il prend position à la Convention, avec Grégoire et la Montagne jacobine, pour l’abolition. Le 2 octobre il sauve du Tribunal révolutionnaire 73 girondins dont le philosophe abolitionniste Louis-Sebastien Mercier. En novembre Robespierre n’attaqua l’antiesclavagisme de la Gironde que sous l’influence de Janvier Littée à la fois esclavagiste et ayant droit à la loi d’avril 1792. Après l’abolition de février 1794, en juillet, il mit Littée sous surveillance.

Mots - clés  : Révolution française et colonies / Robespierre / Historiographie / Politique et principes / Girondins / Janvier Littée / Accusations thermidoriennes.

La question de Robespierre et de la question coloniale a fait l’objet de multiples travaux et réflexions. Mais aucune à ce jour ne s’est penchée sur le sujet de manière fouillée. La dernière, écrite par Bernard Gainot en 2012 & insérée dans le recueil Robespierre, portraits croisés [1], malgré l’intérêt de ses remarques ne répond pas à notre sens à ses promesses : beaucoup d’erreurs et d’omissions, qui auraient pu être évitées parsèment l’article.

« L’épaisseur et la diversité des interprétations sont inversement proportionnelles à la fréquence des interventions publiques [2] […] « quatre séquences et quatre séquences seulement […] dans le débat public sur les colonies » [3] :

Mai et 24 septembre 1791, 24 avril et 17 novembre 1793. Encore les deux dernières dénoteraient-elles un certain opportunisme : la lutte contre la Gironde qui lui fit rappeler en avril après un long silence de dix-neuf mois, par obligation du moment les principes puis surtout les oublier en novembre. Il y reprocha alors à ses ennemis girondins d’avoir voulu « affranchir en un instant » les Noirs. Dans ses mémoires écrits en octobre 1793 Brissot le mettait d’ailleurs en contradiction entre son apostrophe de mai 1791 « périssent les colonies plutôt que de sacrifier un principe » et sa position présente vis-à-vis des « colons qu’il soutient aujourd’hui ». D’après B. Gainot, « mal informé Robespierre ne cherche pas, semble-t-il, à palier cette carence par un contact plus direct avec les hommes et les faits » [4]. Il proteste tactiquement contre l’amendement Rewbell le 15 mai 1791 puis l’accepte le 24 septembre. Robespierre n’aurait commenté ni l’insurrection d’esclaves d’août 1791 ni la loi du 4 avril 1792 imposant l’égalité des Blancs et des hommes libres de couleur, comme il le réclama en 1791. La raison en serait qu il percevrait après 1791 la Révolution de Saint-Domingue « au prisme des luttes hexagonales des factions  [5] ». Même le 24 avril 1793 quand il cherche à convaincre la Gironde en s’appuyant sur les propos de Mirabeau tenus en mars 1790, se garde dans son projet de déclaration des droits de l’homme d’appeler explicitement à la suppression de l’esclavage des Noirs. Ces remarques ont été acceptées par les recenseurs des AHRF et les Cahiers d’Histoire, Jean-Clément Martin et Jean-Baptiste Le Cam. Pour le premier, « l’intérêt porté par Robespierre à la question coloniale aura connu des éclipses et aura suivi finalement l’opinion de son temps. [6] » Pour le second, « Robespierre condamne fermement, en novembre 1793, l’abolition immédiate de l’esclavage à Saint-Domingue par le girondin Sonthonax […] On ne saurait cependant « conclure qu’il fut hostile à la liberté générale décrétée par la Convention le 4 février 1794 [7]. » Cette remarque vise une citation de Jean-Philippe Garran - Coulon, député du Loiret à la Convention, radicalement antiesclavagiste mais politiquement modéré. Dans son rapport sur les troubles de Saint-Domingue Garran affirmait : « Tout annonce que Robespierre au moins avait été absolument opposé au décret sur la liberté générale ». B. Gainot qui reproduit la citation objecte certes son « contexte thermidorien ». Mais il n’a pas cherché l’éventuelle note infra - paginale - ou absence de note - pour obtenir confirmation ou infirmation du pronostic. Ce que nous avions fait dans notre livre consacré à la question coloniale en général [8] et dans un précédent article limité à l’attitude de Robespierre sur la question coloniale en 1793-1794 [9]. Il admet, se référant à notre livre que le mois de janvier 1794, mois de l’arrivée de trois députés antiesclavagistes du nord de Saint-Domingue représentant les trois couleurs de la colonie, Louis Dufaÿ (Blanc), Jean-Baptiste Mills (Métis), Jean-Baptiste Belley (Noir) à Paris « change la donne, et semble justifier la politique des commissaires », des girondins supposés, Sonthonax et Polverel, envoyés en juillet 1792 à Saint-Domingue pour appliquer la loi du 4 avril 1792 relative à l’égalité des Blancs et des hommes de couleur libres. Mais si après février 1794 « les dirigeants montagnards corrigent partiellement la ligne », étendent leur suspicion aux « représentants des colons » ils n’en abrogent pas pour autant les décrets de mise en accusation de Sonthonax et Polverel et maintiennent en détention, le mulâtre de Saint-Domingue Julien Raimond et le créole progressiste de la Martinique, Claude - Pierre Leborgne [10]. Mais l’attitude spécifique de Robespierre au CSP est occultée. Car B. Gainot a uniquement recensé chez lui, ses prises de paroles aux séances parlementaires des 12, 13, 15 mai, 24 septembre 1791 et ses discours des 24 avril et 17 novembre 1793. Ne furent jamais prises en compte les publications de Marc Bouloiseau, Jean Massin, Jean Bruhat, Aimé Césaire, Henri Guillemin Gérard Walter, ou Claude Mazauric, ni même d’ailleurs les œuvres de Maximilien Robespierre rééditées à cette fin [11]. Et il ne semble pas que les trois grands derniers biographes de l’Incorruptible , Hervé Leuwers [12], Cécile Obligi [13], Jean-Clément Martin [14] aient fait preuve de plus d’équité. Cependant Mme Anne-Marie Coustou-Mirales a contesté l’article à sa sortie [15]. Mais elle en a seulement révisé les interprétations, parfois en forme d’excuse. Elle n’a pas, dirions-nous « révisé le procès », vérifié l’existence d’éléments qui nuanceraient l’avis d’ensemble. Car l’article de B. Gainot a incomplètement traité la Constituante et occulté la Législative. L’après-10 août 1792 est certes plus compliqué à analyser. Le non-dit y côtoie le dit. Mais sur le printemps 1793 des pièces inédites imprimées existent., dont une relevée par Albert Mathiez. Par ailleurs en l’an II des actions secrètes, révélées après Thermidor, se substituent aux discours et permettent de comprendre le discours du 27 brumaire an II : le nouveau conventionnel longtemps méconnu des historiens, Janvier Littée. Nous séparerons le travail en deux parties : les pièces des années monarchiques (janvier 1791-mai 1792) et les documents des années républicaines (septembre 1792- juillet 1794).

I ° L’ÉPOQUE MONARCHIQUE

La période monarchique représente pour nous les moments au cours desquels, au nom des principes ou du commerce, les patriotes se divisent sur l’étendue territoriale des pouvoirs de l’assemblée nationale et de la déclaration des droits de l’homme.

Par « séquence », on doit à la lecture de l’article de B. Gainot comprendre intervention coloniale intercalée dans un ensemble de discours, ou de propos coloniaux d’un discours général seraient-ils purement allusifs. Mais la « séquence » peut à l’inverse contenir plusieurs allocutions coloniales exprimées durant plusieurs journées consécutives, dans un même lieu. Robespierre intervint ainsi spécialement sur les colonies à l’assemblée constituante dans une première séquence trois fois de suite les 12, 13, 15 mai, 1791. Puis longuement à nouveau, dans une seconde séquence le 24 septembre. Les deux de 1793 à la Convention sont à l’inverse courtes et insérées dans un discours général. Ce critère « séquentiel » est discutable. Il néglige l’énergie déployée en mai 1791 par le personnage, sur trois journées rapportées dans des dizaines de pages de comptes-rendus de presse par les éditeurs [16]. L’occasion nous amène à préciser qu’on relève également dans ce volume quatre autres interventions coloniales de longueur inégale à la Constituante : 11 janvier, 31 mars, 5 avril, 5 septembre 1791. Ce critère séquentiel oublie également l’autre grand lieu d’expression de Robespierre reproduit par les Œuvres  : le club des Jacobins. Un discours y fut prononcé dans la soirée du 13 mai 1791 et un autre dans celle du le 21 juin. Logiquement deux séquences à part entière. Il est cependant difficile de dissocier la première sociétaire de la séance parlementaire du même jour. On ajoutera enfin deux écrits imprimés : L’adresse aux Français de juillet 1791, Le Défenseur de la Constitution du 31 mai 1792. Entre janvier 1791 et mai 1792 on compte ainsi douze interventions coloniales insérées dans les tomes 4, 7, 11 des Œuvres. Plusieurs d’entre elles, nous l’indiquerons le cas échéant, furent relevées des années 1950 aux années 1980 par les anciens chercheurs précités, désireux de mettre en exergue le défenseur inflexible des droits de l’homme.

  • 1) JANVIER-AVRIL 1791 : CONTRE LE DESPOTISME DES COMITES

« En janvier 1791, le despotisme du comité colonial composé de riches propriétaires lui semble intolérable ». Cette phrase nous vient de M. Bouloiseau [17]. Robespierre affronte déjà à l’assemblée constituante Moreau de Saint-Mery le 11 janvier 1791. Voici le compte-rendu complet de la séance par le Moniteur Universel. [18]

«  M. Moreau de Saint-Mery,
Ce que je vais avoir à vous soumettre n’est à proprement parler qu’une motion d’ordre.
Les différences que la nature a mises entre les objets physiques des colonies et la mère-patrie, des considérations locales d’une haute importance, ont déterminé la prudence comme la sagesse de l’assemblée nationale à établir un comité qu’elle a spécialement chargé d’examiner tout ce qui concerne ces possessions éloignées. Elle a senti que chacune d’elles formait un tout et qu’il y aurait de l’inconvénient, peut-être même du danger à en isoler des parties. Cependant plusieurs comités de l’Assemblée se sont livrés à la discussion des matières qui ont plus ou moins de rapport avec les colonies.
Je suis bien loin de critiquer leurs motifs, j’y applaudis au contraire ; mais n’est-il pas à craindre que la proposition incidente, et pour ainsi dire accidentelle, de quelque disposition à appliquer aux colonies ne soit contraire à leurs localités ? Et si tous les comités s’occupaient de ce qui les concerne, les raisons qui ont donné lieu à la formation du comité colonial ne seraient-elles pas méconnues ? Je sens néanmoins que dans la division naturelle des travaux de chaque comité il peut y avoir des points relatifs aux colonies ; mais alors il convient encore que le comité colonial en soit instruit.
C’est pour remplir ces différentes vues, que j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant :
L’Assemblée nationale, voulant conserver l’unité qui existe entre les différentes parties de la constitution et de l’administration des colonies, décrète :
1- Que les objets qui intéresseront immédiatement les colonies ne pourront lui être représentés que par son comité colonial.
2- Que ses autres comités ne pourront soumettre à sa délibération aucune disposition relative aux colonies, ni prendre aucun arrêté à cet égard, sans en avoir préalablement conféré avec le comité colonial. 
 »

M. Rewbell :
« Je demande la suppression du préambule qui contient des principes susceptibles d’examen, et qui gêneraient peut-être un jour l’Assemblée nationale. »

Moreau de Saint-Mery :
« Quoique je croie que ce préambule n’exprime que les principes de l’assemblée, je consens à sa suppression. »

M. Robespierre :
« La motion n’est rien moins qu’une motion d’ordre. Elle tend à gêner la liberté qu’a l’Assemblée de décréter, et chaque membre de proposer ce qui sera utile aux colonies. C’est tout soumettre au Comité colonial. Je demande la question préalable. » ….

