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Décembre : Le procès du roi, la comparution de Louis Capet …

Ça s’est passé en décembre 1792

jeudi 12 décembre 2019

Ça s’est passé en décembre 1792 : le procès du roi, la comparution de Louis Capet …

La salle était comble ce 11 novembre 1792, l’une des grandes journées du procès : le roi accusé comparaissait à la barre de la Convention.

Procès-verbal de la translation de Louis XVI à la Convention rédigé par la Commune de Paris. Au début de la séance, Barbaroux donne lecture de l’acte énonciatif des charges : c’était le rapport de Lindet, en forme de questionnaire.

Marat critique, l’acte énonciatif : « Je vous invite à réduire les chefs d’accusation à un petit nombre, parce que ceux sur lesquels les preuves ne seraient pas évidentes, affaibliraient ceux sur lesquelles elles sont victorieuses. Je vous invite à faire ce choix-là . » L’acte d’accusation présenté par Barbaroux est cependant adopté.

Barère préside. Un profond silence règne dans l’Assemblée quand le roi paraît à la barre.

Michelet écrit : « Un homme comme tant d’autres, qui semblait un bourgeois, un rentier, un père de famille, l’air simple, un peu myope, d’un teint pâli déjà par la prison et qui sentait la mort. »

Louis XVI, résolu à se défendre, s’abrite derrière la Constitution pour les faits antérieurs à septembre 1791. pour l’époque qui suit, il se retranche derrière la responsabilité de ses ministres. Sur ses relations avec les émigrés, il se contente de nier.

Interrogatoire de Louis Capet

Le président. - « Représentants, vous allez exercer le droit de justice nationale ; vous répondez à tous les citoyens de la République de la conduite ferme et sage que vous allez tenir dans cette occasion importante.
L’Europe vous observe. L’histoire recueilli vos pensée, vos actions. L’incorruptible postérité vous jugera avec une sévérité inflexible. Que votre attitude soit conforme aux nouvelles fonctions que vous allez remplir. L’impassibilité et le silence le plus profond conviennent à des juges. La dignité de votre séance doit répondre à la majesté du peuple français. Il va donner par votre organe une grande leçon aux rois, et un exemple utile à l’affranchissement des nations.

Citoyens des tribunes, vous êtes associés à la gloire et à la liberté de la nation dont vous faites partie. Vous savez que la justice ne préside qu’aux délibérations tranquilles. La Convention nationale se repose sur votre entier dévouement à la patrie, et sur votre respect pour la représentation du peuple. Les citoyens de Paris ne laisseront pas échapper cette nouvelle occasion de montrer le patriotisme et l’esprit public dont ils sont animés. Ils n’ont qu’à se souvenir du silence terrible qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les nations. »

Louis entre à la barre, un profond silence règne dans l’assemblée.

Le président.- « Louis, la nation française vous accuse. L’assemblée nationale a décrété, le 3 décembre, que vous seriez jugé par elle ; le 6 décembre elle a décrété que vous seriez conduit à la barre. On va vous lire l’acte énonciatif des délits qui vous sont imputés. Vous pouvez vous asseoir.
Louis, le peuple français vous accusait d’avoir commis une multitude de crimes, pour établir votre tyrannie en détruisant sa liberté. Vous avez, le 20 juin 1789, attenté à la souveraineté du peuple, en suspendant les assemblées de ses représentants, et en les repoussant par la violence du lieu de leurs séances. La preuve en est dans le procès-verbal dressé au jeu de Paume de Versailles par les membres de l’assemblée constituante. Le 23 juin, vous avez voulu dicter des lois à la nation, vous avez entouré de troupes ses représentants, vous leur avez présenté deux déclarations royales réversives de toute liberté, et vous leur avez ordonné de se séparer. Vos déclarations et les procès-verbaux de l’assemblée constatent ces attentats. Qu’avez-vous à répondre ?

Louis.- Il n’existait pas de lois qui me l’empêchaient.

Le président.- Vous avez fait marcher une armée contre les citoyens de Paris. Vos satellites ont fait couler le sang de plusieurs d’entre eux, et vous n’avez éloigné cette armée que lorsque la prise de la Bastille et l’insurrection générale vous ont appris que le peuple était victorieux. Les discours que vous avez tenus les 9, 12 et 14 juillet aux diverses députations de l’assemblée constituante, font connaître quelles étaient vos intentions, et les massacres des Tuileries déposent contre vous. Qu’avez-vous à répondre ?

