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Ecourt-Saint-Quentin, un village du Pas-de-Calais au temps de la Révolution

samedi 16 avril 2022

Il a été copié et recopié à maintes reprises (et carboné à chaque occasion). Il existe donc plusieurs manuscrits et tapuscrits différents du même texte qui varient les uns par rapport aux autres (un peu à la manière des parchemins médiévaux) au gré des erreurs, oublis et omissions des « copistes ».
Il comprend des copies les cahiers de doléances de 1789, ou des notes sur la construction de la nouvelle église, ou encore la copie des chronogrammes qui se trouvaient dans l’ancienne église.

Introduction :

Le texte que nous reproduisons ci-dessous, et qui commence par “Questions historiques posées par Monseigneur Pierre Louis Parisis en 1861. Réponses qui y ont été faites par Monsieur Lefelle, curé de la paroisse” correspond à une commande faite par Monseigneur Parisis, évêque d’Arras aux différents curés de son diocèse. Soixante-dix ans après la fureur révolutionnaire et la destruction d’une grande partie des archives religieuses, l’évêque d’Arras voulait faire œuvre de sauvetage de la mémoire religieuse locale.

M. Lefelle a certainement dû recopier, pour répondre aux questions concernant l’histoire la plus ancienne, un texte paru au XVIIIe ou au début du XIXe siècle, dans un livre d’origine religieuse, dont il serait intéressant de retrouver le référence exacte, retraçant le passé religieux de chaque village du diocèse. La suite du texte, pour les questions concernant un passé plus proche, semble être directement rédigé par M Lefelle lui-même.

Ce texte a ensuite été recopié une première fois par Louis Joseph Marchand, chantre à l’église d’Ecourt Saint Quentin en septembre 1871 à partir de l’ancien registre de la paroisse. En effet, le nouveau registre de la paroisse commence en 1868 avec l’inauguration de la nouvelle église. Finalement M l’abbé Defonte en fait une copie dans le nouveau registre de la paroisse en 1944 à partir de notes trouvées à la mort d’Alphonse Daussy, président du conseil paroissial.

L’original se trouve, lui, aux archives diocésaines d’Arras, il se compose de deux feuillets pliés tous les deux de manière à former huit pages. Le texte copié ne prend pas en compte les questions auxquelles répondaient M. Lefelle ; nous les restituons ici.

Questions historiques posées par Monseigneur Pierre Louis Parisis en 1861.
Réponses qui y ont été faites par Monsieur Lefelle, curé de la paroisse.

Eglise d'Ecourt-Saint-Quentin

I, Qu’était l’église d’Ecourt Saint Quentin avant 1789 (paroisse, chapelle, etc.) ?

Avant 1789, l’église d’Ecourt-Saint-Quentin était une paroisse importante, ayant un curé et un vicaire.

Ecourt que l’on écrit Ahilcurt en 670 et 1076, Hailcourt en 1195 et plus tard Aycourt, de « ay », eau, disent les savants, et « curt », courtil, maison, ferme, c’est-à-dire « ferme aux eaux », avait déjà une certaine importance et formait vraisemblablement une paroisse au commencement du VIIe siècle, ou tout au moins formait une paroisse avec Saudemont.

Le bienheureux Adalbauld et Sainte Rictrude, son épouse, en étaient alors seigneurs. Après la mort de son époux, vers 640, Sainte Rictrude, en fondant l’abbaye d’hommes de Marchiennes, lui donna la moitié de ses terres et de ses droits seigneuriaux sur les territoires d’Ecourt, de Saudemont et les localités.

Une bulle du Pape Célestin III du 8 juillet 1195, qui confirme l’abbaye de Marchiennes dans la possession des biens dont elle jouissait depuis sa fondation, mentionne en termes exprès le village d’Hailcourt ainsi que Saudemont : « in pago cameracensi dimidium villarum de Hailcurt et de Saudemont », et détaille même les rentes que les habitants d’Hailcourt devaient payer à l’abbaye, entre autres, trente et une mesures de pur froment « triginta et unius modiorum puri frumenti singulis annis ».