M. Moreau :
« Je n’ai prétendu gêner ni la liberté de l’assemblée ni celle de ses membres ; mais l’assemblée ayant établi un comité colonial, et décrété que les assemblées auraient une constitution qui leur fût propre, il serait dangereux que chaque comité pût en se trompant lui-même, mettre l’assemblée dans l’embarras, par l’impossibilité où elle serait peut-être de bien juger l’influence qu’une disposition aurait sur les localités coloniales. L’assemblée a décrété le 29 novembre que son comité colonial lui présenterait un projet d’instruction destinée à accélérer la constitution des colonies. C’est là que les localités sont recherchées et consultées, et l’on doit redouter la moindre erreur qui pourrait produire au loin de très funestes effets. Je ne demande que le concours des lumières, et je ne soumets pas les autres comités au comité colonial. » 

M. Pétion :
« Il est étonnant que le comité colonial en ait chargé M. le rapporteur. »

M. Moreau (dit de Saint-Méry) :
« Je parle en mon nom personnel. »

M. Pétion :
« La proposition tend à rendre le comité colonial très despotique. C’est lui qui est cause des troubles qui agitent maintenant les colonies. Il s’est opposé à ce que des membres de cette assemblée n’y fissent valoir des principes qui auraient tout calmé. L’Assemblée ne peut abdiquer son droit pour le donner à ce comité ; j’appuie la question préalable. »[…]

La question préalable est mise aux voix et adoptée."

On voit que Moreau a tenté dans un rapport d’introduire un amendement accordant des prérogatives au comité des colonies. Rewbell, Robespierre et Pétion se soudèrent contre lui et gagnèrent. Ils parlèrent à tour de rôle et firent reculer le député de la Martinique, obligé à chaque fois de nier ses intentions exprimées dans son propre rapport. L’intervention de Rewbell renvoie à la réflexion de Jean-René Surrateau qui s’interrogeait sur l’intérêt qu’il portait aux Antilles et sur son action militante au côté gauche égalitaire et universaliste que contestait en lui Florence Gauthier [19]. Historiquement le côté gauche renvoyait à l’ensemble des députés assermentés, désireux à l’automne 1789 de réduire fortement ou totalement les pouvoirs du roi. Les quatre députés cités appartenaient tous à ce côté gauche, à la lecture même d’une liste hostile sans doué monarchienne, de mars 1791 [20]. A la différence de Pétion, ni Rewbell ni Robespierre ne demandèrent à discuter des droits de l’homme dans les colonies sur lesquels ils étaient encore peu informés. Ils combattaient seulement les prétentions despotiques du club Massiac à l’Assemblée nationale. Les accepter revenait à imposer la suppression de deux grandes réformes demandées et obtenues par la nouvelle assemblée nationale les 23 et 27 juin 1789 : le vote par tête, les délibérations en commun. Bien que courte, l’intervention de Robespierre attira l’attention de la presse : Le Journal de Paris, l’Assemblée nationale et commune de Paris, les annales patriotiques et littéraires, Le Patriote français, Le Courrier de Paris dans les LXXXIII départements [21].

Parmi eux nous reproduirons les deux plus percutants :

- Le Courrier de Paris dans les LXXXIII départements d’Antoine Gorsas :

« M.M. Robespierre et Péthion se sont élevés avec chaleur contre la première partie de cette proposition ; ils ont prétendu que les désordres des colonies pouvaient fort bien trouver leur source dans l’arbitraire de ce Comité. Ils ont demandé la question préalable. M. Moreau a voulu insister, mais il a perdu la cause, et on est passé à l’ordre du jour. »
- Le Patriote Français de J.P Brissot commenta le plus longuement ce débat :
« N’a-t-elle pas (l’Assemblée) déjà manifesté les sentiments qui l’inspirent, en rejetant avec dédain tant de prétentions de ce comité colonial, où l’on ne sait trop qui domine le plus, de l’ignorance ou de la perversité ; en rejetant cette dictature que voulait attribuer à ce comité l’astucieux Moreau (de Saint-Méry), afin de paralyser les bras des hommes de bien, qui veulent effacer les taches nombreuses imprimées à la constitution par ce comité ; dictature si heureusement combattue par M.M. Pétion et Robespierre ! Et M. Moreau s’avise de plaisanter sur les principes de ces vigoureux défenseurs de la liberté, lui qui semble n’avoir puisé les siens que dans les codes du despotisme asiatique ; lui, qui, vingt fois défié au combat, reste immobile, et ne fait l’important que dans les conciliabules ténébreux de colons qui le méprisent [22]. »

Robespierre et Pétion se voyaient ainsi consacrer quatre mois avant le débat de mai 1791 une réputation de « deux vigoureux défenseurs de la liberté », « hommes de bien » hostiles à « la dictature et à l’arbitraire du comité colonial » et aux « conciliabules ténébreux de colons ». Peut-être les propos de Brissot constituaient-ils des indices de contacts tardifs de Robespierre avec la Société des Amis des Noirs dans un combat commun contre le club Massiac ? La parution ces dix dernières années d’archives des comptes-rendus de cette société ne contredit pas l’hypothèse d’un tel rapprochement. [23] Si le nom de Robespierre était absent des procès-verbaux des séances officielles, c’est peut-être parce que la dernière n’y était datée que du 11 juin 1790. Il s’y serait en réalité inscrit en avril 1791 [24].

Deux autres interventions méconnues doivent être signalées. Les 31 mars et 5 avril 1791 l’affaire des Léopardins d’octobre 1790, colons blancs sécessionnistes du bateau Léopard, réprimés par Barnave, arriva devant l’assemblée et amena Robespierre, seul ici, parmi les anciens adversaires de Moreau et de Barnave, à intervenir. Une députation de l’assemblée de Saint-Marc devait être entendue à la barre. Le 31 mars pour des raisons de santé du requérant, l’avocat - journaliste, Simon Linguet, demanda le report de la séance. A la différence de Barnave désireux d’étouffer l’affaire, Robespierre réagit favorablement et obtint gain de cause [25]. La séance fut remise au 5 avril. Et ce jour-ci Barnave proposa que « les comités de constitution de la Marine, de l’agriculture et des colonies se réunissent au comité colonial pour examiner les instructions qui y ont été rédigées » et que les pétitionnaires ne soient entendus que devant ces comités. Robespierre contesta ce 5 avril ces deux requêtes. Il expliqua que le Corps Législatif tout entier devait au nom de la nation disposer de tous les droits de regard [26].

  • 2) MAI-SEPTEMBRE 1791 : LE CONSTITUANT JACOBIN

Le 12 mai 1791, Robespierre pour la première fois depuis 1789, défendit des citoyens actifs : les hommes de couleur libres des colonies. Contradiction ? Il ne pouvait pas faire autrement, sous peine de procéder à une étrange alliance avec Moreau de Saint-Mery qui pour la première fois en toute mauvaise foi mit au défi ses contradicteurs de trouver « une page du livre de la nature où il existait des citoyens passifs ». Ou de faire preuve de « l’indifférence colonialiste » d’un Camille Desmoulins qui se refusait à admettre qu’un Dupont de Nemours, partisan en métropole du suffrage censitaire, puisse défendre les mulâtres, citoyens actifs à Saint-Domingue [27]. L’indifférence plus discutable de Robespierre ce jour-ci à la question des esclaves - non citoyens par excellence - fut assimilée par Aimé Césaire à une analyse de « lutte de classe ». Colons blancs et colons de couleur défendaient ensemble l’ordre esclavagiste [28]. Mais le lendemain 13 mai Robespierre a rectifié le tir. On considère généralement que par son apostrophe « périssent les colonies » il s’est seulement adressé à Moreau de Saint-Méry sur la question sémantique du mot « esclave ». La tirade n’aurait pas différé du « périssent les colonies » de Dupont de Nemours. B. Gainot suit cette approche : ni isolement radical ni hypocrisie, mais alignement sur les positions philanthropiques de son temps incluant Dupont. Pourtant ce 13 mai 1791, ce fut Barère qui, au terme d’une longue allocution, [29] et non Moreau, proposa la constitutionnalisation de l’esclavage. C’est-à-dire quelqu’un qui avait pris fait et cause la veille pour la cause des hommes de couleur libres. Sa position était conditionnée par la continuation du débat sur l’émancipation des gens de couleur libres. Moreau de Saint - Mery saisit l’occasion pour demander la constitutionnalisation explicite de l’ordre colonial. Exception évidente à l’assemblée : Maximilien Robespierre. Dupont de Nemours formula la tirade à l’intérieur d’un long discours. Elle passa quasiment inaperçue [30]. Surtout conclut-il son allocution par cetet phrase : « je renvoie au rapport de M. Barère ». Dupont et Robespierre réagissaient ensemble à une liste accusatoire du club Massiac établie le 12 mai 1791 et recensant les députés qui auraient voté le même jour « pour la fin des colonies ». Ni l’un ni l’autre n’entendaient se laisser impressionner par la menace. Mais le second plus cohérent que le premier ne voulait pas reculer d’un iota : ni sur les droits des hommes de couleur libres ni sur la constitutionnalisation de l’esclavage. On en a la preuve dans la séance du soir au club des Jacobins [31]. Dans la première partie d’un long discours on peut lire :

« Tout ce que j’entends depuis trois jours ne m’a point convaincu ; je n’en crois pas moins que la justice et la morale doivent être les guides des législateurs. On vous parle de l’initiative : est-ce donc un sénat aristocratique de colons que nous avons à consulter ? Est-ce un cabinet ministériel ami de l’esclavage ? Non c’est l’intérêt suprême de la nation, celui des représentants d’un peuple dont la toute puissance n’est que l’opinion et les principes » [32].

