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Albert Marius Soboul historien de la Révolution Francaise 27.4.1914 – 11.9.1982 : 40 ans déjà !
jeudi 25 août 2022
27.4.1914 – 11.9.1982 [1] : 40 ans déjà !
- Albert Soboul
- Portrait d’ALBERT SOBOUL. S.L , S.D.
Cote : 97FI/612538 A1
Mémoires d’Humanité/Archives départementales de la Seine-Saint-Denis. Droits réservés.
Négatif noir et blanc, carré 06 X 06 cm.
« L’histoire de la Révolution française ne sera jamais achevée, ni jamais totalement écrite. De génération en génération, à mesure que se déroulera l’histoire qu’elle a pour sa part rendue possible, elle ne cessera de susciter la réflexion des hommes. Et aussi leur enthousiasme [2]. » (Albert Soboul) (2)
C’est en lisant le journal « Le Monde » le 14 septembre 1982, que nous découvrîmes ces lignes nécrologiques qui nous attristèrent profondément. L’abattement suivit le choc puis la tristesse. En les relisant aujourd’hui, nous pouvons constater, bel hommage, qu’elles font cependant le rapprochement entre l’historien et la Commune de Paris de 1871 :
« Spécialiste de l’histoire de la Révolution française, professeur à l’université Paris I-Sorbonne et communiste, Albert Soboul est mort vendredi 10 septembre. Il était âgé de soixante-huit ans.
Ses obsèques auront lieu mercredi 15 septembre au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Un hommage lui sera rendu à 11 heures au Mur des fédérés [3]. » (3)
Durant les années 1970, un seul historien nous faisait vibrer et même rêver : Albert Soboul ! Nous étions jeune militant politique, fasciné par l’histoire des révolutions, bien plus, reconnaissons-le, que par l’école, et nous dévorions ses ouvrages. Le nom de Soboul nous remplissait de respect et d’admiration. Nous connaissions pourtant peu l’immensité de son œuvre et encore moins sa personne. Mais nous savions qu’il était là, tout là-haut, à la Sorbonne avec Robespierre et les sans-culottes ! Et qu’il était communiste et cela renforçait encore notre attachement pour lui. Avec le temps, plus de quarante après, cette affection profonde s’est encore accrue.
On le disait « sulfureux [4] » (4), pouvant déclarer à son ami Claude Mazauric : « N’oublie jamais le siège de Leningrad et la victoire de Stalingrad [5]. » (5)
Il fut fidèle à son « engagement de jeunesse qu’il n’a jamais renié [6]. » (6) Et la fidélité à ses convictions humanistes et progressistes est aussi selon nous un gage de constance, de droiture et une valeur. Ce n’est pas si courant, disons-le, en nos temps actuels troublés et incertains.
Lors de sa disparition, Maurice Aguhlon publia dans « Le Monde » un article important où il analyse non seulement l’œuvre mais l’homme Soboul :
« Il reste à dire ce qu’il était, homme de franchise et de caractère, capable de colère et incapable de rancune, généreux, serviable et cordial. Son image personnelle comme son œuvre écrite ne laisseront que des regrets [7]. » (7)
Ses anciens étudiants en ont dressé un portrait saisissant et émouvant :
« Cet homme marqué par le Front populaire et la Résistance, qui se défie des appareils, a un attachement quasi-sentimental pour la démocratie de base. C’est sa fibre sans-culotte, qu’il fait parfois vibrer jusqu’au mimétisme : prof qui tutoie ses élèves et qui « casse sa croûte » le plus simplement du monde, dans sa cuisine, avec les innombrables visiteurs qu’il reçoit. Et, au-delà, ses colères, le verbe haut et direct, sa rudesse et sa chaleur. Les larmes peuvent lui venir en public, quand il rend compte, par exemple, des témoignages sur le renversement du gouvernement Allende [8]. » (8)
- Albert Soboul dédicace un ouvrage lors de la 7e vente du livre marxiste organisée rue jean-Pierre Timbaud à la Maison des Métallos. Paris (75) rue Jean-Pierre Timbaud, 11e arrondissement, 17 mars 1962.