Vers 670, Saint Mauront, fils de Sainte Rictrude et seigneur de Douai et autres lieux, ayant bâti une abbaye à Breuil, sur le territoire de Merville, lui donna l’autre moitié des droits seigneuriaux, ainsi que la moitié des terres cultivées et incultes et du vivier sur les territoires d’Ahilcurt, Saudemont etautres lieux, et de plus toutes les dîmes appartenant à l’Eglise : « decimas totius corporis ecclesiae ». Les moines de Breuil s’étant retirés à Douai pendant l’invasion des Normands, vers 870, avec les reliques de Saint Amé, leur monastère fut changé en collégiale. Mais le chapitre conserva tous les biens et tous les privilèges dont avait joui l’abbaye de Breuil.

Par une charte de 1076, Robert Ier, dit le Frison, comte de Flandre, confirme la collégiale de Saint Amé dans la possession de tous les biensque saint Mauront avait donnés à l’abbaye de Breuil, et, reproduisant les termes de la donation, il mentionne la moitié des terres et de la seigneurie d’Ahilcurt ainsi que toutes les dîmes appartenant à l’Eglise de cette paroisse.

En 1081, Gérard, évêquede Cambrai, confirme de son côté les privilèges du chapitre de Saint Amé et par conséquent le droit de recueillir la dîme appartenant à l’église d’Ahilcurt.

II, [De] qui dépendait-elle ? [En] quoi consistait [cette] dépendance ?

De tous ces témoignages il ressort évidemment que le chapitre de Saint Amé était curé primitif, collateur et décimateur de l’Eglise d’Ecourt. A la vérité, l’abbaye de Marchiennes avait, aussi bien que le chapitre de saint Amé, des droits seigneuriaux sur Aycourt, et ces droits demeurèrent toujours indivis.

Mais le chapitre de Saint Amé avait seul les droits honorifiques de clocher pour Ecourt, seul il percevait les dîmes appartenant à l’Eglise. Toutes les chartes de l’abbaye de Marchiennes qui concernent Ecourt, reconnaissent ces droits au chapitre de Saint Amé.

On trouve, du reste, une preuve irrécusable de ces droits dans le texte des coutumes d’Aycourt-Saint-Quentin. Aycourt, qui avait reçu des droits d’échevinage et de commune à la fin du XIIe siècle et les privilèges de bourgage (privilège fiscal des bourgs) au XIIIe siècle, avait dès lors des coutumes qui lui étaient communes avec Saudemont. Ces coutumes furent rédigées d’une manière définitive en 1507, elles sont signées du curé, du bailli, du mayeur, des sept échevins etde sept ou huit des principaux habitants d’Aycourt qui s’appelle alors Aycourt-Saint-Quentin. Or, l’article 4 (il y en a 14) dit expressément que le chapitre de Saint Amé a le patronage de l’Eglise d’Aycourt, qu’il reçoit les dîmes grandes et petites, et qu’il paie le curé de ses deniers. Il est constant, d’ailleurs, que le curé d’Aycourt ne percevait pas la dîme au moment de la Révolution. Elle était recueillie par le bailli au nom du chapitre de Saint Amé.

En conséquence de ses droits de patronage, lechapitre avait reconstruit à ses frais le chœur de l’église en 1665, et le clocher longtemps avant cette date. L’Eglise d’Ecourt-Saint-Quentin était donc sous le patronage du chapitre de Saint Amé, qui en était le curé primitif, collateur et décimateur dubénéfice sous la réserve des droits de l’évêque de Cambrai au diocèse duquel appartenait cette paroisse.

III, Y a-t-il eu avant cette époque dans la circonscription de la paroisse actuelle d’Ecourt Saint Quentin des événements utiles à connaître pour l’appréciation des mœurs de cette époque et pour l’édification des peuples ?