On remarque le mot « principes » qui explique peut-être la déformation avec le temps de son « périssent les colonies ». La deuxième partie du discours, consacrée exclusivement aux hommes de couleur libres, souffre d’un défaut de transcription par le Mercure Universel, perdu entre les « ils », « vous » et « nous » de la démonstration :

« Vous êtes bien fondés à venir nous dire que ces droits existent, lorsque vos frères dans une autre partie du monde, en ont été privés par vous ; parce qu’il a plu à l’Etre Suprême de mettre sur leur front une autre couleur, vous les avez privés de ces droits naturels ; il avait donné des droits égaux aux autres, à ces hommes à qui vous les ravissez : et nous leur répondrons alors : vous nous dites que nous n’avons pas respecté en Europe les droits des hommes, mais ces hommes jouissent des droits civils ; je réponds encore, mais ces droits ne sont rien sans les droits politiques ; car ceux qui les exercent seuls, peuvent attenter à tous les droits des hommes qui n’ont que les droits civils. De là (sic) ceux-ci sont encore nuls (applaudi) » [33].

Robespierre détruisait sans doute le sophisme selon lequel l’acceptation du suffrage censitaire, contraire à la déclaration des droits de l’homme, valait caution pour l’annulation des droits civiques aux citoyens actifs mulâtres des colonies. On remarque un pas de plus dans sa pensée coloniale par l’invocation des mots religieux « Etre Suprême », « frères ». Exceptionnelle séquence, semble-t-il, où il a ouvertement connecté son déisme à l’universalité des droits de l’homme. Combien de ses contemporains jacobins ne l’ont-ils pas relevé [34] ? Le 15 mai, on le sait, il récusa seul l’amendement Rewbell. Et au vu de remarques ultérieures on ne saurait percevoir ans cet amendement mitoyen une approche tactique. D’autant que Robespierre y revint à au club des Jacobins le 21 juin :

« Le roi a choisi, pour déserter son poste, le moment où l’ouverture des assemblées primaires allait réveiller toutes les ambitions, toutes les espérances, tous les partis et armer une moitié de la nation contre l’autre, par l’application du décret du Marc d’argent, et par les distinctions ridicules entre les citoyens entiers, les demi - citoyens et les quarterons » [35]

Des concessions sur les droits de l’homme en France continentale et coloniale ont ainsi été regroupées dans la critique. En revanche en juillet 1791 il se félicita du décret du 15 mai dans la phrase unique d’une très longue adresse :

« Peut-être tous les chefs de partis jusqu’alors divisés se ressouvinrent-ils douloureusement des combats que nous leur avions souvent livrés ; peut-être en particulier MM. Lameth, Barnave et Duport n’avaient-ils pas oublié l’échec que leurs opinions avaient reçu récemment dans l’affaire des Colonies et dans plusieurs occasions importantes » [36].

Eu égard à sa remarque du 21 juin il aurait dû dire « demi-échec ». Mais on peut comprendre que tout à son réquisitoire contre Barnave et les Lameth, Robespierre ne souhaitait pas relativiser leur fiasco. Mais son interprétation de l’amendement s’était peut-être modifiée. Au sens strict une génération, seulement, « d’hommes nés de pères et mères libres » ou « de quarterons » accédait à l’égalité. Mais d’après l’avis, pourtant critique d’Etienne Clavière une majorité. En était uniquement exclu le groupe des affranchis.

« Les principes ont été violés dans le décret du 15 mai à l’égard des affranchis, dont on a fait une classe intermédiaire, privée des droits de citoyen actif. Contradiction choquante [37]. »

Le mois de septembre 1791 comprend deux séances parlementaires coloniales : les 5 et 24 [38]. Dans l’intervention du 5 septembre 1791, évoquée en une vingtaine de lignes par Jean Massin et Henri Guillemin, en deux pages par Gérard Walter, Robespierre intervint contre la non - application du décret du 15 mai. Il n’a donc pas perdu de vue à l’été 1791 l’universalité des principes. Jean Massin a relevé ses attaques contre Barnave et les Lameth :

« Saisissant la première occasion venue (une députation de patriotes brestois venue en demander la stricte application) les triumvirs insinuent que le décret devrait être révisé « Alors Robespierre : (sic)

 “Les traîtres à la patrie sont ceux qui cherchent à vous faire révoquer votre décret ; et si pour avoir le droit de se faire entendre dans cette assemblée, il faut attaquer les individus, je vous déclare, moi, que j’attaque personnellement M. Barnave et MM. Lameth’ » [39]

De son côté Henri Guillemin raconta et commenta ainsi l’historique de la séance :

« … Au sortir de la séance, Maximilien a été insulté, bousculé. Des « patriotes » (sic), venant des tribunes, se sont précipités pour le défendre. “Jamais” rapportera la gazette de Paris du 8 septembre commentant la journée du 5, “jamais il n’y avait eu de tumulte plus violent”. Et Robespierre aura l’audace de récidiver le 24 » [40]

Enfin aux yeux de Gérard Walter cette séance doit être d’autant moins négligée que ce jour-ci la césure Barnave l’infidèle/Robespierre l’Incorruptible s’impose :

« La Révolution éliminait désormais Barnave de son sein et les applaudissements de ces quelques centaines de patriotes qui saluèrent la mise à l’index de l’infidèle si magistralement exécuté par leur incorruptible défenseur, paraissaient sanctionner une sentence destinée à rester san appel » [41].

Extrayons de notre côté de ses œuvres un autre passage :

… Je dis qu’il faut vous reporter au moment où vous l’avez rendu ; et alors je soutiens que les principes de saine politique, de l’équité et de la justice ont dicté votre décision ; je dis que votre décret était juste et sage » [42]

Il salue donc l’amendement Rewbell. A ce stade l’oubli de cette séance par B. Gainot ne modifie pas l’ensemble de son analyse. Mais on doit y percevoir à notre sens la conséquence de l’après-Varennes, de la fusillade du Champs de Mars et de la naissance du club des feuillants : ne pas entretenir les accusations de républicanisme, attirer vers le club des Jacobins des adhérents du nouveau club rival, tels que Rewbell, avait une valeur plutôt tactique que stratégique mais nécessaire. Le 24 septembre la révocation du décret par Barnave suscite chez lui une analyse contradictoire, seule incohérence dans son analyse des questions coloniales. Le décret du 15 mai « honore l’assemblée » introduisit-il. Mais plus loin Robespierre reproche à ses collègues ses reculs passés :

« Rappelez-vous toutes ces délibérations où, après avoir remporté l’avantage auquel on semblait d’abord borner tous les voeux, on s’en faisait un titre pour en obtenir de nouveaux ; où vous conduisant toujours de récits en récits, d’épisodes en épisodes, de terreurs en terreurs, on gagnait toujours quelque chose sur vos principes et sur l’intérêt national, jusqu’à ce qu’enfin échouant contre un écueil, on s’est bien promis de réparer son naufrage » [43].

Par « Borner tous les vœux » « pour en obtenir de nouveaux » ne faut-il pas entendre constitutionnaliser l’esclavage, puis voter l’amendement Rewbell ? Ce avant de se refuser à l’appliquer et finalement de le révoquer. Toujours est-il que l’expression publique de sa popularité, à la clôture de l’assemblée constituante, le 30 septembre, prenait appui sur ses huit premières interventions parlementaires coloniales de l’année 1791, citées supra. Mais particulièrement sur les deux dernières de septembre qui démontraient son altruisme et son courage pour la défense d’une cause lointaine mais fondamentale : l’universalité des droits de l’homme. Ce à quoi s’ajoutaient en mai et juin deux allocutions sociétaires. A ce sujet, pour avoir révoqué le décret du 15 mai, Barnave, Les Lameth, Duport, et Goupil de Prefeln furent exclus du club des Jacobins de Paris le 25 septembre. Relevons-en le surlendemain 27, un commentaire par le Courrier des 83 départements  :

« MM. les analystes aux gages de la liste civile, ne manqueront pas d’éclater contre cette délibération, & d’en attribuer le résultat aux FACTIEUX, Pétion, Robespierre, Roederer etc… (N.B. Ces députés n’ont aucune part à la délibération & n’étaient pas présents aux séances) [44]. »

Quelles que soient les raisons de ces trois absences, un journal les a soulignées. Le signalement d’une éclipse de Robespierre confirme l’importance que ses précédentes interventions coloniales avaient acquise dans l’opinion.

  • 3) ROBESPIERRE ET LA LOI DU 4 AVRIL 1792

Mais, dira-t-on, comment expliquer alors son long mutisme de dix-neuf mois à la Législative, puis à la Convention ? Robespierre n’aurait formulé « aucune opinion » ni sur l’insurrection des esclaves d’août 1791 ni sur la loi du 4 avril 1792. [45]Sur la question du silence sur l’esclavage, c’est exact. Nous y reviendrons. Le second cas paraît particulièrement étonnant au vu de sa constance de ses choix de mai à septembre 1791 à l’assemblée comme au club des jacobins. L’éclatement du conflit avec les Gironins expliquerait-il cet embarras ? Dans son livre Jean-Clément Martin suit l’analyse de B. Gainot : « Robespierre ne dira rien – alors que Brissot s’oppose au courant colonial de la droite de l’Assemblée et acquiert sa notoriété. » [46]Pourtant… « En mars, Brissot avait pourtant réussi à faire accepter par l’Assemblée, contre toute la droite, l’égalité des droits entre libres de couleur et Blancs,… » [47]

Mme Coustou-Mirales donne deux raisons à ce silence :
- La campagne de Robespierre contre la guerre voulue par Brissot l’aurait détourné de la question coloniale.
- Cette loi du 4 avril ne pouvait avoir son assentiment, car elle avait pour but de valider le maintien de l’esclavage en unissant les Blancs et les libres de couleur contre les insurgés noirs que les girondins entendaient écraser.
Sur la première explication on répond d’emblée que Brissot a à la fois mené avec succès campagne contre la guerre et pour l’émancipation des libres de couleur. Qu’est-ce qui empêchait Robespierrre de donner à un moment ou à un autre un avis sur la politique coloniale de Brissot ?