Cote : 97FI/622088 A5
Il possédait « cette générosité fraternelle qui le fit se dépenser sans compter pour aider tous les opprimés du monde, notamment les amis et collègues chiliens exilés après 1973 [9]. » (9)
Et effectivement, sa participation au Front populaire et son engagement dans la Résistance le marquent à jamais. Ils sont sa grandeur ! Homme du Sud, né en Algérie, il participa à la manifestation patriotique interdite du 14 juillet 1942 à Montpellier et sera révoqué de son poste d’enseignant d’histoire par Vichy.
Une notice biographique publiée à sa mort relate les différentes facettes d’une vie cohérente entièrement tournée vers ses engagements multiples en faveur de valeurs humanistes :
« Né en 1914 en Algérie, orphelin de guerre et pupille de la nation, Albert Soboul a passé son enfance à Nîmes. Après ses études qu’il fit notamment au lycée Louis-le-Grand à Paris, il obtint l’agrégation en 1938.
Démobilisé et professeur à Montpellier, il fut arrêté lors de la manifestation du 14 juillet 1942 et révoqué par le gouvernement de Vichy.
Professeur à l’université de Clermont-Ferrand, puis à la Sorbonne depuis 1967, Albert Soboul est l’auteur d’une œuvre importante dans la tradition historique de la Révolution française incarnée précédemment par Albert Mathiez et Georges Lefebvre, dont il fut le disciple et l’ami.
Son « Précis d’histoire de la Révolution française », paru en 1962 aux Éditions Sociales, est devenu un classique. Sa thèse, publiée en 1958 à la librairie Clavreuil, sur les Sans-Culottes parisiens en l’an II est également considérée comme un ouvrage magistral [10]. » (10)
« Il faut se pencher sur la personnalité de cet historien peu ordinaire [11]. » (11) Historien des sans-culottes, il le fut effectivement grâce à une thèse monumentale, qui sera ensuite rééditée notamment dans des formats abrégés accessibles à tous.
Maurice Agulhon l’analyse ainsi :
« Son œuvre majeure restera sa thèse soutenue et publiée en 1957 sur les sans-culottes parisiens en l’an II et l’analyse de ce petit peuple qui a été pendant environ deux années, de la chute de la monarchie à celle de Robespierre, le principal acteur collectif de la Révolution, donc une grande page d’histoire sociale. […] On retiendra de ce grand livre l’analyse de la composition de classe de la sans-culotterie ( le monde de l’échoppe et de la boutique, un amalgame de petits patrons, d’artisans et de leurs compagnons), l’étude fouillée, sensible, pittoresque de son comportement et ses rites [12]. » (12)
- Journal l’Humanité, Réception au journal : RENE ANDRIEU, JEAN BRUHAT,
JEAN MASSIN et ALBERT SOBOUL lors d’une interview enregistrée, un microphone est posé sur la table, dans le cadre de l’enquête intitulée « Qui êtes-vous Maximilien Robespierre ? » à l’occasion de l’émission télévisée de Stellio Lorenzi et Alain Decaux « La Terreur et la Vertu ». Paris (75) 6 boulevard Poissonnière, 9° arrondissement, 18 octobre 1964.
Cote : 97FI/640232 A1
Indubitablement cette thèse fit date et marqua l’histoire de la Révolution française. Michel Vovelle rendit hommage à ce grand livre ainsi : « Ce que nous a démontré Soboul, magistralement, c’est bien que l’alternative histoire politique ou histoire sociale de la Révolution est d’évidence un faux problème : car toute histoire de la Révolution ne peut être que politique et sociale à la fois. […] Il a fait entrer les masses parisiennes sur la scène d’une histoire totale de la Révolution : c’est un mérite que personne ne saurait lui contester [13]. » (13)
L’œuvre de Soboul s’étale sur quarante-cinq ans, de 1937 à 1982. Le recensement exhaustif de sa bibliographie établie par Françoise Brunel est impressionnant ! Ce sont 311 titres qui se décomposent en 29 ouvrages, 200 articles et études, plus des glanes, comptes-rendus et notices [14]. (14)
Parmi ses ouvrages se distingue son classique « Précis de la Révolution française » constamment réédité et traduit dans de nombreuses langues, puis ses trois volumes publiés plus tardivement « La Civilisation et la Révolution française » Il rédigea trois « Que sais-je ? » ( La Révolution française, Le Directoire et le Consulat, Le Premier Empire), de nombreux livres consacrés à la paysannerie, et plusieurs ouvrages de référence comme « 1789 l’an I de la liberté », « Le procès de Louis XVI ».