Si l’on excepte la signature apposée au bas des coutumes d’Ecourt en 1507, en tête de toutes les autres, par le curé d’alors M. Hornicotte, il ne reste aucun renseignement sur les curés d’Ecourt-Saint-Quentin, ni sur les événements qui ont pu avoir lieu de leur temps avant l’année 1697.

En 1697, le curé d’Ecourt était Monsieur Cocquel ; il paraît certain que ce fut lui qui fit bâtir la chapelle de la Sainte Vierge en 1682, la chapelle de Saint Quentin et le presbytère en 1685 et le baptistère en 1695. Dès 1682, il y avait dans l’église d’Ecourt une confrérie du Saint Rosaire, et c’est pour elle que fut construite la chapelle de la Sainte Vierge, qui fut dédiée à Notre Dame du Très Saint Rosaire, comme le prouve le chronogramme qui se trouve encore dans l’un des murs de cette chapelle.

A Monsieur Cocquel, succéda en 1710, Monsieur Navez, mort à Ecourt en 1730. Sous son ministère, la paroisse, dévastée par les guerres, reprit sa première importance ; tandis qu’en 1710 on avait été plus d’un an sans baptiser un seul enfant, on trouve, vers 1725, une moyenne de 40 baptêmes chaque année.

Monsieur Navez est remplacé en 1730, par Monsieur Leteneur qui meurt, jeune encore, en 1739. Monsieur Leteneur paraît avoir fait donner une mission à sa paroisse en 1733, car on remarque que des prêtres de l’ordre des frères prêcheurs y séjournèrent plusieurs jours, dix jours au moins, entr’autres le frère Ambroise Grüc. De son temps, la paroisse d’Ecourt reçoit un vicaire (Monsieur Dufeuille, en 1735), et continue d’en avoir un jusqu’en 1791, on y trouve même souvent un deuxième prêtre auxiliaire, qui prend parfois le titre de vicaire et qui y séjourne plusieurs années de suite, par exemple vers 1780.

En 1739, Monsieur Dofflin est nommé curé d’Aycourt. Il obtient de Rome une relique de Saint Quentin en 1744, et fait lui-même un reliquaire en argent pour l’exposer à la vénération des fidèles. Plusieurs missions et retraites sont données de son temps à la paroisse, en 1749 par des Récollets, en 1753 par des Récollets également, en 1756 par des Carmes déchaussés. A sa mort en 1759, la paroisse d’Ecourt, si on s’en rapporte au chiffre des naissances et des décès devait avoir la même population qu’aujourd’hui (1861).

Monsieur Patté est nommé curé d’Aycourt en 1760 et y meurt en 1767. Il conduit en une seule fois cinq cents de ses paroissiens à la confirmation. Vers cette époque, la Société des Archers de la paroisse insère dans son règlement un article qui punitd’une amende de 10 sols tout archer qui aura juré. S’il y a récidive, l’amende est doublée. A la troisième faute, le coupable est impitoyablement exclu de la compagnie des archers. Il paraît qu’un pareil article avait été jusqu’alors inutile. Cependant, ony voit l’horreur qu’inspirait encore le blasphème même dans les sociétés de jeux comme était celle des archers.

Monsieur Dufaucon, nommé à la cure d’Ecourt en 1768, meurt en 1781. Il avait fait donner une mission à son arrivée.

Monsieur Godescaux luisuccède en 1782. Il est remplacé en 1787 par Monsieur Lequint que l’on retrouvera à son poste après la tourmente révolutionnaire.

Dans la période qui s’écoule de 1781 à 1790, la population d’Ecourt-Saint-Quentin doit être supérieure à celle d’aujourd’hui (1400). La moyenne annuelle des naissances et des décès dépassant de 15 à 20 la moyenne actuelle. Malgré le souffle précurseur de la Révolution, les mœurs paraissent s’être conservées assez pures pendant cette période décennale, car, du 1er janvier 1781 au 31 décembre 1790, sur un total de 730 naissances, il ne se trouve que cinq enfants illégitimes, [soit] un enfant naturel seulement contre 145 légitimes ; c’est certainement dix fois moins que maintenant

IV, Que s’est-il passé dans ces mêmes lieux durant la Révolution ? Qu’a fait le prêtre ou le clergé qui s’y trouvait ?