Sur la seconde remarque nous disons qu’il est toujours hasardeux d’interpréter un silence autrement que comme un embarras. Encore plus de l’assimiler à une désapprobation philosophique. L’expression d’une pensée, même limitée est préférable à pas d’expression du tout. A ce stade sur le plan de la méthode l’étonnement de Bernard Gainot et de Jean Clément Martin Clément Martin sur l’étrange silence de Robespierre nous paraît fondé. Mais qu’on juge chez les trois historiens confondus de l’erreur documentaire et de l’injustice consécutive ! Se livrant dans le Défenseur de la Constitution du 31 mai 1792 à un bilan de la politique législative de « M.M. Brissot, Condorcet » aidés par « M.M. Vergniaud, Guadet, Gensonnet (sic) » [48], Robespierre écrivit :

« Je commence cette discussion impartiale par les choses même que l’on peut louer en eux. Je leur rends grâce au nom de l’Humanité d’avoir défendu la cause des hommes libres de couleur de nos colonies. Loin d’imiter l’injustice de ceux qui leur ont cherché des torts jusque dans cette action louable en elle-même, je me croirais coupable d’ingratitude si je refusais cet hommage à ceux qui ont fait triompher la cause que j’avais plusieurs fois plaidée dans la même tribune. Peu m’importent les motifs quand les faits sont utiles au bien général. Sans examiner s’il est vrai que les uns défendent même la cause de l’Humanité comme des hommes d’affaire et les autres comme des défenseurs officieux je me borne à rechercher si les malheurs de l’Europe vous ont aussi vivement occupés que les infortunes américaines et si le peuple français a trouvé en vous le même zèle que celui de Saint-Domingue » [49]

Fait curieux, ce passage fut incidemment cité par Yves Benot dans l’article auquel B Gainot renvoie à plusieurs reprises [50]. Et aucun des autres chercheurs cités en introduction n’a davantage relevé ce texte [51]. C’est dommage. Car on y perçoit clairement une constance dans sa perception émancipatrice des droits des hommes libres de couleur. Visiblement d’octobre 1791 à avril 1792 « le commentaire vivant de la déclaration des droits de l’homme » a assisté régulièrement aux débats d’assemblée, s’est procuré les brochures des députés girondins, a lu leurs journaux. Et si en octobre 1793 Brissot tenta de mettre Robespierre en contradiction avec son ancien « périssent les colonies » de mai 1791, il rappelle également les réactions enthousiastes plus récentes de « la montagne » à l’audition des décrets de mars-avril 1792.

« …Eh qui ne se rappelle avec délice le jour, le beau jour où l’Assemblée législative déclara (car elle aurait cru outrager l’humanité que de le décréter) déclara les droits des hommes de couleur. Qui ne se rappelle le saint enthousiasme avec lequel touts les membres, toutes les tribunes se levèrent sur la proposition de cette déclaration faite par Vergniaud ? Qui ne se rappelle le triomphe de la montagne ? Car c’est à son infatigable opiniâtreté qu’on doit ce décret sublime ! » [52]

Robespierre était probablement présent dans ces tribunes, montagnardes avant la lettre, de l’assemblée législative. Faute d’être député il ne pouvait - et ne voulait - prendre publiquement position, ni sur la question coloniale ni sur les questions hexagonales. Sauf bien sûr à s’exprimer dans le périodique qu’il a laborieusement réussi à créer le 17 mai 1792. Le verbe « triompher » renvoie aux votes législatifs des 24 et 28 mars 1792 sanctionnés par le roi - comme l’exigeait la Constitution - le 4 avril. L’extrait corrobore certes l’interprétation formulée par B. Gainot d’une convergence Brissot - Robespierre. Cependant l’amendement Rewbell ayant été également annulé par la loi du 4 avril, son éloge par Robespierre renvoyait à ses critiques passées des insuffisances du décret du 15 mai 1791, et conférait à ses protestations des 15 mai & 21 juin 1791 un caractère idéologique. A ce stade il y eut cohérence et continuité de l’Incorruptible sur les principes. Malgré un bilan législatif hexagonal qu’il jugeait nul [53] les divergences croissantes qui opposaient Robespierre et Brissot depuis décembre 1791 sur la question de la guerre, contrairement à d’autres opposants au conflit, tels que Camille Desmoulins, à nouveau colonialiste dans son J.P. Brissot démasqué de février 1792 [54] n’influèrent pas sur les colonies. Robespierre entendait distinguer chez les Brissotins leur bon grain progressiste colonial de leur ivraie conservatrice hexagonale. Pour autant on relèvera le caractère très personnel du style de Robespierre, relevé ailleurs par Hervé Leuwers : « je leur rends grâce », « je me croirais coupable d’ingratitude », « la cause que j’avais plusieurs fois plaidée ». En mai 1792 il agissait au gré d’une inspiration humaniste et personnelle, indépendante des actions collectives des Amis des Noirs, des représentants à Paris des libres de couleur, ou même d’un côté gauche parlementaire qu’il jugeait contraire « aux principes de justice et de bien public » [55]. Mais évidemment dira-t-on avac justesse on ne trouve aucune opinion sur les esclaves noirs de Saint-Domingue. L’assimilation par Mme Coustou d’un silence présumé à un désaccord n’en était que plus imprudente. Antibelliciste résolu démocrate cohérent et radical, Marat jugeait « équitable » la politique coloniale des Brissotins envers les libres de couleur et « atroce » celle vis-à-vis des esclaves [56].’L’Incorruptible acceptait l’idée qu’il fallait envoyer des troupes et des colons unis, par delà leur couleur de peau, contre les esclaves insurgés. Du moins l’extension du bénéfice de cette loi aux affranchis nuançait ce critère de classe dévoyé. Au vu du titre du périodique Le Défenseur de la constitution on comprend qu’il n’ait voulu ou pu encore traiter de l’esclavage. Suffrage censitaire, marc d’argent, maintien de l’esclavage colonial, comptaient parmi les grands défauts de la constitution dont il avait conscience, et auxquels nul député ne pouvait toucher. En revanche de par la loi du 4 avril 1792, les libres de couleur, colons métis ou noirs affranchis, devenaient des citoyens actifs ; un nombre plus réduit accédait à l’éligibilité. L’Humanité n’en sortait pas moins gagnante. Et comme il le dit en période de paix « les faits » c’est-à dire les actes législatifs et leurs résultats « utiles au bien général » comptent moins que « les motifs » c’est-à dire les intentitons et les arrières-pensées susceptibles de les justifier. Un progrès reste un progrès.

II° LA REPUBLIQUE

Après le 10 août 1792, les forces réactionnaires, conservatrices ou modérées des précédentes assemblées (monarchistes, monarchiennes, Lamethistes) sont balayées. A Paris, le 3 septembre, sur demande de Robespierre, « les feuillants et affiliés », qui comptaient, dans leur club les militants du club Massiac, se virent retirer le droit de vote [57]. Le côté droit de la nouvelle Convention nationale se composa d’anciens membres du côté gauche de la législative (Brissot, Vergniaud) voire de l’extrême gauche de la Constituante (Pétion, Buzot) ; souvent donc des Amis des Noirs. De ce fait la voix de Robespierre n’y eut guère besoin d’être entendue. Entre le 23 décembre 1792 et le 21 février 1793, le club des Jacobins dominé par les Montagnards disposa d’un biquotidien abolitionniste, créé en septembre, Le Créole Patriote de Claude Milscent (1740-1794), créole progressiste de Saint-Domingue, future victime d’une intrigue esclavagiste sous la Terreur [58]. Il informait régulièrement de l’évolution de la situation à Saint-Domingue [59].

  • AVRIL-JUILLET 1793 : ENTRE TRAITE NEGRIERE ET ESCLAVAGE.

Il est certain qu’il perdit de vue pendant les sept premiers mois de la République la question coloniale : aucune trace dans lettres à ses commettants. La troisième « séquence » du 24 avril 1793 réside dans les dénonciations successives des négriers, des gentilshommes terriens et des monarques capétiens. Contentons-nous de citer la première et le commentaire général final :

« Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c’est que la propriété il vous dira en vous montrant cette longue bière qu’il appelle un navire, où il a encaissé et ferré des hommes qui paraissent vivants […]

[…]Aux yeux de tous ces gens-là la propriété ne porte sur aucun principe de morale. » [60]

 L’expression « longue bière », formulée le 24 avril 1793 à la Convention dans le cadre de son plan constitutionnel aurait été empruntée à un discours inédit de Mirabeau prononcé en mars 1790 au club des Jacobins [61]. Nous ne le pensons pas. D’une part Mirabeau avait dit « longue bière flottante ». D’autre part en cette année 1790, Robespierre n’avait prêté aucune attention aux questions coloniales. Comment s’en serait-il souvenu trois ans plus tard ? Il emprunta plus probablement la formule à une brochure de Brissot qu’il pouvait avoir lue, ou qu’un lecteur lui aurait oralement communiquée. Le 10 février 1791, Brissot y avait attaqué Gouy d’Arcy, député de Saint-Domingue, membre du club Massiac [62] complice de :

« L’affreuse agonie de ces infortunés au moment où on les enchaîne, où on les fait monter à coup de fouets dans ces LONGUES BIERES (sic) (1) où ils sont entassés, meurtris, étouffés… »

A la note infra-paginale, numérotée (1), Brissot écrivit : « Ce mot aussi juste qu’effrayant est de M. Mirabeau. » [63]

A l’instar de Brissot, Robespierre dit seulement « cette longue bière ». On ne saurait pour autant nier en lui un facteur stylistique personnel, relevé par Albert Mathiez dans le brouillon du discours. Le mot bière n’y est pas prononcé : « Marchand de chair humaine, navire où il encaisse les nègres, voilà mes propriétés » [64].

Robespierre ne s’en tint pas là. Le triptyque, « marchands de chair humaine », « gentilshommes », « Capétiens » renvoie à l’article IV de son discours sur la propriété, repris à l’article XXXVIII de sa déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

« Les rois, les aristocrates, les tyrans quels qu’ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre qui est le genre humain, et contre le législateur de l’univers qu’est la nature » [65].

Confirmation en est de l’allusion aux « tyrans » esclavagiste et négrier, que le 21 avril il avait présenté le même projet au club des Jacobins, mais sans préambule, ni autre allusion à l’esclavage. Or le sujet de la phrase supra se limitait à « Les rois et les aristocrates » [66]. Pensant le 22 ou le 23 avril aux tyrannies coloniales, Robespierre corrigea en conséquence deux fois de suite l’article.

Le 3 juin 1793, au club des Jacobins, Robespierre esquissa une critique de la politique coloniale de Brissot. Le cadre était nouveau : l’entrée d’hommes et de femmes de couleur au club présidé par Bourdon de l’Oise. Participaient également à la séance les conventionnels Chabot, Jeanbon Saint-André, Maure, Legendre, Robespierre [67]. Ce dernier s’exclama :

« J’ai demandé la parole pour rappeler à la société qu’elle avait une foule de traîtres à punir. Une foule de patriotes a été engloutie dans les colonies et c’est un crime de plus de Brissot. » [68]

En février 1793, Le Créole Patriote stigmatisait l’envoi par Brissot de troupes destinées à combattre les esclaves. On perçoit dans la phrase de Robespierre l’extension à la guerre de Saint-Domingue contre les esclaves sa critique constante depuis décembre 1791 du bellicisme brissotin en Europe. Zone d’ombre, le lendemain 4 juin une pétition des gens de couleur, de Chaumette et de Milscent arriva à la Convention pour faire abolir l’esclavage. Seul l’abbé Grégoire d’après les comptes-rendus de presse intervint pour la défendre. Mais d’après l’affiche d’un métis antiesclavagiste de la Martinique, Julien Labuissonnière, « L’humain, le vertueux Grégoire, les Saint-André, les Robespierre et le reste de ces justes ont tonné du sommet de la Montagne ». Source unique certes. Mais dans une lettre à Chaumette, Labuissonnière précisa « La Sainte Montagne a vainement lancé feu et flamme contre les vils insectes du Marais ». [69] L’abolition aurait eu donc pu être votée huit mois avant l’heure, à la Convention sous l’autorité de Grégoire, Robespierre, Jeanbon Saint-André, Chabot, Bourdon de l’Oise, Maure, Legendre si la Plaine n’avait fait barrage. Mais pourquoi, le cas échéant, un seul homme, Julien Labuissonnière, l’a-t-il écrit ? Après la chute des Girondins la presse ne tenait sans doute pas à faire état d’un nouveau conflit à la Convention. Grégoire lui-même en 1808 dans ses mémoires tut sa propre initiative. Sinon, dans le cas contraire, pourquoi le même Labuissonnière a-t-il inventé ce soutien montagnard à Grégoire ? Et Chaumette ayant été également présent à la Convention lors de l’intervention de Grégoire, Labuissonnière ne peut lui avoir inventé l’appui des montagnards. Par ailleurs pourquoi les conventionnels déterminés le 3 juin 1793, au club de jacobins, auraient-ils reculé le lendemain 4 à l’assemblée ?