Il se consacra également à la publication de sources et de textes, inventaires et documents, éditions critiques. Ainsi les écrits de nombreux révolutionnaires ( Robespierre bien sûr, Saint-Just, Babeuf, Hébert, Grégoire, Cloots, Desmoulins) furent édités par sa volonté. Il en est de même sur plusieurs écrits d’auteurs philosophiques du XVIIIe siècle.
Il contribua surtout à l’élaboration et à la publication des cinq volumes des discours des œuvres complètes de Robespierre, étalées entre 1950 et 1967.
En 1986, les Éditions Sociales sélectionnèrent dans un ouvrage « Portraits de révolutionnaires » plusieurs de ses articles biographiques consacrés à onze révolutionnaires de renom.
Il veilla également à la réédition des œuvres principales de Georges Lefebvre, son prédécesseur à la Sorbonne, dont sa thèse consacrée aux « Paysans du Nord pendant la Révolution française. »
Une attention particulière est à faire sur la réédition soignée et annotée de « L’histoire socialiste de la Révolution française » en 6 volumes de Jean Jaurès, que Soboul publia de 1968 à 1973.
L’historiographie de la Révolution est également un champ majeur de l’œuvre de Soboul et il s’opposa à de nombreuses tentatives révisionnistes de l’histoire. Il fut un défenseur et un combattant de l’histoire ! Michel Vovelle, qui lui succéda notamment à la Sorbonne, disait de lui : « Albert Soboul assume un devoir civique autant que scientifique, c’est un combattant de la cause de la Révolution française, une vocation intimement liée à son engagement personnel [15]. » (15)
En 1968, dans un ouvrage publié juste avant les grèves de mai, Soboul fit l’éloge de la République de l’an II, la seule finalement restée dans l’histoire, porteuse d’exemplarité et d’espoir :
« Au regard de l’histoire, la Ire République demeure celle de 93.
Malgré l’échec final, la tentative de l’an II a revêtu, depuis cent cinquante ans et plus, valeur prophétique d’exemple. Fille des lumières, elle apparaît comme un immense effort pour organiser la nation sur des fondements plus rationnels et plus équitables. Mais ce serait mutiler l’histoire que d’oublier que l’enthousiasme et la foi présidèrent aussi à ce douloureux enfantement d’une société nouvelle : ils animaient les combattants du 10 août, ceux de Valmy, de Jemmapes et de Fleurus. Quatre-vingt-treize demeure le symbole des luttes pour la liberté et pour l’indépendance. Ainsi s’explique que se maintient toujours vivant, dans la conscience des hommes de notre siècle, l’exaltant souvenir de l’Indivisible [16]. » (16)
- Extrait de dédicace d’Albert Soboul sur le livre suivant : « Contributions à l’histoire paysanne à la révolution française sous la direction d’Albert Soboul, éditions sociales, 1977. » datée du 1er avril 1979.
En 1981, il publia une synthèse de ses convictions historiographiques dans un livre d’articles divers au titre explicite : « Comprendre la Révolution. Problèmes politiques de la Révolution française. »
Durant ses dernières années de ce début des années 80, il présentait ainsi ses analyses finales sur l’épisode révolutionnaire :
« Ainsi, au témoignage même des hommes qui ont vécu et mené le combat révolutionnaire, la révolution apparaît comme un processus plus ou moins long impliquant bouleversement et mutation, destruction et reconstruction. L’Ancien Régime doit être détruit jusque dans ses fondements, pour que sur des bases nouvelles soit construite la cité de l’avenir. La violence accouche de l’histoire au travers des luttes des classes [17]. » (17)
Il s’opposa aux thèses fallacieuses de Furet et présenta les enjeux idéologiques de la Révolution ainsi :
« Il n’y eut pas en 1789 trois révolutions, mais une seule, bourgeoise et libérale, à soutien populaire, particulièrement paysan. Il n’y eut pas dérapage de la Révolution de 1792 à 1794, mais volonté de la bourgeoisie révolutionnaire de maintenir la cohésion du Tiers-État grâce à l’alliance avec les masses populaires, sans l’appui desquelles l’acquit de 1789 eût été à jamais compromis. L’an II ne fut pas un « temps de détresse », mais un moment de radicalisation nécessaire pour assurer la victoire sur la contre-révolution et la coalition, et donc la victoire de la révolution bourgeoise [18]. (18)