La Révolution trouva quelques fervents adeptes dans la paroisse d’Ecourt-Saint-Quentin qui échangea pour deux ans son nom chrétien en celui d’Ecourt-le-Long. Les biens de la cure qui comprenaient plus de 10 hectares furent vendus, les biens de l’église dont il est impossible de connaître l’importance, subirent le même sort. On vendait en même temps les propriétés considérables que Saint Amé et Marchiennes possédaient sur le territoire. Il faut cependant dire, à la louange des habitants d’Ecourt, qu’à part quelques terres de peu d’importance qui échurent aux révolutionnaires du lieu, tous les biens mis en vente furent achetés par des étrangers : Dron, ancien notaire, Tronchin de Genève, Grottard, etc…

Le curé, Monsieur Lequint, et le vicaire, Monsieur Dehaye, restèrent à leur poste jusqu’à la fin de juillet 1791. Ils refusèrent le serment et prirent le chemin de l’exil. Le vicaire y mourut au bout de deux ans, le curé put en supporter les rigueurs et revint au milieu de son troupeau vers la fin de 1801. Un curé constitutionnel fut installé à Ecourt le 12 ou 13 juillet 1791, avant que les pasteurs légitimes eussent quitté la paroisse. Il se nommait Deroy. Il paraît avoir montré beaucoup de condescendance pour les prêtres fidèles à leur devoir et plusieurs purent, avec son agrément, exercer leur ministère à Ecourt et à Rumaucourt qui faisait aussi partie de la paroisse. On assure même qu’après le Concordat, il fut nommé curé d’une des paroisses de Douai.

V, Qui est-ce qui a pourvu aux besoins spirituels et par quels moyens, en vertu de quels pouvoirs ? Où disait-on la messe (raconter les faits particuliers) ?

En 1793, le curé constitutionnel fut à son tour forcé de s’éloigner et l’église devint le temple de la Raison et le lieu des assemblées démagogiques. Une partie du mobilier fut envoyée au chef-lieu du district à Bapaume, une autre partie fut cachée chez le mayeur, devenu maire, qui acheta et conserva le tabernacle. Les autels latéraux et quelques tableaux furent vendus à vil prix, mais la chaire resta pour servir de tribune aux harangues. L’autel principal, dépouillé de son tabernacle, fut réservé au culte de la Raison, qui eut sa déesse, une jeune fille éhontée, digne de figurer dans les orgies de cette époque. Quelques faits suffiront à donner une idée de ce qui se passait dans la paroisse.

Pendant que les gens de bien, dont on épiait toutes les démarches, étaient forcés de s’enfermer dans leurs demeures, les exaltés faisaient guillotiner Louis XVI en effigie dans la cour du presbytère (c’est-à-dire dans la cour de chez Boilet). L’un d’entre eux dressait une échelle et allait arracher le tableau qui se trouvait derrière le maître autel, mais il en redescendit borgne. Un autre cassait un brasà une image de Jésus flagellé ; quelques mois plus tard, le bras du sacrilège, rongé par un mal inconnu, tombait en pourriture. Un troisième, ayant enlevé la cuve des fonts baptismaux, s’en servait pour abreuver ses chevaux ; le châtiment ne se fit pas attendre, plusieurs de ses chevaux moururent successivement, les autres, frappés de vertiges, parcouraient en furieux le territoire, entraînant après eux les chevaux qui paissaient dans les marais et qui, disent les anciens, étaient devenus comme fous.