Mais le 27 juillet 1793, Robespierre entra au comité de salut public. Il y travailla en tête-à-tête à Paris pendant un an avec Barère qui n’était pas jacobin, et on l’a vu, était poussé en 1791, au compromis sur l’esclavage. Et la constitution de l’an I qu’on ne saurait qualifier de robespierriste, par son respect absolu de la propriété privée ne déconstitutionnalise qu’indirectement, par le silence, l’esclavage colonial. L’abolition appartenait donc à un avenir indéterminé. Du moins ce 27 juillet par la voix de l’abbé Grégoire, la Convention, présidée par Jeanbon Saint-André, annula-t-elle les primes aux négriers, avec effet rétroactif le 19 septembre. Il s’agissait probablement d’une concession aux pétitionnaires de la Commune et aux « justes » de la Montagne jacobine. Nous restons dans le cadre de l’abolition graduelle de l’esclavage.

  • 2) OCTOBRE 1793-JUILLET 1794 : DE LOUIS-SEBASTIEN MERCIER A JANVIER LITTEE.

Mais dira-t-on, la mise hors-la loi par la Convention montagnarde de Sonthonax et de Polverel accusés de Brissotisme le 16 juillet 1793 va modifier la donne et retourner Robespierre ? Comment le situer par rapport au décret du 16 pluviôse an II ? C’est ce que le laisse croire Brissot en octobre 1793. Mais il ne cite pas sa source. Il renvoie exclusivement au rapport d’Amar, dont on ne sache pas qu’il ait jamais été un fervent Robespierriste. Mais Brissot pouvait-il se livrer à un subtil classement des tendances de la Montagne. Le silence de l‘Incorruptible sur les incontestables et monstrueux dérapages du rapport Amar, lui servait peut-être de preuve. Mais Brissot ne prenait pas en compte son intervention du 2 octobre 1793. Il sauva du tribunal révolutionnaire 73 pétitionnaires girondins, qu’il jugeait « égarés ». Ils étaient aussi philosophiquement antiesclavagistes que les Brissotins jugés et exécutés en octobre 1793, ou en rébellion dans les départements. Parmi ces 73 l’un d’entre eux attire notre attention : Louis-Sebastien Mercier. Il était on le sait l’auteur d’un roman utopique en 1770 L’an 2440 dont un paragraphe imaginait la victoire d’une insurrection noire à Saint-Domingue. Or neuf jours après l’abolition du 16 pluviôse, le 25 pluviôse -13 février 1794, La feuille du Salut public très proche du CSP percevait dans le texte de Mercier « une prédiction. » [70]Si Mercier avait été sauvé du Tribunal Révolutionnaire, il n’en restait pas moins sous les verrous. Chez les Robespierristes les crises de factions ne jouèrent visiblement pas dans les analyses de la situation coloniale. Ainsi Jullien de Paris, agent de Robespierre dans les départements, envoie une lettre à Robespierre le 26 nivôse an II (15 janvier 1794) qu’il termine ainsi :

« Je profite aujourd’hui pour t’écrire du départ de trois députés de Saint-Domingue, près la Convention. Le citoyen Barbier, chargé par Prieur de les accompagner, est un patriote de Lorient qui doit faire plusieurs demandes pour la commune. Tu provoqueras l’adoption de celles qui te paraîtront justes. »

Arrivé à Paris en janvier 1794 deux des trois nouveaux députés de Saint-Domingue Dufay et Mills furent arrêtés le 10 pluviôse an II-29 janvier 1794 sur dénonciation des commissaires esclavagistes, Page et Brulley, auprès du Comité de sûreté générale (notamment d’Amar qui recevait souvent depuis septembre 1793 les deux intrigants). Mais ils furent quatre jours plus tard libérés par le Comité de salut public après intervention du troisième, député Belley. Après leur entretien avec Belley, les membres du Comité de salut public présents à Paris (à l’exception de Robert Lindet qui comme Amar au Comité de sûreté générale était très proche de Page et de Brulley) qualifièrent les Blancs de Saint-Domingue de « princes colons » et assimilèrent les Noirs de Saint-Domingue aux « sans-culottes » des colonies.

Si on se limite au journal de la Montagne et au recueil d’Aulard nous ne disposons pas de positions de Robespierre sur le sujet au club des Jacobins. Mais le rapport d’un agent du Comité de sûreté générale, Latour-Lamontagne, juxtapose l’intervention de Robespierre au Club des jacobins le 19 pluviôse an II (7 février 1794) pour l’exclusion de Brichet et Santex qui réclamaient la comparution devant le Tribunal Révolutionnaire des conventionnels de la Plaine, à un débat colonial assez original.

« On faisait ce soir la motion d’abandonner aux hommes de couleur la partie de Saint-Domingue qui appartient aux Espagnols. Si ce décret était rendu disait l’orateur je répondrais de sa prompte exécution. Cette proposition a trouvé des approbateurs et des contradicteurs ».

Une discussion a visiblement eu lieu sur le droit à l’autodétermination du peuple noir sous tutelle espagnole : intégration à la France de Santo-Domingo, ou indépendance de cette colonie espagnole libérée de la servitude esclavagiste. Nous ne connaissons pas les noms de « l’orateur » ou de ses « approbateurs et contradicteurs » faute d’avoir trouvé le moindre écho de ce débat dans la presse jacobine. Ce silence s’explique-t-il par la crainte d’évoquer sur la place publique une question aussi délicate que l’indépendance d’une colonie ? Ou par celle de traiter d’un débat colonial auquel Robespierre participait et dont les propos risquaient selon l’hypothèse exprimée récemment par Claude Mazauric de susciter des polémiques inutiles.

A note sens il faut distinguer l’abolition de Saint-Domingue issue tout à la fois des principes, de l’insurrection et de l’arrivée de trois nouveaux députés de la colonie à Paris fin janvier 1794, de l’extension de l’aboliton le 4 février 1794 aux petites colonies antillaises. Quoiqu’on en ait dit la phrase du 27 Brumaire an II nous paraît relever de la seconde catégorie. Comment la comprendre ?

« C’est ainsi que la même faction qui en France voulait réduire tous les pauvres au statut d’ilotes, et soumettre le peuple à l’aristocratie des riches, voulait en un instant affranchir et armer tous les nègres pour détruire les colonies. »

Il est bien question des colonies en général et non spécifiquement de la situation à Saint-Domingue. La lutte contre la Gironde semblait prendre le pas sur tout le reste. La phrase du 27 brumaire an II lui fut reprochée dans l’immédiat après -Thermidor, le 5 vendémiaire an III-26 septembre 1794 par Leborgne, récemment libéré :

« Robespierre qui soutenait les colons et les intérêts de cette nation (l’Angleterre) vous disait dans un rapport le 27 brumaire, qu’on voulait en un instant affranchir et armer tous les nègres pour détruire les colonies, et c’est le même fourbe qui disait le 14 mai 1791 : périssent les colonies ; (sic) plutôt que de sacrifier un principe [71]. »,

A la différence du Brissot d’octobre 1793, Leborgne sous-entendit que Robespierre était déjà en mai 1791 un agent de l’Angleterre. Mais l’évocation de cette phrase en vendémiaire an III indique qu’elle avait déjà semé le trouble en l’an II. De fait Milscent qui avait repris sa publication en juillet 1793 la releva, dès sa lecture du rapport :

« Si pendant la lutte des républicains contre les satellites et la tyrannie, les nègres esclaves parviennent à secouer le joug de leurs maîtres, pourrait-on envisager cet événement, si l’on est réellement l’ami des principes, autrement que comme le triomphe de la sans - culotterie sur cette aristocratie coloniale qui s’attribue avec autant d’impudeur que d’authenticité le principe de ses conserver au milieu de la plus sainte des révolutions, même après le 10 août 1793 ; après l’acceptation par toute la France de l’acte constitutionnel que le peuple français regarde comme un si grand bienfait de ses législateurs, et pour lequel il cesse d’en bénir la sainte montagne qui la lui a donnée [72]. »

Et la remarque de Garran-Coulon relevait-elle de la pure propagande ? Une note infra - paginale renvoyait à deux documents : « Le registre de la commission de Saint-Domingue- fin pluviôse » ; Claude Leborgne, « enfin la vérité sur les colonies, p. 29 ».

Le premier des deux documents était rapporté fautivement. La référence chronologique, fin pluviôse, sous-entendait que Robespierre réagissait négativement au décret du 16. Ce registre n’était autre que le cahier de Page et Brulley. Or les seuls membres du Comité de Salut Public que les deux hommes contactaient en pluviôse et ventôse an II étaient Barère et Lindet. Le nom de Robespierre n’y apparaissait nulle part à ce moment. Dans le reste du registre une seule fois mais… fin brumaire an II, le 29 très exactement. C’était pour y signaler « le rapport lumineux de Robespierre sur la situation de la République » du 27. Pourquoi Garran a-t-il postdaté de trois mois cette information ? Sans doute à cause de la fragilité d’un pronostic, reposant exclusivement sur cette phrase. Car le deuxième document, la brochure Enfin la vérité sur les colonies de Leborgne en confirmait l’unicité. L’auteur, le 24 vendémiaire an III-15 octobre 1794, s’y répétait :

« … Je parvins au sein de la République au milieu de mes frères ; et des colons ennemis de la France, traitant avec l’étranger, réussissent à me charger de fers ; Littée tu étais à leur tête. Dans le même moment, vous faisiez circuler votre venin par l’infâme Robespierre, dans un rapport qu’il fit le 27 brumaire contre la liberté des Noirs et contre ses défenseurs. Cependant le même monstre avait dit, le 15 mai 1791 (sic) : périssent les colonies, plutôt que de sacrifier un principe ! Est-ce que cela ne se lie pas avec le système anglais qui est le vôtre » [73] ?