La Révolution française reste le triomphe de la bourgeoisie sur l’Ancien Régime : « La Révolution marque l’avènement de la société bourgeoise et capitaliste dans l’histoire de la France. Sa caractéristique essentielle est d’avoir réalisé l’unité nationale du pays par la destruction du régime seigneurial et des ordres féodaux privilégiés [19]. (19)
Claude Mazauric put écrire que « L’œuvre d’historien de Soboul a fait l’objet d’appréciations généralement élogieuses et plus qu’admiratives. Ceux qui ont combattu l’homme et refusé ses interprétations n’ont jamais pu mettre en défaut sa science ou son érudition [20]. » (20)
Dans un article d’octobre 1982 Jean Bruhat lui rendait un vibrant hommage : « Soboul n’est plus. Mais son nom est inscrit dans la liste de ceux qui ont consacré leur vie à l’étude de la Révolution française. […] Rien de ce qui concernait la Révolution n’a échappé à l’attention de Soboul. Même si par prudence il n’a pas toujours conclu, il a ouvert des pistes dans lesquelles les chercheurs s’engagent [21]. » (21)
« Il était comme fasciné par Robespierre. » (Claude Mazauric [22]) (22)
Soboul s’est beaucoup investi dans les recherches concernant Robespierre. Après plusieurs articles, l’édition complète de ses discours ( dont le dernier volume sortit en 1967 coordonné par Soboul), l’organisation d’un colloque international à Vienne en 1965, il constata enfin avec satisfaction que « La figure de Robespierre peu à peu se dégage de la gangue de préjugés et de calomnies qui longtemps l’ont déformée. […] Il semble bien qu’un large accord se soit fait, non sans nuances sans doute, pour restituer à Robespierre son véritable personnage et sa place réelle dans la Révolution française [23]. » (23)
Héritier de Mathiez et de Lefebvre, Soboul appréciait Robespierre. Il lui reconnaissait de nombreux mérites.
« Robespierre ne se borna pas à combattre les privilégiés et l’aristocratie, à réclamer la libération de tous les opprimés, juifs, comédiens, hommes de couleur des colonies. Il fut aux yeux du peuple, dès 1789, le représentant authentique de la démocratie politique [24]. » (24) Dès la Constituante, son rôle dans la Révolution est majeur : « Tous les grands problèmes abordés à la Constituante le ramenèrent à la tribune : organisation de l’État ou du clergé, organisation judiciaire, organisation des gardes nationales, problèmes coloniaux...Chaque fois, Robespierre apparut comme le défenseur conséquent des droits du peuple [25]. » (25)
D’ailleurs, dès sa jeunesse « Robespierre a conçu, de sa valeur intellectuelle et morale, une haute idée et il s’est confirmé dans ce principe que le privilège de la naissance ni celui de l’argent ne sauraient être la mesure des droits des citoyens : le principe fondamental de la démocratie politique et sociale lui était en quelque sorte inné [26]. » (26)
Même ses plus farouches ennemis ne purent contester l’intégrité totale de Robespierre, le seul à mériter le titre d’Incorruptible : « Un point, cependant, est toujours resté hors de débat : au regard de l’histoire, pour ses ennemis comme pour ses amis, Robespierre fut et demeure l’Incorruptible, seul parmi nos hommes politiques depuis bientôt deux siècles, à avoir mérité ce titre [27]. » (27)
- Journal l’Humanité, Réception au journal : RENE ANDRIEU, JEAN BRUHAT,
JEAN MASSIN et ALBERT SOBOUL lors d’une interview enregistrée, un microphone est posé sur la table, dans le cadre de l’enquête intitulée « Qui êtes-vous Maximilien Robespierre ? » à l’occasion de l’émission télévisée de Stellio Lorenzi et Alain Decaux « La Terreur et la Vertu ». Paris (75) 6 boulevard Poissonnière, 9° arrondissement, 18 octobre 1964. Cote :97FI/640232 A3
Robespierre est l’homme de tous les combats démocratiques. Extrêmement lucide, Il craignit la confiscation de la Révolution par le pouvoir militaire en raison de la guerre qu’il combattit de toutes ses forces : « L’évolution vers le pouvoir personnel était en germe depuis que la Révolution avait été lancée dans la guerre ; Robespierre l’avait prédit dès janvier 1792 [28]. » (28)