L’église profanée servait à des danses immondes, présidées par la déesse Raison. A d’autres moments, les sans-culottes la transformaient en écurie ou en manège, s’y rendaient à cheval et y figuraient des courses. Après la Terreur, l’église servit à faire du salpêtre. Des assemblées tumultueuses se tenaient aussi fréquemment dans l’église. C’était là que, du haut de la chaire profanée, les méchants dénonçaient les chrétiens fidèles qui conservaient quelques rapports avec les prêtres catholiques. Mais des hommes adroits, figurant une exaltation qui n’était pas dans leur cœur, s’étaient glissés dans ces assemblées qu’ils parvinrent même souvent à maîtriser et déjouaient les complots des terroristes.

Le maire, qui avait été condisciple de Lebon, et qui, cependant, n’acheta pas de biens ecclésiastiques, sut profiter habilement de cette circonstance, et put faire sortir de prison les quelques personnes dénoncées pour avoir donné asile aux prêtres fidèles, entre autres l’ancien bailli Douez, Mathias Mathon et Juste Hérin. Aussi, malgré de grandes difficultés, des prêtres courageux purent pourvoir aux besoins spirituels de la paroisse, et au plus fort de la Terreur, on disait encore la messe des morts « praesente corpore » dans les maisons où quelque chrétien fidèle venaitde rendre son âme à Dieu. Avant 1793, quelques prêtres qui avaient exercé dans le voisinage, purent sans trop de difficultés, grâce à la condescendance du curé constitutionnel, exercer leur ministère dans la paroisse d’Ecourt.

Ces prêtres avaient reçu despouvoirs presque illimités de l’archevêque de Cambrai. Depuis 1793 jusqu’à 1801, les secours spirituels furent donnés par huit ou dix prêtres, portant tous le titre de missionnaires, recteurs et co-recteurs de Lécluse et lieux y annexés qui avaient aussi reçu leurs pouvoirs de l’archevêque de Cambrai. Nous citerons Monsieur Delferrière, plus tard curé de Sauchy Lestrée, le père Tillemont, capucin, plus tard curé de Noyelles, le père Ambroise Bonduel, carme, qui devint curé de Rumaucourt, et d’autres qui venaient plus rarement à Ecourt. Parfois les fidèles allaient trouver eux-mêmes ces prêtres courageux à Saudemont, à Estrées, au Verger, etc… Du reste, il se trouvait toujours des hommes de foi pour servir de conducteur ou d’éclaireur aux ministres de Jésus Christ, qui ne furent jamais arrêtés ; chacun d’eux avait un déguisement particulier, comme de vulgaires habitants, que les patriotes ne connurent pas ou feignirent de ne pas connaître.

Pendant huit ans, Monsieur Delferrière vint à Ecourt en costume de meunier, portant une blouse blanche et un fouet. Un jour même, il alla dans ce costume assister à la mort d’un des plus enragés révolutionnaires à qui Dieu accordait la grâce de reconnaître ses erreurs. Les principaux démagogues se trouvaient dans la maison Dumoribond, mais aucun d’eux ne dénonça le bon prêtre, ni alors, ni plus tard.

Jusqu’en 1798, on dit la messe alternativement dans huit ou dix maisons, mais toujours en secret. Les prêtres y entendaient en même temps les confessions et y firent même faire la première communion aux enfants. A dater de cette époque, on dit publiquement la messe et plus solennellement dans des granges donnant sur des cours où l’on pouvait recevoir un grand nombre de fidèles. On l’avait dite avant 1793, dans les maisons de Guislain Bacquet et de Charles Barbier, cultivateurs et beaux-frères. Au plus fort de la tourmente, on disait très souvent la messe chez Mathias Mathon qui fut jeté en prison pour ce sujet ; on la disait dans le même temps chez Juste Hérin, dont le fils fut aussi emprisonné, chez François Raverdy, et quelquefois dans les maisons d’Antoine Cocquel, de Célestin Quarré, Marcellin Décaudain, Quentin Deloffre, Balthazar Rincheval, Hurez, le père du Chamin, Frémaux et Douez ancien bailli, qui passa six mois en prison. D’autres personnes dont les maisons étaient favorablement situées, recevaient les missionnaires et leur donnèrent asile pour plusieurs jours. On cite Louis Bacquet, ancien officier, chez qui se retirait souvent Monsieur Delferrière.