Ici Garran a falsifié la source en coupant la deuxième partie du titre : « en réponse à Janvier Litté, homme de couleur, député à la Convention ». Correctement rapporté, le lecteur aurait compris que Robespierre parlait sous l’influence d’un mulâtre devenu député grâce à la loi du 4 avril 1792. On s’en souvient, Robespierre l’avait louée dix-huit mois plus tôt « au nom de l’humanité ». Il n’y eut donc pas de sa part revirement tactique. Pouvait-il parler équitablement des colonies en ignorant le point de vue de leur seul représentant de couleur [74] ? Enfin le dernier souvenir personnel que Robespierre avait gardé de Sonthonax était ancien : un athée pro - brissotin qui au club des Jacobins le 26 mars 1792 épaula Guadet contre lui dans le débat sur la guerre par cette apostrophe : « point de capucinades ». Sonthonax quitta Paris en juillet 1792 et se tint à l’écart des étapes ultérieures du conflit Gironde - Montagne. Davantage que le décret du 29 août 1793 ou l’éventuel nationalisme expansionniste de Robespierre auquel il n’a pas davantage goûté en 1793 qu’en 1792, Littée a certainement joué sur une autre corde sensible : l’incohérence sociale d’une partie de la Gironde. Car il était bien question dans la phrase de novembre 1793 pour la France continentale du « statut d’Ilotes » et de « l’aristocratie des riches ». Après que les Brissotins aient fait voter en décembre 1792 la liberté illimitée du commerce, ils rechignèrent de mars à mai 1793 à accepter la libération des prisonniers pour dettes, la diminution du prix du pain pour les pauvres, le maximum des grains et l’emprunt forcé sur les riches. Or Brissot, le 2 février 1793, publia dans le Patriote Français la lettre d’un proche, le Conventionnel Charles de Villette, appelant à la liberté immédiate et totale des esclaves des colonies [75]. Une première, dans la vie du fondateur de la Société des Amis des Noirs qui avait toujours rejeté cette radicale perspective. Cette requête de Villette ne visait certes pas à perdre les colonies, mais à les protéger de la marine britannique après la déclaration de guerre à l’Angleterre du 1er février 1793. Milscent l’avait alors compris et avait salué la lettre [76]. Mais lui n’a jamais voulu soumettre « le peuple à l’aristocratie des riches ». Il n’était pas très difficile en novembre 1793 à un député des colonies ni de disposer de l’article du Patriote Français ni dans un contexte politique confus et exacerbé d’amalgamer l’abolition immédiate à l’écrasement des pauvres et à la perte des colonies. Dira-t-on que Garran a purment et simplement inventé l’hostilité de Robespierre au décret ? Pas sûr. Une allusion négative à ce décret existe dans les notes de Robespierre contre les Dantonistes.

« Danton m’a dit un jour : il est fâcheux qu’on ne puisse propose de céder les colonies aux Américains ; ce serait un moyen de faire alliance avec eux. Danton et Delacroix ont depuis fait passer un décret dont le résultat vraisemblable était la perte de nos colonies » [77]

Il s’agissait au départ d’une requête de Danton formulée à l’automne 1793 visant à offrir les petites colonies antillaises aux Etats-Unis en échange d’une alliance militaire franco-américaine. Albert Mathiez et Georges Hardy y ont perçu une condamnation par Robespierre du décret du 16 pluviôse an II, surtout révélateur de l’opportunisme de Danton. Mais Saint-Just, comme le fait remarquer « dans son rapport final le premier laissa tomber l’observation ». La colonie de Saint-Domingue, où s’affrontaient les sans-culottes et les princes colons, étant exclue du marché proposé, on peut voir à l’origine de cette phrase l’unique député des petites Antilles, Janvier Littée, désireux de prévenir l’envoi du décret d’abolition à la Martinique.

Lthermidorienne de Leborgne contre Robespierre et les assertions de Mathiez et de Hardy sont contredites par d’autres pièces, occultées par Garran-Coulon. Ce dernier en eut connaissance en février 1795 dans l’audition des débats entre les accusateurs et les accusés dans l’affaire des colonies dont il rendait compte dans son volumineux travail [78]. Ainsi le 2 ventôse an III- 20 février 1795 Page et Brulley rappelèrent d’abord à Sonthonax et Polverel, qui leur reprochaient leurs connivences avec le Comité de Salut Public, leur propre arrestation le 17 ventôse an II-7 mars 1794 par le Comité de Sûreté Générale sur ordre du CSP. Ces dernières années, cet ordre a été retrouvé. Il a été rédigé et signé par Collot d’Herbois et Saint-Just après réception, quelques jours plus tôt, d’une lettre de dénonciation de Dufay, Mills & Belley [79].

Dans un second temps, Page et Brulley mettent en cause Robespierre lui-même à partir d’une pièce publique parue quelques semaines plus tôt :

« Pour juger de l’influence dont nous jouissions, lisez le rapport Courtois. Vous verrez que Littée notre ami, le seul qui nous ait soutenu dans la Convention nationale, état poursuivi par les agents de Robespierre ; et vous y verrez avec quelle précaution Robespierre se faisait rendre compte des numéros que nous adressions au Comité de salut public, intitulés Notes au comité de salut public. Si nous eussions été dans un si grand rapport avec le Comité de salut public, Robespierre n’aurait pas fait épier nos démarches & fait des recherches pour savoir ce que nous écrivions et ce que nous n’écrivions pas ; enfin il n’aurait pas fait suivre et espionner Littée, qui était notre protecteur dans la Convention » [80]

On le lit, pour Page et Brulley, Littée fut leur ami, mais absolument pas celui de Robespierre. Et ils avaient de nouveau raison. La pièce en question a été insérée dans les fameux papiers de la Commission Courtois édités début février 1795. Elle s’avère nettement plus robespierriste que le rapport du 27 brumaire an II : une conséquence de la création au sein du CSP du Bureau de Police Générale en avril 1794 par Robespierre, Saint-Just et Couthon. Le document rapporte une des sept enquêtes effectuées sur plusieurs députés par l’agent Claude Guérin, entre le 4 et le 29 messidor an II (22 juin-17 juillet 1794). Le sixième rapport (27 messidor-15 juillet) narre la surveillance de Janvier Littée, commencée le 20 messidor-8 juillet.

« Du 27 messidor an II :

Un des citoyens que nous occupons, a donné à dîner, le 20 messidor courant à la citoyenne Masse, et l’a conduite au bal. Ce fut le même jour qu’elle lui remit le n° 5, et ils parlèrent peu de l’objet en question. Le même citoyen l’a revue chez elle le 24 et lui ayant dit qu’il avait oublié le n° 5, elle l’engagea à le brûler sous peine d’être compromis puisqu’il ne devait être connu que de certains députés, et elle lui fit espérer le 6e numéro.

« Il paraît que le citoyen Littée donna à dîner, le 22 courant à cinq de ses collègues desquels sont les citoyens Las et Chesnier, qui engagèrent fortement la citoyenne Masse de demeurer avec le citoyen Littée ; et sur l’observation qu’elle leur fit qu’elle serait compromise s’il arrivait quelque événement, on lui répondit : Nous nous entendrons pour vous faire une pension, si vous ne pouvez être dédommagée par le mobilier du citoyen Littée.

« La citoyenne Masse dit à notre agent que le citoyen Littée se faisait aimer de tous ceux qui le connaissaient, parce qu’il est franc et qu’il a un caractère prononcé contre l’injustice. Il a, dit-elle, des ennemis, mais qu’il ne craint pas. Le citoyen Littée est un homme de couleur : il a épousé une femme très riche. Il a à Saint - Pierre - Martinique beaucoup de maisons et propriétés qui lui sont conservées par les Anglais par égard pour sa femme.

« Il est certain qu’il existe un parti attaché au citoyen Littée ; mais il faut d’autres renseignements pour fixer l’opinion qu’on doit en avoir. Nous osons espérer de parvenir à en découvrir la source, si notre homme peut conserver cette femme qu’infailliblement il perdrait, si elle allait demeurer avec le citoyen Littée, car elle est toujours très en garde sur les questions qu’il lui fait.

« Comme on faisait espérer de donner, sous peu, le n° 6 nous avons d’autant plus la facilité de le faire aujourd’hui que nous avons découvert le dépôt ; il paraît que celui qui en est chargé doit distribuer ces écrits, puisqu’il les porte chez les différentes personnes qu’il croit faites pour les lire ; et ce qui peut confirmer ce soupçon, c’est que demain nous pouvons encore obtenir les numéros et la brochure que nous joignons ici. 

G. » [81]

Les indicatifs, n°5 et n° 6, correspondent aux « numéros que nous écrivions et que nous n’écrivions pas » des Notes au comité de salut public de Page et de Brulley. Dans le n° 5, le seul des deux textes imprimé, Dufay, Mills et Belley étaient traités respectivement d’« aristocrate », « agent anglais », « Africain Bambara ». Quatre mois après l’arrestation des colons de Saint - Domingue, Robespierre chercha à éclaircir le mystère Littée. L’activisme de ce député de couleur constituait un obstacle sérieux à l’application du décret du 16 pluviôse. Robespierre découvrait ses accointances avec deux prisonniers esclavagistes blancs.