Louis.- J’étais le maître de faire marcher des troupes dans ce temps-là ; mais je n’ai jamais eu l’intention de répandre du sang… etc… »

Les actes d’accusation se poursuivent et le président en vient aux intrigues avec les puissances étrangères, aux négligences dans les préparatifs de défense, aux menées contre-révolutionnaires. A toutes les questions, Louis XVI oppose les mêmes dénégations. On en arrive au 10 août 1792, Louis XVI poursuit la même défense. Le 15 et le 20 décembre, les commissaires de la Convention présentèrent à Louis XVI les documents qui ne lui avaient pas été communiqués à la barre, lors de sa comparution. Il persista dans son système. Le 22 décembre, on annonça à la Convention, la découverte dans l’appartement du valet de chambre du roi, d’un trousseau de cinq clefs, avec cette inscription : « clefs que le roi m’a remises aux Feuillants le 12 août 1792. »

Le 26 décembre on annonça que l’une des clefs ouvrait l’armoire de fer. La Convention fixa au 26 la date de la prochaine comparution du roi à la barre. Malesherbes et Tronchet demandent le concours d’un avocat supplémentaire et se plaignent du court délais fixer pour la défense du roi.

Tandis que se déroulaient les débats de la Convention, de multiples adresse et pétitions affluaient à la Convention. De simples citoyens envoient leurs observations, leurs réflexions, leurs opinions.

Le 27 décembre 1792, les positions de la Gironde et de la Montagne s’affirment. L’argumentation girondine porte désormais sur deux points : l’appel au peuple, et le risque de soulever par la mort du roi, toute l’Europe contre la Révolution.

L’appel au peuple était contraire au principe du régime représentatif comme à celui du pouvoir constituant. Sur le plan politique, il ne présentait que des inconvénients. Si, la Convention se prononçant pour la mort du roi, le peuple ratifiait cette condamnation, le danger extérieur demeurait identique ; s’il cassait la sentence, l’autorité de l’Assemblée était à jamais anéantie.

La difficulté était telle que les Girondins ne s’accordaient pas sur les modalités de l’appel au peuple : tant la Gironde était désunie et incapable d’une action concertée.

Coren-Fustier (Girondin), représentant de l’Ardèche, dévoile en deux phrases, le 31 décembre 1792, le but de la manœuvre : « Mon opinion consiste dans cette proposition simple. Les sections de Paris ont cherché à influencer la Convention par des pétitions : pour que cette influence ne soit pas reprochée, il faut que la nation soit consultée. »

La position Montagnarde fut exposée par Saint-Just et Lequinio le 27 décembre 1792, par Robespierre le 28, par jean Bon Saint-André le 1er janvier 1793, le Girondin Cara, représentant de Saône-et-Loire, soutien la même thèse. L’argumentation Montagnarde repose essentiellement sur des considérations de défense intérieure et extérieure. La guerre reprenant au printemps, la République va-t-elle se trouver agitée par le procès du roi porté devant 44 000 assemblées primaires ?

Selon Brissot, Bizot et Vergniaud, la mort de Louis XVI entraînerait la rupture avec l’Angleterre et l’Espagne : étrange argumentation de la part de ceux qui, en avril 1792, avaient si légèrement engagé la Révolution dans la guerre, et qui, par le décret du 19 novembre 1792, avaient lancé la guerre de propagande. C’est sur les nécessités de la défense nationale et révolutionnaire que s’appuie la Montagne pour réclamer la tête du roi. « Que la tête de Louis tombe, s’écria Carra, et Georges III et le ministre Pitt tâteront si la leur est encore sur leurs épaules ! »

Robespierre parla le 28 décembre 1792, Vergniaud le 31. Ce furent les deux interventions les plus remarquables, au travers desquelles s’affirmèrent les positions irréductibles de la Gironde et de la Montagne.

Robespierre : « Par quelle fatalité la question qui devrait réunir le plus facilement tous les suffrages et tous les intérêts des représentants du peuple, ne paraît-elle que le signal des dissensions et des tempêtes ! Pourquoi les fondateurs de la République sont-ils divisés sur la punition d’un tyran ? (…)
Le véritable jugement d’un roi c’est le mouvement spontané et universel d’un peuple fatiguée de la tyrannie, qui brise le sceptre entre les mains d’un tyran qui l’opprime ; que c’est là le plus sûr, le plus équitable et le plus pur de tous les jugements ; je ne vous répéterai pas que Louis était déjà condamné avant le décret par lequel vous avez prononcé qu’il serait jugé par vous. Je ne veux raisonner ici que dans le système qui a prévalu ; je pourrais même ajouter que je partage avec le plus faible d’entre nous toutes les affections particulières qui peuvent l’intéresser au sort de l’accusé. Inexorable quand il s’agit de calculer d’une manière abstraite le degré de sévérité que la justice des lois déployer contre les ennemis de l’humanité, j’ai senti chanceler dans mon cœur la vertu républicaine en présence du coupable humilié devant la puissance souveraine : la haine des tyrans et l’amour de l’humanité ont une source commune dans le cœur de l’homme juste qui aime son pays. Mais, citoyens, la dernière preuve de dévouement que les représentants du peuple doivent à la patrie, c’est d’immoler ces premiers mouvements de la sensibilité naturelle au salut d’un grand peuple et de l’humanité opprimée ! Citoyens, la sensibilité qui sacrifie l’innocence au crime est une sensibilité cruelle ; la clémence qui compose avec la tyrannie est barbare (…)