Il serait difficile de citer les faits dignes d’intérêt à ce sujet, puisque les prêtres ne furent jamais sérieusement poursuivis dans la localité, et que plusieurs qui exerçaient le pouvoir légal étaient secrètement leurs zélés partisans.

VI, Quand l’église fut-elle rendue auculte ? En quel état était-elle ? A-t-on conservé quelque chose de l’ancien mobilier (ornements, reliquaires, cloches, etc.) ? (Faire connaître les inscriptions qui offriraient quelque intérêt.)

L’église fut rendue au culte, au jour de la Sainte Trinité en 1802, dans un état de délabrement complet . Une partie du toit était enfoncée, la nef n’avait ni voûte, ni plancher, le pavé du chœur avait été enlevé, ainsi que les tableaux, les autels latéraux et les confessionnaux. Il ne restait que la chaire et le maître autel. L’ancien mayeur, Elie Duflos, rapporta le tabernacle qu’il avait soigneusement conservé. Il rendit en même temps quelques ornements, des chandeliers, un ciboire, un calice, les boîtes aux saintes huiles, ainsi que la relique de Saint Quentin etson reliquaire en argent. Toutes ces choses avaient été cachées dans son pigeonnier. Il avait profité de son autorité (car il était le maire) pour soustraire tous ces objets au vandalisme révolutionnaire.

D’autres personnes rendirent les statues de Saint Quentin, de Saint Joseph et d’autres de moindre valeur. Une partie des statues cachées dans une maison du village avaient été détruites par un incendie allumé par le feu du ciel. Une seule cloche existait encore, deux autres avaient été enlevées par ordre du gouvernement révolutionnaire. Sur les murs des chapelles de la Sainte Vierge et de Saint Quentin, et sur les murs du presbytère, on voit encore des chronogrammes indiquant la date et le but de leur construction. Citons le chronogramme de la chapelle dela Sainte Vierge :

DEO OPTIMO.

LAVRVS CHRISTI PARÆ VIRGINI

TERQVINQVE ROSAE.

1682.

(Dieu tout puissant, la couronne du Christ [composée] de quinze roses [a été] préparée par une jeune fille).

VII, Comment s’est fait le rétablissement du culte ? Par qui ? Y a-t-il eu quelque cérémonie spéciale ? Laquelle ?

Nous avons déjà vu qu’à dater de 1798, les prêtres missionnaires exerçaient ostensiblement leur ministère et disaient publiquement la messe dansdes granges. Vers la fin de 1801, Monsieur Lequint, ancien curé, revint établir sa résidence dans sa paroisse avec les pouvoirs illimités de l’archevêque de Cambrai, et y remplit sans entraves toutes les fonctions de son ministère. Ce fut Monsieur Lequintqui rétablit publiquement le culte, à moins qu’on ne dise que les missionnaires l’avaient rétabli dès 1798. Il n’y eut aucune cérémonie publique spéciale, ni à l’arrivée de l’ancien curé, ni à la réouverture de l’église.

VIII, Quel a été le premier curé titulaire ? A quelle époque est-il nommé ? Comment a-t-il pourvu aux premiers besoins du culte (bienfaiteurs, fondations pieuses) ?