CONCLUSION

Certes Maximilien Robespierre ne fut pas un fervent abolitionniste. Il ne s’est jamais présenté un plan de suppression de l’esclavage en main comme le firent à la constituante Viefville des Essarts et à l’assemblée législative Mathieu Blanc - Gilli. Cependant nés en 1744 et 1747, ils étaient sensiblement plus âgés que lui et avaient eu plus de temps, pour réfléchir à cette lointaine question. On ne saurait oublier que la cause des hommes de couleur libres était la seule qui de facto s’imposait à la Constituante, ni que Bonaparte en 1802 rétablit toute la domination blanche : tant esclavagiste que ségrégationniste. Robespierre se voulait le commentaire vivant de la déclaration des droits de l’homme. Il est toujours hasardeux de confronter les destins. Il s’intéressa au sujet plus tardivement que Pétion, engagé contre la traite dès mars –avril 1790 [82]. Nul ne peut expliquer ces silences du moment. Pour prendre un autre exemple extraexagonal, Avignon, il n’attenndit pas les débats parlementaires du printemps 1791(30 avril-4 mai) pour donner un avis favorable au rattachement de la principauté papale à la France. Il prononça en ce sens un discours en novembre 1790. Le droit à l’autodétermination n’avait ici rien à voir avec le « périssent les colonies », quelque sens qu’on donne à l’apostrophe. Mais à partir de mai 1791 sa postion ne se distingue guère de celle des Girondins qu’il s’agisse du « périssent les colonies » qui avait leur assentiment, de son opposition à l’amendement Rewbell que les Brisssotins se feront fort d’abroger en mars 1792, de son silence aussi sur l’insurrection d’esclaves à Saint-Domingue annoncée en France en novembre 1791 ui avait la faveur de certains montagnards ou proches tels que Marat, Chaumette, Merlin de Thionville, Dubois-Crancé, Jacques Brival, Joseph Lequinio [83]. Au nom peut-être d’une surdimension du moi relevé par Hervé Leuwers il a considéré dans le Défenseur de la Constitution que n’ayant pas été amené à commenter lui-même en tant que constituant cette insurrection de Saint-Domingue il ne pouvait commenter la politique girondine ; que seule l’insurrection des libres de couleur (qu’on ne saurait oublier ni sous-estimer dans sa relation avec la révolution hexagonale) déconsidérés par le décret du 24 septembre 1791 voire par le décret du 15 mai méritait son attention. Encore ne doit –on pas généraliser les limites des analyses girondines comme c’est régulièrment fait dans Agora Vox ou Révolution francaise-net. [84] Ainsi la Chronique de Paris de Condorcet a salué la révolte des esclaves, récusé, après vérification, des annonces d’atrocités de leur part [85], espéré timidment après la loi du 4 avril 1792 que leurs droits « ne soient pas complètement oubliés  [86] ». On sait aussi que Guadet a lu le 29 février 1792 un long discours de Garran-Coulon qui dans sa conclusion, à l’instar des Marat, envisageait la perspective d’une indépendance noire [87]. L’antiesclavagisme des Montagnards fut réel mais guère dissociable de celui des Girondins. En novembre 1791 Dubois- Crancé exalta les esclaves de Saint-Domingue dans un véritable portrait de nos législateurs, il choisit symboliquement la notice « Pétion ». L’Almanach du Pére Gerard par Collot d’Herbois contient une condamnation de l’esclavage. Il fut sélectionné en septembre 1791 au club des jacobins par un jury composé de de six membres dont quatre Amis des Noirs : l’abbé Grégoire, Condorcet, Lanthenas, Clavière. Les trois derniers seront girondins. Mais aussi un quatrième girondin, non membre de la société des Amis des Noirs, Jean Dussaulx, l’un des 73 sauvés par Robespierre le 2 octobre 1793. Le sixième enfin, Etienne Polverel, sera un des deux commissaires choisis par les Brissotins de l’Assemblée législative et du gouvernement jacobin de Louis XVI au printemps 1792 pour apporter à Saint-Domingue la loi du 4 avril. Quant à l’abolition de février 1794, si elle fut effectivement décidée par « la Convention montagnarde », après Thermidor elle fut activement défendue par un des survivants de la Gironde, Lanthenas qui cofonda à l’hiver 1795-1796 avec Grégoire et Garran-Coulon « la Société des Amis ds Noirs et des Colonies. »

Quant à Robespierre lui-même on peut confronter ses relativement rares prises de positions publiques, à d’autres plus rares encore, qui pourtant le rendirent populaires devant l’Histoire : l’octroi aux juifs de tous leurs droits en décembre 1789, l’abolition de la peine de mort en mai 1791, une seule fois chacune à la Constituante. Il n’est pas sûr même qu’il soit moins souvent intervenu en matière coloniale, que sur la question du droit de suffrage [88]. Face aux problèmes coloniaux de janvier à septembre 1791 il n’a pas été une occasion qu’il n’ait saisi pour s’informer, protester ou mettre en garde. Le Défenseur de la Constitution, constitue un autre point biographique clé. « Au nom de l’Humanité », loi du 4 avril 1792 et décret du 4 février 1794 ne faisaient pas forcément bon ménage. Il a tenté de s’en assurer en fin de vie. Mais par le silence obligé d’une enquête, il s’est interdit toute mise au point sur ses propos de novembre 1793. Cette impasse lui retombera dessus après sa mort.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE [89]

Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, Ed. La Découverte, 1987-2004.

  1. Marc Bouloiseau, Robespierre, Paris, PUF, Que-sais-je, 1987 (1956).
  2. Jean Bruhat, « Un retour aux sources : colonialisme et anticolonialisme au temps de Robespierre », La Pensée, n° 100, novembre-décembre 1961, p. 43-56.
  3. Florence Gauthier, « Périssent les colonies plutôt qu’un principe, de Jaucourt à Marx !en passant par Robespierre et Desmoulins », Périssent les colonies plutôt qu’un principe Contributions à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, 1789-1804 préface de Claude MEILLASSOUX Paris, Société des études robespierristes, 2002. Collection études révolutionnaires n°2, 117 p. (Florence Gauthier, dir.) p.91-103.
  4. Florence Gauthier (dir) Œuvres de Maximilien Robespierre, tome XI, Compléments, (1784-1794), Paris, Editions du Centenaire de la Société des études robespierristes, 2007.
  5. Henri Guillemin, Robespierre, politique et mystique, Paris, Seuil, 1987.
  6. Jean Massin, Robespierre, Paris, Alinéa, 1988.
  7. Albert Mathiez, Etudes sur Robespierre (1758-1794), Paris, Messidor/Ed. Sociales,1988 
  8. « Robespierre orateur », p. 36-57.
  9. « Notes de Robespierre contre les Dantonistes »
  10. Jean-Daniel Piquet :
    - L’émancipation des Noirs dans la Révolution francaise (1789-1795), Paris, Karthala, 2002 ( [90]).
    - « Robespierre et la liberté des Noirs en l’an II d’après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois », AHRF, n° 323, Janvier - Mars 2001, p.69-91. o
    - « Mise au point sur Robespierre et les bières flottantes », L’Incorruptible. Bulletin des Amis de Robespierre n° 78- 4e trimestre 2011, p. 5-6.
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  13. Gérard Walter, Maximilien de Robespierre, Paris, Gallimard, 1961 & 1989.
  14. Marc Bouloiseau, Robespierre, Paris, PUF, Que-sais-je, 1987 (1956).
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  16. Florence Gauthier (dir) Œuvres de Maximilien Robespierre, tome XI, Compléments, (1784-1794), Paris, Editions du Centenaire de la Société des études robespierristes, 2007.
  17. Henri Guillemin, Robespierre, politique et mystique, Paris, Seuil, 1987.
  18. Jean Massin, Robespierre, Paris, Alinéa, 1988.
  19. Albert Mathiez, Etudes sur Robespierre (1758-1794), Paris, Messidor/Ed.
    Sociales,1988
  20. « Robespierre orateur », p. 36-57.
  21. « Notes de Robespierre contre les Dantonistes »
  22. Robespierre, Ecrits, présentés par Claude Mazauric, Paris, Messidor/Editions sociales, 1989.
  23. Jean-Daniel Piquet :
    - « Robespierre et la liberté des Noirs en l’an II d’après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois », AHRF, n° 323, Janvier - Mars 2001, p.69-91.
    - L’Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala, 2002 [91].
    - « Mise au point sur Robespierre et les bières flottantes », L’Incorruptible. Bulletin des Amis de Robespierre n° 78- 4e trimestre 2011, p. 5-6.
    Gérard Walter, Maximlien de Robespierre, Paris Gallimard 1961 & 1989.

Jean-Daniel PIQUET
SER- APECE Paris I-Sorbonne


[1Bernard Gainot, « Robespierre et la question coloniale » dans Michel Biard et Philippe Bourdin, (dir) Robespierre, portraits croisés, Paris, Armand Colin, 2014 (2012), p. 79-94.

[2Ibidem p. 79

[3Id

[4Ibidem, p. 94.

[5Idem

[6Jean-Clément Martin, « Michel Biard et Philippe Bourdin (dir.), Robespierre. Portraits croisés ». Paris, Armand Colin, 2013, 288 p., n° 375-janvier mars 2014, p. 230-231.

[7Jean-Baptiste Le Cam, « Michel Biard et Philippe Bourdin (dir.), Robespierre. Portraits croisés Armand Colin, 2012, 288 p. » dans Cahiers d’histoire n° 121-Juillet décembre 2013.

[8Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), Paris, Karthala, 2002, troisième partie, « Le despotisme de la liberté en l’an II et en l’an III », p. 317-428.

[9Jean-Daniel Piquet, « Robespierre et la liberté des Noirs en l’an II d’après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois », AHRF, n° 323, Janvier-Mars 2001, p. 69-91.

[101 Bernard Gainot, art. cit., p. 93.

[11Œuvres de Maximilien Robespierre, Paris, Editions Le Miraval, 10 vols, 2000 (1912-1967) : Florence Gauthier (dir,) Œuvres de Maximilien Robespierre, tome XI, Compléments, (1784-1794), Paris, Editions du Centenaire de la Société des études robespierristes, 2007. B.Gainot reconnaît en notes avoir exclusivement consulté les Archives Parlementaires.

[12Hervé Leuwers, Robespierre, Paris, Fayard, 2014,

[13Cécile Obligi, Robespierre : la probité révoltante, Paris, Belin, coll. « Portraits », 2012,

[14Jean-Clément Martin, Robespierre : la fabrication d’un monstre, Paris, Perrin, 2016.

[15Dans deux numéros du Bulletin des Amis de Robespierre, disparus du Web du fait sans doute d’une procédure d’« Erreur 404 ». Voir également sa recension satirique du livre de Jean-Clément Martin., « Robespierre, la fabrication d’un médiocre », Révolution française .net, 4 décembre 2016. Réplique de JCément Marit 10 décembre 2016. Dans une réplique datée du 16 décembre 2016 J. C. Martin n’a pas contesté la critique documentaire relative au « périssent les colonies », qui aux yeux de ses contemporains, appartient le 13 mai 1791, à Robespierre et non à Dupont de Nemours ; encore moins à Camille Desmoulins qui la retranscrivit en tant que journaliste et en attribue la paternité à Robespierre : « L’ami Dupont qui parle comme Robespierre ».

[16Œuvres de Maximilien Robespierre … op. cit. tome VII, 768 p., p. 346-365 & 368-377.

[17Marc Bouloiseau, Robespierre, Paris, PUF, Que-sais-je, 1987, p. 56. Œuvres de Maximilien… p.16-18.

[18Moniteur Universel, tome VII, 13 janvier 1791, p. 99.

[19Florence Gauthier, « La Révolution française et le problème colonial : le cas Robespierre », AHRF n° 288, avril-juin 1992, p.169-192 ; Jean-René Suratteau, « La question coloniale à la Constituante » ; Florence Gauthier, « Réponse à J.-R. Suratteau », AHRF, Janvier-mars 1995, p. 33-38 & p.38-43 ; Jean- Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), op cit, chap. 2 & 3.

[20« Liste par ordre alphabétique de baillage et sénéchaussée de M.M. les députés de la majorité de l’Assemblée nationale vulgairement appelés le côté gauche ou les enragés se disant patriotes » 30 mars 1791 ; on y recense 624 députés.

[21Œuvres de Maximilien Robespierre tome VII, op cit. p.16 -18. Aucune d’elles ne signale l’intervention de Rewbell.

[22Le Patriote français n° 525-15 janvier1791 cité dans Œuvres de Maximilien Robespierre, op cit. tome VII.p. 16-18.

[23Marcel Dorigny, Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs 1789-1799 Paris, Editions de l’UNESCO, 1999.

[24Suzanne d’Huart, Brissot, La Gironde au pouvoir, Paris, Robert Laffont, 1986, p. 101.

[25Œuvres de Maximlien Robpesierre, op cit tome VII, p. 156-158.