Dans son célèbre Précis, Albert Soboul consacre au Robespierre de 1793, celui du gouvernement révolutionnaire, ses lignes les plus enthousiastes et les plus louangeuses : « Robespierre, par sa réputation révolutionnaire, imposa la politique du Comité à la Convention et aux Jacobins. Clairvoyant et courageux, éloquent, désintéressé, l’Incorruptible ( le seul homme de notre histoire à avoir mérité ce qualificatif) avait la confiance des sans-culottes. Attaché aux principes, il sut cependant se plier aux circonstances et manœuvrer en homme d’État [29]. » (29) « Clairvoyant entre tous, la ligne générale de la révolution ne lui échappe pas [30]. » (30)
Robespierre demeure cependant un homme d’action, celui du gouvernement révolutionnaire : « Apôtre de la démocratie politique, initiateur de la démocratie sociale : ces deux aspects de la pensée et de l’action de Robespierre ne peuvent donner qu’une idée imparfaite de son rôle historique. Robespierre fut essentiellement l’homme du Gouvernement révolutionnaire [31]. » (31)
« Robespierre périt victime des contradictions de son temps et de ses contradictions propres. » (Albert Soboul [32]) (32)
Ses travaux pionniers et « La sympathie de Soboul pour le mouvement sans-culotte [33] » (33) l’incitèrent à se pencher particulièrement sur les raisons de l’élimination des enragés et plus encore sur les hébertistes de la Commune de Paris en germinal an II. « Le drame de germinal fut décisif [34]. » (34)
Replaçant la révolution dans sa dimension bourgeoise, Soboul conclut que Robespierre et le jacobinisme pensaient vaincre grâce à une alliance avec le peuple sans-culotte, mais ils furent pris dans des contradictions insurmontables qui les dépassèrent : « Le gouvernement révolutionnaire se coupa des masses et bientôt apparu comme suspendu dans le vide [35]. » (35)
La personnalité même de Robespierre est complexe et ne facilitait pas les compromis : « Sévère, pour les autres comme pour lui-même, se liant peu [36]. » (36)
Soboul en historien de son époque, pensait Robespierre en retrait dans les domaines économiques et sociaux, resté peut-être trop idéaliste : « Robespierre croyait en la toute puissance des idées et des appels à la vertu [37]. » (37) « Il est resté désarmé devant les réalités économiques et sociales de son temps [38]. » (38) Selon Soboul, attaché aux idées marxistes de transformation de la société par les luttes de classes constituées, le 9 thermidor devenait inévitable en raison d’ « une assise sociale formée d’éléments divers et contradictoires donc dépourvus de conscience de classe [39]. » (39) Soboul analysa cet échec ainsi : « Les efforts de Robespierre et de Saint-Just en vue d’une rénovation sociale qui attacherait irrémédiablement le peuple à la Révolution, demeurèrent vains. Ils se heurtèrent à l’indifférence des masses désorientées, à l’hostilité déclarée de la bourgeoisie, à des contradictions qu’in n’était pas en leur pouvoir de surmonter [40]. » (40)
Finalement, le grand drame du gouvernement révolutionnaire fut d’encadrer les sans-culottes parisiens et d’éliminer leurs chefs populaires pour les remplacer par des hommes proche du pouvoir conventionnel. Jean Bruhat associe ce « drame de la Révolution » à celui qu’a pu vivre lui-même Soboul : « On a comme le sentiment qu’historien Soboul a vécu personnellement ce drame. Certes, conventionnel, il eût sans doute siégé aux côtés de Robespierre mais il aurait aussi le soir, fréquenté les réunions des sections et des sociétés populaires [41]. » (41)
Historien de son temps, Albert Soboul n’abandonna jamais sa sympathie et son admiration à l’égard de Robespierre, mais, comme ses illustres prédécesseurs, Albert Mathiez et Georges Lefebvre, il n’a pas voulu, ou pu, rédiger de grande biographie de Robespierre. Soboul concluait ainsi : « L’histoire objective de Robespierre n’a point été écrite dans toute son ampleur [42]. » (42) Depuis cette assertion, de nombreuses biographies ont été publiées. « L’histoire objective de Robespierre » qu’appelait de ses vœux Soboul est-elle donc réellement écrite désormais ?
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Voir en ligne : Lhommage de Françoise Brunel
[1] Inscription sur la sépulture d’Albert Soboul, cimetière du Père Lachaise, Paris.