Monsieur Lequint conserva le titre de curé sous la direction de l’archevêque de Cambrai jusqu’au 16 juin 1802, puis il prit letitre de curé provisoire sous la dépendance de l’évêché d’Arras jusqu’au 11 septembre 1802. Il fut alors officiellement nommé desservant d’Ecourt-Saint-Quentin dont il était curé titulaire depuis 1787. Les restitutions qui avaient été faites à l’église lui permirent de pourvoir aux premiers besoins du culte. Il fut aidé par quelques uns de ses paroissiens. Citons M. Fremeaux, qui le conserva dans sa maison jusqu’en 1806, M. Pierre Paul Godefroy, qui fit relever la chapelle de Jésus flagellé, MM. Guislain Bacquet, Deloffre, Raverdy, Mathias Mathon, Lebuire… Mais la paroisse était pauvre, et jusqu’en 1837, l’église reste à peu près dans l’état où il l’avait retrouvée. Il n’y eut aucune fondation pieuse, il n’en existe encore aucune en 1861.

Monsieur Lequintoccupé à relever les ruines morales et religieuses, découragé peut-être, ne fit aucune œuvre extérieure et mourut le 1er novembre 1818 en montant à l’autel pour dire la première messe.

IX, Quels ont été les autres curés ? Dire ce qu’ils ont fait chacun.

A Monsieur Lequint succéda le 11 novembre 1818, Monsieur Coupé, de Sains lès Marquion, qui donna sa démission le 1ermars 1836 et se retira sans avoir fait rien de matériel dans sa paroisse.

Il fut immédiatement remplacé par Monsieur Marteau qui resta curé d’Ecourt jusqu’au 28 mars 1855. Monsieur Marteau fit travailler à l’église, il y érigea un chemin de croix, fit donner une mission et fit prêcher une retraite de jubilé par les confrères voisins. Il a été remplacé par Monsieur l’abbé Lefelle.

X, Détailler les diverses œuvres qui ont eu lieu.

{{}}- missions{{}}- établissement de confréries

{{}}- retraites{{}}- chemin de croix, etc.

En 1852, sous M. Marteau, le père Séraphin et un autre père donnent une mission de 15 jours dans l’église d’Ecourt-Saint-Quentin. Leur caractère d’étrangers et plus encore d’odieuses menées de l’impiété paralysèrent leurs efforts qui ne furent cependant pas sans succès auprès d’un grand nombre de chrétiens, jusque là oublieux de leurs devoirs. Mais la mission n’eut aucun effet durable pourl’avenir de la paroisse. En 1854 et 1858, les confrères voisins prêchèrent une retraite de jubilé. Au mois d’avril 1861, une nouvelle mission de plus de trois semaines fut donnée par les pères Guérin et Tournier de la Miséricorde. Les exercices furent suivis avec empressement, la communion générale fut nombreuse, mais on regrette de n’y voir que très peu d’hommes et de jeunes gens de la classe ouvrière proprement dite.

Un chemin de croix avait été érigé en 1850. Une confrérie du Saint Rosaire a été instituée en 1856 pour remplacer celle qui existait avant la Révolution.

XI, Travaux faits à l’église pour restauration (agrandissement, embellissement, construction) Dire l’époque de chacun d’eux et la provenance des ressources, mêmes questions pour le presbytère.

Immédiatement après la réouverture de l’église, le toit fut réparé, les vitraux refaits à la hâte et le chœur pavé en terre cuite aux frais de la commune. Ce même pavé a été employé dans la sacristie actuelle. On dressa deux petits autels fort pauvres, on établit deux confessionnaux sans qu’il soit possible d’assigner la date précise de ces divers travaux qui ont été exécutés sous M. Lequint, à l’exception dudernier confessionnal fait sous M. Marteau. En 1836, on fit aux frais de la Fabrique les boiseries qui ferment le clocher.

En 1837, la commune fit mettre un plancher à la nef et fit faire ensuite deux tableaux pour les autels latéraux et une peinture murale pour le maître autel. Ces deux tableaux ont été faits en 1838 et 1840 par M. Chevalier de Douai. Le tableau de la Sainte Vierge est maintenant dans l’église aux fonts baptismaux. La Fabrique fit placer des boiseries autour de l’église (toutes les armoires de la sacristie proviennent de ces boiseries) et construisit un nouvel autel pour le chœur.La commune supporta trois fois la refonte de la cloche : en 1814, en 1847 et en 1859. Quant au presbytère, il fut acheté en 1806. Les frais des restaurations qui y furent faites, furent supportés presque entièrement par Monsieur Marteau.