[26{}Ibid. p.194-195.

[27Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, Ed. La Découverte, 1987. p.80-81.

[28Aimé Césaire, Toussaint-Louverture. La Révolution française et le problème colonial, Paris, éd. Présence Africaine, 1981, p. 106.

[29Archives Parlementaires tome 26 p. 46-47.

[30Voir aussi Florence Gauthier, « Périssent les colonies plutôt qu’un principe, de Jaucourt à Marx !

en passant par Robespierre et Desmoulins », Périssent les colonies plutôt qu’un principe Contributions à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, 1789-1804 préface de Claude MEILLASSOUX Paris, Société des études robespierristes, 2002. Collection études révolutionnaires n°2, 117 p. (Florence GAUTHIER, dir.) p.91-103. Dans sa réplique du 16 décembre J. C. Martin n’a pas contesté la critique documentaire relative au « périssent les colonies », qui aux yeux de ses contemporains, appartient bien, le 13 mai 1791, à Robespierre et non à Dupont de Nemours, et encore moins comme il l’ajoute à Camille Desmoulins qui n’était pas député et la retranscrivit seulement en qualité de journaliste. Aux yeux de Desmoulins « l’ami Dupont parla comme Robespierre. »

[31Œuvres de Maximilien Robespîerre, op cit tome VII p. 366-367 ; Jean Massin, Robespierre, Paris, Alinéa, 1988, p.54.

[32Œuvres de Maximilien Robespierre op cit tome VII p. 366.

[33Id.

[34Jean Bruhat, « Un retour aux sources : colonialisme et anticolonialisme au temps de Robespierre », La Pensée, n° 100, novembre-décembre 1961, p. 51 : « Il (Robespierre) s‘élève au club des Jacobins contre le racisme de ceux qui refusent l’égalité à des hommes parce qu’il a plu à l’Etre Suprême de mettre sur leur front une autre couleur ». 

[35Robespierre, Ecrits, présentés par Claude Mazauric, Paris, Messidor/Editions sociales, 1989, p.119. « Sur les mesures à prendre après la fuite du roi à Varennes », p. 118-121.

[36« Adresse de Maximilien Robespierre aux Français, juillet 1791 » ; Florence Gauthier (dir), Œuvres de Maximilien Robespierre, op cit tome XI, p. 354.

[37, Adresse de la Société des Amis des Noirs à l’assemblée nationale, aux villes maritimes, à toutes les villes de Province, à toutes les manufactures, aux colonies, à toutes les Sociétés des Amis de la Constitution 2ème édition préface d’ Etienne Clavière 10 juillet 1791.

[38Œuvres de Maximilien… tome VII, p. 708-719 & 727-743.

[39Jean Massin, Robespierre, op. cit,,p. 72.

[40Henri Guillemin, Robespierre, politique et mystique, Paris, Seuil, 1987, p. 69.

[41Gérard Walter, Maximlien de Robespierre, Paris Gallimard 1961 &1989 p. 132.

[42Œuvres de Maximilien Robespierre op cit. tome VII p. 711-712.

[43Aimé Césaire, Toussaint-Louverture. La Révolution française et le problème colonial, op. cit., p. 138-139.

[44Jean-Daniel Piquet, « Nouvelles pièces sur Robespierre et les colonies en 1791 » AHRF, Janvier-mars 2013, Numéro spécial Robespierre, n° 371, Sources,p. 187-194. Ce texte ne figure pas dans les Œuvres.

[451 Bernard Gainot, art. cit, p. 89.

[46Jean-Clément Martin, Robespierre, la fabrication d’un monstre, op. cit. p. 142.

[47Ibidem, p .161.

[48Œuvres de Maximilien Robespierre, op cit tome IV, Le Défenseur de la Constitution n° 3- 31 mai 1792 « Considérations sur l’une des principales causes de nos maux », p. 83 (79-99).

[49Ibid. p. 84.

[50Yves Benot, « Robespierre, les colonies et l’esclavage », dans Jean-Pierre Jessenne (dir), Les actes du colloque d’avril 1993, Robespierre, de la nation artésienne à la République et aux nations, Arras, 1994, p. 413-414.

[51Voir Jean - Daniel Piquet, « Problématiques autour de l’enjeu colonial dans la Révolution française (1789-1804) », DEA, d’Histoire Paris VIII-Saint- Denis, », octobre 1991, René Gallissot (dir), p. 36-37 ; « Les problèmes coloniaux dans les clivages de la vie politique française (1791-1794) , L’Arbre à Palabres, n°1, décembre 1994-janvier/février 1995, « Bicentenaire du 16 Pluviôse an II, 1794-1994 », p.10-11. L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) op cit p. 155 ; 9 Jean-Daniel Piquet, « art..cit » , p. 77.

[52J. P. Brissot, mémoires « réponse au rapport Amar » ; Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) op.cit. p. 283-284.

[53Œuvres de Maximilien Robespierreop cit tome IV,p. 84-87.

[54Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies , op cit., p. 100-101, 152-153.

[55Œuvres de Maximilien Robespierreop cit tome IV, p. 80-81.

[56Aimé Césaire, Toussaint – Louverture, op cit p. 189. Ami du Peuple, 12 décembre 1791.

[57Œuvres de Maximilien Robespierre, op cit …tome VIII, p. 460.

[58Yves Benot, « L’affaire Milscent », XVIIIe siècle, 1989, n°21, p.319-327.

[59Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies op.cit. Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795 op. cit  ; Sophie Piollet, Nathalie Piquionne, Delphine Roux, « Milscent créole, historien de la Révolution de Saint-Domingue 1790-1794 » dans Florence Gauthier (dir) Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! Contributions à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, 1789-1804, Paris, Société des Etudes Robespierristes, 2002, p. 23-42.

[60Œuvres de Maximilien Robespierre,.. ,op cit tome IX, p. 460-461.

[61Mirabeau, Les bières flottantes des négriers. Un discours non prononcé sur l’abolition de la traite des Noirs (novembre 1789-mars 1790), texte établi, présenté et annoté par Marcel DORIGNY, Saint-Etienne 1999, p. p. 71.

[62Réplique de JP Brissot à la première et dernière lettre de Louis-Marthe Gouy, défenseur de la traite des Noirs et de l’esclavage, 10 février 1791.

[63Jean-Daniel Piquet, « Mise au point sur Robespierre et les bières flottantes », L’Incorruptible. Bulletin des Amis de Robespierre n° 78- 4e trimestre 2011, p. 5-6.

[64Albert Mathiez, « Robespierre orateur », Etudes sur Robespierre (1758-1794), Paris, Messidor/Ed. Sociales, 1988, p. 55. Repris dans Florence Gauthier (dir) Œuvres de Maximilien. Robespierre,… tome XI, op. cit p. 395.

[65Œuvres de Maximilien. Robespierre op. cit tome IX cp. 463 & 469.

[66Ibidem, p. 455.

[67Journal des Jacobins tome IV, séance du 3 juin 1793.

[68Œuvres de Maximilien Robespierre op cit. tome IX, p. 543-544.

[69Yves Benot « Un antiesclavagiste kleptomane ? En marge de l’affaire Milscent », XVIIIe siècle, 1990, n° 22, p.295-300 ; Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795), op cit, p. 253-271.

[70Yves Benot, « Comment la Convention a-t-elle voté l’abolition de l’esclavage en l’an II ? » Révolutions aux colonies, 1993, p. 23.

[71Pétition de citoyens de couleur des colonies sur la conspiration et la coalition des Colons avec les Anglais, lue le 5 vendémiaire an III-26 septembre 1794.12 p., p.6.

[72Le Créole Patriote, 1er frimaire an II-21 novembre 1793. Art « colonies ». Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française,(1789-1795) op cit p. 301-302.

[73Claude Leborgne, Enfin la vérité sur les colonies, en réponse à Janvier Litté, homme de couleur, député à la Convention. A Paris, le 24 vendémiaire, l’an III (le 15 octobre 1794) de la République française ; une et indivisible. Le fils de Milscent signa la pétition.

[74Sur ce député voir Abel A. Louis, Janvier Littée, Martiniquais, premier député de couleur, membre d’une assemblée parlementaire française (1752-1820), Paris, L’Harmattan, 2013.

[75Yves Benot, La Révolution françaisee et la fin des colonies… op cit p. 166-167.

[76Idem.

[77Albert Mathiez, «  Notes de Robespierre conte les Dantonistes », Etudes sur Robespierre, op cit, p. 136 ; Florence Gauthier (dir,) Œuvres de Maximilien. Robespierre,… tome XI, op. cit p.441.

[78Débats entre les accusateurs et les accusés dans l’affaire des colonies, Paris, an III, 9 volumes, janvier-août 1795.

[79Florence Gauthier, « Inédits de Belley, Mills et Dufaÿ, députés de Saint-Domingue, de Roume et du Comité de salut public, concernant le démantèlement du réseau esclavagiste en France (février-mars 1794) », AHRF, n° 302, octobre - décembre 1995, pp. 607-611.

[80Débats entre les accusateurs et les accusés dans l’affaire des colonies,, op cit, tome 2, p. 282-283 ; 9 Jean-Daniel Piquet art cit, p. 83.

[81Papiers inédits...trouvés chez Robespierre, Saint-Just, Payan, etc., Paris, 1824, 2 vols, tome 1, pp. 376-378. B.H.V.P. 8 H 92.

[82A propos des votes contre la traite des Noirs en mars 1790, et du plan d’abrogation proposé par Pétion en avril on peut lire « Mais où est donc passé Robespierre ? » dans Jacques Thibau, Le temps de Saint-Domingue, l’esclavage et la Révolution française, Paris, Jean-Claude Lattès, 1989 p. 178.

[83Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) op.cit

[84Voir les notices de Florence Gauthier.

[85Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, op. cit,. p.150-151.

[86Ibidem. p.146-147.

[87Ibidem, p. 193.

[88On peut décompter dans le tome VII, environ 70 pages de texte, consacrées entièrement aux colonies.

[89Ne figurent ici que les principaux travaux utilisés dans l’article et absents de la notation ou de la bibliographie de l’article de Bernard Gainot.

[90(?) Les correcteurs de l’article de Bernard Gainot ont certes cité l’ouvrage mais en ont tronqué la référence (note 22 p. 276), Deux errata s’imposeraient en cas de nouvelle édition. En premier lieu le titre coupé Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs…(p 317-328), n’a pas été répertorié dans la « bibliographie indicative » p. 284 comme la note 1, p. 275, en avait informé le lecteur dans un tel cas de figure. En second lieu on ne sait pas si la pagination indiquée concerne un chapitre (p. 317-331) ou plus probablement une partie (p. 317-428).

[91L’ouvrage figure incomplètement et incorrectment dans la notation et la bibliographie de l’article de Bernard Gainot sans l’édition et l’année de parution du livre ou sa référence complète dans la « bibliographie indicative » comme c’était annoncé en note 1. En outre la pagination est fautive : p.317-328 au lieu de 317-428.