Vergniaud : « Citoyens, dans une question aussi importante par ses relations intimes avec la tranquillité publique et la gloire nationale, il importe de ne pas prendre des passions pour des principes, ou les mouvements de son âme pour des mesures de sûreté générale. Permettez que, pour parvenir à un résultat digne de vous, je vous présente quelques idées sur la souveraineté du peuple. J’y tiens parce que je les crois vraies ; qu’on me démontre, non par des menaces ou des calomnies qui ne sont propres qu’à confirmer un homme libre dans son opinion, mais par des raisonnements solides, qu’elles sont fausses, et je suis prêt à les abandonner.
Qu’est-ce que la souveraineté du peuple, dont on parle sans cesse, à laquelle j’aime à penser que l’on ne veut pas rendre un hommage dérisoire, à laquelle je suis sûr du moins que la Convention nationale rendra un hommage sincère ?
C’est le pouvoir de faire les lois, les règlements, en un mot tus les actes qui intéressent la félicité du corps social. Le peuple exerce ce pouvoir, ou par lui-même ou par des représentants. Dans ce dernier cas, et c’est le nôtre, les décisions des représentants du peuple sont exécutées comme lois ; mais pourquoi ? parce qu’elles sont présumées être l’expression de la volonté générale. De cette présomption seule dérive leur force ; de cette présomption seule dérive le caractère qui les fait respecter.
D’où il résulte que le peuple conserve, comme un droit inhérent à sa souveraineté, celui d’approuver ou d’improuver ; d’où il résulte que si la volonté présumée ne se trouve pas conforme à la volonté générale, le peuple conserve, comme un droit inhérent à sa souveraineté, celui de manifester son vœu, et qu’à l’instant où cette manifestation a lieu doit disparaître la volonté présumée, c’est-à-dire la décision de la représentation nationale. Enlever au peuple ce droit, ce pouvoir, ce serait le dépouiller de sa souveraineté, la transférer, par une usurpation criminelle, sur la tête des représentants qu’il aurait choisi ; ce serait transformer ses représentants en rois ou en tyrans. (…)
Je me résume. Tout acte émane des représentants du peuple est un attentat à sa souveraineté s’il n’est pas soumis à sa ratification formelle ou tacite. Le peuple qui a promis l’inviolabilité à Louis peut seul déclarer qu’il veut user du droit de punir, auquel il avait renoncé. Des considérations puissantes vous prescrivent de vous conformer aux principes. Si vous y êtes fidèles, vous n’encourrez aucun reproche ; et si le peuple veut la mort de Louis, il l’ordonnera. Si au contraire vous les violez, vous encourrez au moins les reproches de vous être écartés de votre devoir. Et quelle effrayante responsabilité cette déviation ne fait-elle pas peser sur vos têtes ! »

Deux incidents renforcèrent le parti de la Montagne, pourtant minoritaire, en incitant les hésitants à prendre position contre la Gironde : une démarche de Dumouriez,et l’affaire Boze.

Le lendemain de l’incident Boze, Le 4 janvier 1793, la conclusion du débat fut acquise par l’intervention de Barère. Par lui, la Plaine s’exprima en un discours remarquable.

Barère ramassa, de façon magistrale, tous les arguments qui, du point de vue du droit révolutionnaire comme de celui des nécessités politiques, exigeaient que le pouvoir souverain soit maintenu à la Convention et l’appel rejeté. Son intervention marqua le moment où la majorité conventionnelle passa du côté des Montagnards.

Barère : « Vous êtes les envoyés de la nation (…) Renvoyer au peuple le jugement d’une affaire particulière, c’est détruire la nature du corps constituant ; c’est altérer les principes du gouvernement représentatif, c’est reporter au souverain ce que le souverain vous a chargés de faire (…)
Oui, d’après votre caractère conventionnel, je soutiens que le renvoi à la ratification du peuple est un tâtonnement dangereux, c’est une provocation pusillanime, c’est un dépouillement infidèle, c’est un affaiblissement de votre mission. Vous êtes les envoyés de la nation ; elle s’en est reposée sur vous pour prendre tous les moyens de salut public pour fonder et assurer sa liberté, et proscrire la tyrannie contre laquelle elle avait fait une sainte insurrection (…) »

La discussion fut fermée à l’unanimité et ordonnée l’impression de tous les discours non prononcés. La délibération fut ajournée au 14 janvier 1793 : c’était un nouveau délai. Ce fut le dernier.

L’appel au peuple (le 15 janvier 1793), soutenu par Vergniaud, Brissot, Guadet, Buzot, Lajuinais, est combattu par d’autres Girondins, Condorcet, Paine, Daunou, La Réveillière, la Plaine et toute la Montagne, et repoussé par 424 voix contre 287. 28 absents et 12 s’abstiennent. C’est pour la Gironde une défaite écrasante.

La Montagne l’emporte par 137 voix, et avec elle la thèse de la concentration des pouvoirs souverains entre les mains d’une assemblée représentative de la nation.

Bernard Vandeplas.