XII, Visites épiscopales. Dire sommairement ce qui s’y est fait. Fêtes.

La dernière visite épiscopale faite par M. de Trémouille datait du 26 juin 1772. Monseigneur de la Tour d’Auvergne vint visiter l’église d’Ecourt-Saint-Quentin le 7 juin 1838 et y donner la confirmation. Monseigneur Parisis la visita à son tour le 30 juin 1852 et y donna la confirmation le lendemain. Il fit en même temps quelques ordonnances fidèlement exécutées sur divers objets du culte et l’obligation de tenir une lampe allumée devant le Saint Sacrement. Une procession solennelle eut lieu pour la première fois à Ecourt en 1850, à l’occasion de l’érection d’un chemin de croix, donné par Monsieur Wiart, instituteur de la paroisse. La cérémonie favorisée par un temps magnifique réunit une foule nombreuse recueillie qui suivit avec émotion les scènes douloureuses de la Passion. Une autre fête, que le temps vint contrarier, fut organisée en 1851 à l’occasion de la bénédiction d’une statue de la Sainte Vierge, offerte par les demoiselles d’Ecourt. Le 31 mars 1856, jour de l’érection de la confrérie du Saint Rosaire, M. Lamort, doyen d’Oisy, présida une belle procession de la Sainte Vierge à laquelle était accourue une foule d’étrangers. [Grand était] le bonheur de voir l’assistance recueillie écouter avec une émotion visible les sublimes bontés de la dévotion du saint Rosaire.

Vers la fin de 1858, les jeunes gens de la paroisse eurent la pieuse pensée d’acheter une belle statue de Saint Roch, Une procession solennelle eu lieu le 7 novembre pour l’inauguration de cette statue. La population montra cette fois combien les sentiments religieux sont encore vivaces dans les âmes. La rue que devait parcourir le cortège fut ornée avec goût, chacun devait contribuer à embellir la fête ; plusieurs milliers d’étrangers vinrent se joindre aux fidèles de la paroisse et la foule toute entière suivit dans le plus grand recueillement et avec le plus religieux enthousiasme le statue de Saint Roch portée triomphalement le long de la principale rue du village. Puis suspendus aux lèvres de l’orateur, ces milliers d’auditeurs écoutèrent avec une religieuse avidité une magnifique esquisse de la vie de Saint Roch tracée par Monsieur le doyen d’Oisy.

Le 22 mai 1859, eut lieu une importante cérémonie pour la bénédiction de lacloche nouvellement refondue.

Des pèlerins assez nombreux venaient autrefois invoquer la protection de saint Quentin dans l’église paroissiale pour les fièvres intermittentes. Cette dévotion qui n’a été entretenue par aucun moyen extérieur tend à décroître, et on ne voit plus que de loin en loin les fidèles venir s’agenouiller à l’autel du saint Martyr.

XIII, Indiquer sommairement les titres déposés dans les archives de la paroisse.

Les titres déposés aux archives de la paroisse sont :

  • l’authentique dela relique de Saint Quentin en date du 7 avril 1754 ;
  • les titres de la première organisation du Conseil de Fabrique, qui n’avait pas été formé jusqu’alors, en date d’Arras le 18 avril 1837 ;
  • le titre d’érection du chemin de croix en date du 25 octobre 1850 ;
  • les lettres patentes du père Jeandel, érigeant canoniquement la confrérie du Très Saint Rosaire en date du 23 octobre 1856 ;
  • un registre des délibérations du Conseil de Fabrique, et les registres de catholicité à partir du 1erjanvier 1802. (Il n’existe aucun acte du temps de la Révolution.)

On trouvera à la mairie les registres de catholicité à peu près complets du 1er janvier 1697 au 5 janvier 1793.