[2] Claude Mazauric, Sur la Révolution française Contributions à l’histoire de la révolution bourgeoise, Éditions Sociales, 1970. (Réédition, 1988.) Avant propos par Albert Soboul, p. 9.
[3] Le Monde, 14 septembre 1982, p. 1.
[4] Formulaire de commande de la biographie d’Albert Soboul : Claude Mazauric, Soboul Un historien en son temps, Éditions d’Albret, 2003.
[5] Claude Mazauric, Soboul Un historien en son temps, Éditions d’Albret, 2003, p. 48.
[6] Claude Mazauric, D’histoire et d’historiens, Éditions Hermann, 2021. Pour Albert Soboul ( 1914-1982), p. 195-205
[7] Le Monde, 14 septembre 1982, p. 6.
[8] Olivier Bétourné et Aglaia I. Hartig, Penser l’histoire de la Révolution Deux siècles de passion française, Éditions La Découverte, 1989. p. 81.
[9] Claude Mazauric, D’histoire et d’historiens, op. cit.
[10] Le Monde, 14 septembre 1982, p. 6.
[11] Olivier Bétourné et Aglaia I. Hartig, op. cit., p. 79.
[12] Le Monde, 14 septembre 1982, p. 6. Maurice Agulhon : L’historien des sans-culottes.
[13] Michel Vovelle, Combats pour la Révolution française, Éditions La Découverte, 1993. Albert Soboul historien de la Société, p. 60.
[14] Albert Soboul, La révolution française, Gallimard, 1984 (Réédition 1987) Bibliographie de l’œuvre d’Albert Soboul par Françoise Brunel, p. 17-41.
[15] Michel Vovelle, op. cit., La galerie des ancêtres, p. 13-23
[16] Albert Soboul, La Ire République (1792-1804), Calmann-Lévy, 1968, p. 344.
[17] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. « Qu’est-ce que la Révolution ? » (1981), p. 588.
[18] Albert Soboul, La civilisation et la Révolution française, Arthaud, 1983 (Réédition 1988), p. 40.
[19] Albert Soboul, La Révolution française, Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, 1965 (Réédition 1967), p. 5.
[20] Claude Mazauric, Soboul Un historien en son temps, Éditions d’Albret, 2003, p. 94.
[21] Jean Bruhat : Nécrologie Albert Soboul (1914-1982). Dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine, année 1982, tome 29, n° 4, octobre-décembre 1982, pp. 673-679.
[22] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, Éditions Sociales/Messidor, 1986. Avant-propos de Claude Mazauric, p. 12.
[23] Actes du colloque Robespierre XIIe Congrès international des Sciences historiques ( Vienne, 3 septembre 1965), Avant-propos par Albert Soboul, CNRS- Société des Études Contre-terroristes, 1967, p. XI.
[24] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, Éditions Sociales/Messidor, 1986. « Robespierre ou les contradictions du jacobinisme », p. 222-242. Il s’agit du texte d’une conférence prononcée par Soboul devant l’Assemblée générale de la Société des études robespierristes le 11 décembre 1977 à la Sorbonne (salle Liard). Le texte de la conférence a d’abord été édité dans les Annales Historiques de la Révolution française n° 281, 1978.
[25] Ibid.
[26] Ibid.
[27] Ibid.
[28] Albert Soboul, La Ire République (1792-1804), Calmann-Lévy, 1968, p. 343- 344.
[29] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. p. 307-308.
[30] Albert Soboul, La civilisation et la Révolution française, op. cit. p. 10.
[31] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, op. cit. « Robespierre ou les contradictions du jacobinisme », p. 222-242.
[32] Ibid.
[33] Journal d’exposition, Musée de la Révolution française de Vizille : Albert Soboul, 1914-1982, historien de la Révolution française, 2005. p. 3, Maurice Agulhon : l’historien des Sans-culottes.
[34] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. p. 352
[35] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, op. cit. « Robespierre ou les contradictions du jacobinisme », p. 222-242.
[36] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. p. 373.
[37] Op. cit., p. 371.
[38] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, op. cit. « Robespierre ou les contradictions du jacobinisme », p. 222-242.
[39] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. p. 382-383.
[40] Albert Soboul, La révolution française, op. cit. p. 250.
[41] Jean Bruhat, op. cit.
[42] Albert Soboul : Portraits de Révolutionnaires, op. cit. « Robespierre ou les contradictions du jacobinisme », p. 222-242.